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Egypte-Israël

Embellie diplomatique après quatre ans de tensions

Ariel Sharon (à gauche) et Hosni Moubarak ont eu un entretien téléphonique chaleureux dimanche.</P> 

		(photo : AFP)
Ariel Sharon (à gauche) et Hosni Moubarak ont eu un entretien téléphonique chaleureux dimanche.


(photo : AFP)
Après quatre années de relations plutôt tendues, largement dues à la répression par Israël de l’Intifada palestinienne, Egyptiens et Israéliens semblent désormais déterminés à tourner la page de leurs différends et relancer leur coopération au niveau diplomatique, sécuritaire mais aussi économique. Signe de ce réchauffement de relations jusqu'ici glaciales, la libération dimanche d'Azzam Azzam, un Israélien incarcéré en Egypte depuis huit ans pour «espionnage» au profit de l’Etat hébreu. Un geste visiblement apprécié par les autorités israéliennes qui ont, dans la foulée, relâché six étudiants égyptiens arrêtés en août dernier et soupçonnés de vouloir commettre des attentats en Israël.

La détente entre les deux pays était perceptible depuis plusieurs semaines déjà comme pouvaient en attester les visites effectuées par des responsables égyptiens en Israël et celles accomplies par des dirigeants de l’Etat hébreu au Caire. Le chef de la diplomatie égyptienne Ahmed Aboul Gheit et le chef des renseignements le général Omar Souleiman étaient en effet la semaine dernière encore à Jérusalem et le ministre des Affaires étrangères Sylvan Shalom ainsi que plusieurs responsables militaires israéliens se sont rendus soit officiellement soit secrètement en Egypte ces derniers temps. Mais le signal fort de ce réchauffement est intervenu la semaine dernière lorsque le président Hosni Moubarak a fait assaut de compliments à l’égard du Premier ministre israélien, il y encore peu considéré par Le Caire comme infréquentable. S’adressant à la presse nationale égyptienne, le chef de l’Etat avait assuré qu’Ariel Sharon s’était déclaré «prêt à faire ce que les Palestiniens demandent pour faciliter l’élection présidentielle du 9 janvier et à lever les barrages» mais à la seule condition que cessent les violences. Rendant un hommage aussi surprenant qu’appuyé au chef du gouvernement israélien, Hosni Moubarak avait surtout affirmé être «convaincu que si les Palestiniens n’arrivent pas à réaliser une avancée dans les pourparlers de paix sous l’ère de M. Sharon, il sera difficile de réaliser une quelconque avancée dans le futur car le Premier ministre israélien est capable d’œuvrer pour la paix et de trouver une solution s’il le veut».

Quelques jours plus tard, l’Egypte annonçait la libération d’Azzam Azzam, un Druze israélien arrêté en 1996 au Caire et condamné un an plus tard à quinze années de travaux forcés pour espionnage au profit de l’Etat hébreu. Officiellement, cette libération a été décidée pour des raisons de santé et après que le détenu eut purgé la moitié de sa peine. Le porte-parole de la présidence égyptienne, Magued Abdel Fattah, a d’ailleurs insisté sur le fait qu’il n’y avait pas eu dans cette affaire de transactions avec les autorités israéliennes. Toujours est-il que dès l’annonce de la libération d’Azzam Azzam, l’Etat hébreu a décidé de relâcher six étudiants égyptiens incarcérés à Beersheba depuis le mois d’août dernier et accusés d’avoir notamment cherché à enlever des soldats de Tsahal pour les échanger contre des prisonniers palestiniens. D’après l’entourage d’Ariel Sharon, le Premier ministre a ordonné, après avoir remercié Hosni Moubarak pour son «geste humanitaire qui contribuera au renforcement des relations entre les deux pays», la libération des six Egyptiens. Il aurait également donné des instructions aux autorités chargées de la sécurité pour qu’elles examinent la possibilité d’une réduction de peines pour des détenus palestiniens.

Sommet Moubarak-Sharon en perspective

Le rapprochement israélo-égyptien a particulièrement été perceptible lors d’un entretien téléphonique entre Hosni Moubarak et Ariel Sharon. Selon un communiqué du cabinet israélien qui rapporte la conversation des deux hommes, le Premier ministre a appelé le président égyptien pour le remercier de son «geste humanitaire». «J'ai fait cela particulièrement pour vous», lui aurait répondu ce dernier. «Le Premier ministre a également remercié le président pour ses propos jeudi à la presse égyptienne et lui a dit qu'il était convaincu qu'ensemble, ils pourraient parvenir à de grands résultats dans l'intérêt des générations à venir», ajoute ce texte. «Je suis absolument d'accord avec vous. Ensemble nous pourrons parvenir à beaucoup de choses et je le dis en toute sincérité», lui aurait soutenu Hosni Moubarak. La presse israélienne parle déjà d'un sommet réunissant les deux hommes, partenaires désormais incontournables pour un réglement du conflit israélo-palestinien.

Cette volonté de renouer des relations fortement malmenées par la politique sécuritaire conduite depuis quatre ans par Ariel Sharon dans les Territoires palestiniens ne semble cependant pas faire l’unanimité en Egypte où l’échange de prisonniers de dimanche a suscité l’indignation des partis d’opposition qui ont accusé le gouvernement de «vendre à vil prix» l’honneur national. Cette indignation est d’autant plus grande que la décision de libérer Azzam Azzam intervient peu après la mort de trois policiers égyptiens abattus il y a une quinzaine de jours par l’armée israélienne dans la ville frontalière de Rafah, entre l’Egypte et la bande de Gaza. Même le père d’un des étudiants libérés a dénoncé l’échange de prisonniers. «C’est un échange inéquitable. Nos enfants sont innocents tandis qu’Azzam Azzam est un espion qui a été jugé comme tel et condamné», a-t-il défendu.

Quoiqu’il en soit et malgré l’indignation suscitée en Egypte, le président Hosni Moubarak semble déterminé à aller de l’avant avec Ariel Sharon qui ne cache d’ailleurs plus son souhait d’associer Le Caire à son plan de retrait de la bande de Gaza. L’Egypte devrait en effet jouer un rôle majeur dans l’accompagnement sécuritaire de ce retrait en participant notamment à l’entraînement des policiers palestiniens. Dans ce contexte, le changement d’attitude du chef de l’Etat égyptien s’explique largement par la détermination affichée par le Premier ministre israélien de mener à bien, et ce dès l’année prochaine, son plan de séparation d’avec les Palestiniens même contre l’avis des durs de son parti, le Likoud. Il n’est pas non plus étranger au nouvel intérêt de la Maison Blanche pour le dossier israélo-palestinien. Recevant ce week-end le président pakistanais Pervez Musharraf, George Bush a en effet affirmé que la création d’un Etat palestinien était désormais «une priorité» pour son administration. Il n’est enfin pas sans conséquence économique pour l’Egypte qui doit signer la semaine prochaine un accord sur la création d'une zone de libre échange avec Israël et les Etats-Unis.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 06/12/2004 Dernière mise à jour le 06/12/2004 à 16:16 TU