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Côte d'Ivoire

Bouaké s’émancipe d’Abidjan

Carte de la Côte d'Ivoire divisée.(Source: www.un.org)
Carte de la Côte d'Ivoire divisée.
(Source: www.un.org)
Les Forces nouvelles ne veulent plus dépendre de l’administration centrale d’Abidjan. Elles s’offrent quelques attributs de « zone autonome », ce qui relance le débat sur la sécession programmée par les ex-rebelles.

Les Forces nouvelles ouvrent le premier établissement financier dans la moitié nord de la Côte d’Ivoire. La Caisse d’épargne populaire et de crédit de Côte d’Ivoire (CEPC-CI) a ouvert ses portes le 21 février en accueillant ses premiers clients. Guillaume Soro, secrétaire général des Forces nouvelles, a déposé une somme d'un million de francs CFA, soit environ 1 500 euros. Sidiki Konaté, le porte-parole des FN, a déposé une somme de 500 000 francs CFA (750 euros). L’établissement bancaire qui vient d’ouvrir  ses portes est doté d’un capital de 15 millions de francs CFA (23 000 euros). Plusieurs autres succursales sont prévues dans différentes villes de la zone placée sous le contrôle des FN, Korhogo, Man et Séguela. 

Un certain Bonaventure Kouamé aurait été à l’origine de la création de cet établissement. C’est encore lui qui a lancé la Loterie nouvelle de Côte d’Ivoire (LONCI) dont, dit-il, « l’objectif est de lutter contre la pauvreté, en mettant à la disposition des jeunes des fonds pour qu’ils puissent monter leurs affaires ». Depuis le déclenchement de la rébellion en septembre 2002, toutes les banques et les services administratifs dans la moitié nord de la Côte d’Ivoire avaient cessé leurs activités. Mais avec le concours de nombreuses ONG, écoles et hôpitaux ont retrouvé de timides activités. Mais le problème le plus important est la rupture entre le nord et le sud pour l’approvisionnement des marchés. Cette situation a créé une économie de « débrouillardise » faite de trafic et de contrebande en tout genre. Par ailleurs, les fonctionnaires de la zone nord étaient obligés de se rendre à Yamoussoukro ou à Abidjan pour percevoir leur salaire.

Fait accompli

Au gré de l’évolution des discussions entre la rébellion et le pouvoir, Abidjan fermait le robinet, filtrait les approvisionnements de la zone nord, ce qui agaçait profondément Guillaume Soro qui n’a pas supporté, par ailleurs, d’être démis de son portefeuille de ministre d’Etat chargé de la Communication. Plusieurs autres ministres issus des FN avaient connu le même sort. Retranchés dans leur fief de Bouaké, ils avaient brandi, pour la première fois, la menace de la sécession en avril 2004. « Si la communauté internationale n’y prend pas garde, les choses vont déraper car nous allons nous prendre en charge. (…) Si nous pouvons nous prendre en charge, nous n’avons pas besoin d’Abidjan », avait lancé Guillaume Soro. Cette menace de « séparation » avait inquiété le représentant spécial de l’ONU en Côte d’Ivoire qui avait obtenu des Forces nouvelles une atténuation de leurs propos. Mais l’idée, qui a aussi divisée les Forces nouvelles, a fait son chemin.

La rupture du cessez-le-feu par les Forces armées de Côte d’Ivoire en novembre 2004 a conforté les FN de surseoire au programme de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) pour installer un réel pouvoir dans « leur Zone ». Pour asseoir une certaine autonomie, les Forces nouvelles s’offrent quelques attributs du pouvoir : nominations de préfets de région, création d’une école de police, des douanes et de la gendarmerie. Les FN procèdent actuellement à la restructuration de leurs différentes unités en véritable armée. Les Forces nouvelles ne communiquent plus sur leurs actes mais leurs intentions s’affichent de plus en plus clairement. Elles optent désormais pour le choix de mettre tout le monde devant le fait accompli.  


par Didier  Samson

Article publié le 23/02/2005 Dernière mise à jour le 23/02/2005 à 18:39 TU