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Portugal

Victoire écrasante pour les socialistes

Le socialiste José Socrates, vainqueur des législatives anticipées.(Photo: AFP)
Le socialiste José Socrates, vainqueur des législatives anticipées.
(Photo: AFP)
Les socialistes portugais font un retour en fanfare au Parlement, trois ans seulement après leur défaite électorale.

De notre correspondante à Lisbonne

Le suspense n’aura été que de courte durée. Quelques minutes après la fermeture des bureaux de vote au Portugal dimanche soir, l’ampleur de la victoire des socialistes ne faisait aucun doute. Les sondages sortis des urnes accordait entre 45 à 49 % des voix au Parti socialiste qui décrochait ainsi la majorité absolue au parlement. Un peu plus tard le pourcentage s’établissait définitivement à 45 %, un score qui attribuait à ce parti 120 des 230 sièges que compte l’hémicycle.

La victoire est historique, jamais le parti socialiste n’avait encore obtenu la majorité absolue au parlement, et cela depuis la naissance de la démocratie portugaise en 1974. Le Parti socialiste de José Socrates fait mieux que les leaders charismatiques du parti, Mario Soares qui avait obtenu 36,1 % des voix en 1983 ou Antonio Guterres qui, lui, avait atteint 44,1 % des voix. Socrates pouvait à juste titre se réjouir, lui qui a martelé durant toute la campagne électorale que cette majorité absolue est était indispensable pour garantir la stabilité au long des quatre ans de la législature. Le secrétaire général du PS y croyait tant et si bien qu’il a évité soigneusement la question sur une éventuelle alliance à gauche si cette majorité parlementaire n’était que relative. Selon lui, la victoire sans appel de son parti dimanche 20 février met fin au mythe selon lequel seule la droite est capable d’atteindre la majorité absolue au parlement Cette victoire est aussi un succès personnel pour celui qui va être le nouveau premier ministre du Portugal.

José Socrates : un pragmatique raffiné

Surnommé parfois le « politique Armani » en raison de son goût pour les costumes de style contemporain, José Socrates est un homme réservé, rongé par une timidité maladive qu’il maîtrise avec intelligence. Agé de 47 ans, il est loin d’être un inconnu pour les Portugais. Son passage au gouvernement Guterres comme ministre de l’Environnement et ministre adjoint du Premier ministre de 1995 à 2002 est considéré comme une réussite. Ce qui ne l’a pas empêché d’être sévèrement critiqué pour son projet de co-incinération de déchets industriels dans les cimenteries du pays. En septembre 2004, il devient secrétaire général du PS avec une écrasante majorité des voix : 81,4 %. Certains ont vu dans sa rapide ascension, plus le fait du hasard qu’une progression politique fruit d’une stratégie.

Socrates a c’est vrai, bénéficié de la démission de son prédécesseur à la tête du parti, Ferro Rodrigues, qui avait préféré renoncé à sa fonction après un différent qui l’a opposé au président de la République, le socialiste Jorge Sampaio. Ce dernier avait choisi en juillet 2004 de nommer le social démocrate Pedro Santana Lopes premier ministre en lieu et place de José Manuel Durão Barroso, parti à Bruxelles présider la commission européenne. Ferro Rodrigues, le secrétaire général du parti socialiste, réclamait des élections législatives, et il avait alors démissionné. De son côté, Santana Lopes avait alors formé un gouvernement de coalition avec le CDS/PP, le parti des chrétiens démocrates, dirigé par le ministre de la défense Paulo Portas. Le 30 novembre 2004, le président Sampaio décidait de dissoudre l’assemblée, considérant que la stabilité n’était pas garantie. La dissolution contraignait alors Santana Lopes à démissionner.

Aujourd’hui, la droite se retrouve en mauvaise posture. Car si la victoire est historique pour le parti socialiste, la défaite l’est tout autant pour les sociaux-démocrates et les chrétiens démocrates. Le PSD obtient tout juste 30 % des voix, le CDS/PP dont le bouillant leader Paulo Portas voulait en faire la 3ieme force politique du pays, perd deux députés et se retrouve déclassé en quatrième place. L’ancien ministre de la Défense dans un discours qui n’a pas manqué de panache le soir de la législative de dimanche, élections a assumé sa défaite et annoncé sa démission. Le congrès extraordinaire qu’il a convoqué pourrait cependant le replacer à la tête du parti. Quant à Santana Lopes, il a assumé la responsabilité de l’échec, mais n’a pas fait part de son intention de démissionner. Son avenir politique pourrait être en jeu.

Une lourde tâche attend le gouvernement Socrates

En découvrant l’ampleur de leur victoire dimanche soir, les socialistes ont pris aussi conscience de la responsabilité qui leur incombe. La majorité absolue que José Socrates a réclamé tout au long de la campagne électorale permettra de gouverner avec les coudées franches. Mais jusqu’à présent, on sait encore très peu sur les moyens que va mettre en œuvre le futur Premier ministre pour sortir le Portugal de la crise. Son équipe gouvernementale est une inconnue. Aucune des personnalités pressenties, l’ancien commissaire européen Antonio Vitorino, ou l’ancien chef de la diplomatie, Jaime Gama pour ne citer que ceux-ci, n’ont confirmé les rumeurs.

À plusieurs reprises, Socrates a évoqué les « indépendants », probablement des experts de la société civile. Socrates, dauphin d’Antonio Guterres, sait qu’il ne peut pas s’entourer exclusivement des barons du « guterrisme » sous peine de perdre très vite la popularité dont il jouit. Son gouvernement ne sera pas connu avant la mi-mars. Socrates a promis une équipe compétente et efficace. Le futur Premier ministre veut lancer très vite le programme qui lui tient à cœur : un « choc technologique » destiné a créer 150 000 emplois dans la recherche, les nouvelles technologies et la société de l’information.

José Socrates a un autre cheval de bataille : l’éducation. Il veut réduire l’abandon scolaire précoce, qui place le Portugal bon dernier dans l’Europe à 25, et développer les formations qualifiantes. Socrates défend le modèle nordique de développement, un modèle qui allie la compétitivité et la protection sociale. Le futur chef du gouvernement Portugais endosse sans aucun complexe le costume de social démocrate. Tenace et efficace, sobre dans sa manière de communiquer, on le dit irascible et jaloux de sa vie privée. A 47 ans, Socrates « golden boy » de la politique portugaise vient de se voir remettre un chèque en blanc pour sortir un pays et un peuple de son marasme économique et sociale.

par Marie-Line  Darcy

Article publié le 21/02/2005 Dernière mise à jour le 21/02/2005 à 15:23 TU

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Patrick Adam

Journaliste

«Aucun parti n'avait obtenu de majorité absolue au Portugal depuis au moins dix ans.»

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