Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Togo

Le pouvoir dans l’impasse

Fambaré Natchaba Ouattara, président de l'Assemblée togolaise, était le successeur constitutionnel du président de la République avant la révision du 6 février 2005.(Photo: AFP)
Fambaré Natchaba Ouattara, président de l'Assemblée togolaise, était le successeur constitutionnel du président de la République avant la révision du 6 février 2005.
(Photo: AFP)
Les pressions se font de plus en plus fortes sur le régime togolais qui commence à lâcher du leste. La reconsidération de la révision de la constitution convainc la communauté internationale de persister sur la voie des sanctions. Mais le retour à l’ordre constitutionnel tant souhaité n’est pas la panacée.

De l’Union africaine à l’Union européenne en passant par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao), les observateurs de la politique au Togo ont pu juger de l’outrecuidance du pouvoir de Lomé à transformer et à fabriquer un arsenal politico-juridique dans le seul but de se maintenir au pouvoir. Toutes les instances internationales avaient condamné le passage héréditaire du pouvoir politique imposé par l’armée et validé par les parlementaires du parti présidentiel, majoritaires à l’Assemblée nationale. La culture de l’impunité imposée par un pouvoir absolu a survécu au président Gnassingbé Eyadéma, dont la disparition et les obsèques deviennent secondaires face aux intérêts en jeu. 

La personnalité du général Gnassingbé Eyadéma s’était imposée en Afrique réduisant ses pairs africains à ne lui faire que des éloges ou à se taire quand ils ne partageaient pas ses agissements sur sa politique intérieure. Seule l’Union européenne avait réagi contre les événements politiques en 1993 qui ont coûté la vie à des dizaines de personnes. L’UE avait accusé le pouvoir du général président de « déficit démocratique » et avait rompu en partie sa coopération économique avec Lomé. La mort du président Eyadéma a aujourd'hui « libéré » les institutions africaines qui ont rejoint l’UE sur la voie des sanctions contre le régime togolais. Cette pratique inhabituelle en Afrique a fait croire au régime de Lomé que les prises de position de l’UA et de la Cedeao n’étaient que pour la forme.

Une CENI sans l'opposition

Mais la ténacité du président en exercice de l’Union africaine et chef de l’Etat du Nigeria, Olusegoun Obasanjo, dont le pays abrite également la Cedeao, et du président de la Commission de l’UA, Alpha Oumar Konaré a eu raison de l’entêtement du régime de Lomé, surpris par cette évolution. Il a effectué un premier recul en revenant sur certaines dispositions constitutionnelles corrigées, en réhabilitant les articles qui prévoient un nouveau scrutin dans les 60 jours, organisé par un pouvoir intérimaire. Toutefois, ce retour en arrière est partiel puisque Faure Gnassingbé, le fils désigné président est maintenu dans son fauteuil. Dans la foulée, les députés ont nommé neuf des treize membres qui doivent composer la Commission électorale nationale indépendante (CENI), chargée d’organiser les élections. L’opposition traditionnelle n’a pas présenté de candidats.

La communauté internationale et l’opposition traditionnelle réclament le retour à l’ordre constitutionnel, c’est-à-dire celui en vigueur avant la mort du président Eyadéma. Or, cet «ordre constitutionnel» condamné par l’UE était contesté par l’opposition qui n’y trouvait aucune possibilité d’alternance au pouvoir. Par ailleurs, les vingt-deux engagements du régime pris devant l’UE en avril 2004 étaient convenus pour améliorer le dialogue politique. Ces engagements constituaient en soi un terrain favorable au toilettage de la constitution de manière consensuelle. Le code électoral et toutes les dispositions qui l’accompagnent étaient également rejetés par l’opposition. En tout cas le « retour à l’ordre constitutionnel» conduira certainement à une situation de blocage à l’origine de la crise politique au Togo depuis 1993.

C’est pourquoi, on perçoit une évolution dans les propos des leaders de l’opposition. « C’est une bonne chose qu’ils (députés) aient abrogé les modifications anticonstitutionnelles, mais le problème demeure », déclare le président du Comité d’action pour le renouveau, Yawovi Agboyibo. Chaque parti prêche pour sa chapelle en misant sur la présidentielle et non pas sur la refonte totale du système. Pour l’instant, c’est le Comité togolais pour la résistance d’Isidore Latzoo qui prône la désignation d’un gouvernement d’union nationale transitoire qui aura la charge de jeter les bases d’une nouvelle république. Cette ligne est suivie par l’Allemagne, ancienne puissance coloniale du Togo, qui réclame une démission immédiate de Faure Gnassingbé. « Jusqu’aux élections, un gouvernement de transition représentant toutes les forces politiques du pays, doit diriger les affaires courantes », a affirmé Kerstin Mueller, la secrétaire d’Etat au ministère allemand des Affaires étrangères.

Les sanctions de la Cedeao, les récriminations de la communauté internationales pousseront certainement le régime togolais dans ses derniers retranchements, mais faudrait-il aussi qu’une opposition crédible soit prête à tourner la page.  


par Didier  Samson

Article publié le 22/02/2005 Dernière mise à jour le 22/02/2005 à 19:35 TU