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Egypte

Un grand pas pour Moubarak, un petit pas pour la démocratie

Après 24 ans à la tête de l'Etat égyptien Hosni Moubarak annonce une réforme constitutionnelle permettant l’élection du président au suffrage universel.(Photo : AFP)
Après 24 ans à la tête de l'Etat égyptien Hosni Moubarak annonce une réforme constitutionnelle permettant l’élection du président au suffrage universel.
(Photo : AFP)
Le président égyptien, confronté aux pressions américaines, a annoncé samedi une modification constitutionnelle majeure, ouvrant la voie à l’élection du président de la République au suffrage universel avec pluralité de candidatures.
De notre correspondant au Caire

Réformer ou ne pas réformer ? Telle était la question à laquelle devait répondre Hosni Moubarak lors de son accession au pouvoir en Égypte en octobre 1981. Vingt-quatre ans plus tard le raïs a soudain décidé de répondre par l’affirmative, prenant tout le monde par surprise. L’article 76 de la constitution fixant les modalités de l’élection présidentielle devait être changé sur ordre du président. De quoi semer le désordre dans les rangs des députés de la majorité (plus de 90% du parlement) qui devaient brusquement plancher sur un sujet qu’ils maîtrisaient peu: le libéralisme politique. Comment passer d’un président désigné par le parlement et confirmé par plébiscite à des élections au suffrage universel ?

Pendant que les députés et l’exécutif cogitaient, les médias applaudissaient unanimement. La presse officieuse rendait hommage à la sagesse du raïs pour sa «décision historique». Le journal du parti libéral Wafd comme celui du parti nassérien célébraient la victoire de la démocratie, sous-entendant que ce revirement avait été possible grâce à eux. Cela faisait, en effet, des années que l’opposition réclamait un amendement de la constitution. Ces derniers mois, l’opposition institutionnelle était même passée à la vitesse supérieure après les élections palestiniennes. La naissance inopinée d’un nouveau mouvement populaire contestataire «Kéfaya » (assez) qui a osé manifester dans les rues contre le mandat «infini » du raïs a même poussé le gouvernement à ouvrir «un dialogue national » avec l’opposition. Un dialogue qui, comme tant d’autres, semblait destiné à faire passer la grogne sans être vraiment suivi d’effets. D’ailleurs le raïs qualifiait, il y a un mois encore, les appels de l’opposition à modifier la constitution de «futiles ».

Jamais Washington ne s’était faite aussi pressante

C’est à ce moment que les pression américaines ont commencé à se faire sentir de plus en plus lourdement. Dans son discours sur l’état de l’Union, le président George Bush a demandé à l’Égypte d’être pionnière en démocratie comme elle l’avait été pour la paix avec Israël. L’arrestation d’Ayman Nour, chef du tout nouveau parti libéral « Al Ghad » (demain), a jeté de l’huile sur le feu. La secrétaire d’État américaine Condoleezza Rice n’a pas hésité à prendre à partie son homologue égyptien lors d’une conférence de presse conjointe à Washington. L’Égypte qui pensait être rentrée dans les bonnes grâces américaines en organisant le sommet de Charm el Cheikh entre Palestinien et Israéliens et en accueillant sur son sol le Premier ministre de l’Etat Hébreu Ariel Sharon découvrait que cela ne suffisait pas à calmer les exigences en matière de démocratie de son principal bailleur de fonds (2 milliards de dollars par an). Il n’est donc pas étonnant que le porte-parole du département d’État, Steven Pike, ait exprimé la «satisfaction » de Washington et estimé que la décision du raïs était «un pas dans la direction d’un système politique plus ouvert ».

Lequel des deux éléments a été plus déterminant, pressions de l’opposition ou des États-Unis, les avis des analystes sont partagés, les Égyptiens soulignant le changement du paysage politique local et les étrangers affirmant que jamais Washington n’avait été aussi pressant sur une démocratisation de la région, Égypte et Arabie Saoudite en tête.

Quoiqu’il en soit, on commence déjà à s’apercevoir des limites du «printemps du Caire » qui commence à prendre des allures de khamsin, ce vent de sable soufflant en cette saison du désert. Le parlement chargé de changer les règles de l’élection présidentielle vient de poser une condition restrictive : le candidat à la présidence doit «obtenir l’accord d’une partie (le pourcentage n’est pas précisé) des élus du parlement et des assemblées régionales ». Des assemblées entièrement dominées par le parti du président Moubarak. En d’autres termes frères musulmans et autres opposants sérieux du régime ne seront probablement pas agréés. Une condition qui pousse le journal Wafd à lancer une mise en garde mardi : «le peuple craint que la réforme constitutionnelle ne soit vidée de son essence ».

par Alexandre  Buccianti

Article publié le 01/03/2005 Dernière mise à jour le 01/03/2005 à 11:26 TU