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Otages

Le mystère Julia

Le député UMP Didier Julia à l'Assemblée nationale.(Photo : AFP)
Le député UMP Didier Julia à l'Assemblée nationale.
(Photo : AFP)
Florence Aubenas est vivante et demande à Didier Julia de l’aider. Jean Pierre Raffarin appelle donc le député français à coopérer avec les services secrets pour obtenir la libération de la journaliste. Une coopération que le député français est en train de monnayer.

Didier Julia demande « instamment » à la justice française « la levée du contrôle judiciaire » qui pèse actuellement sur ses deux collaborateurs. En septembre dernier, Philippe Brett et Philippe Evano avaient accompagné Didier Julia en Syrie pour tenter d’obtenir la libération de Chesnot et Malbrunot. La tentative - assez rocambolesque puisque l’un des deux hommes avait même affirmé avoir vu les otages et que l’avion qui devait ramener les deux prisonniers à Paris était ivoirien – la tentative, donc avait échoué. Et le gouvernement français avait mal pris cette initiative, lancée sans aucune concertation avec les autorités.

« Entrer en relation avec certaines personnalités irakiennes »

L’histoire avait abouti à une plainte concernant cette mission parallèle. Par la suite, et assez rapidement, Brett et Evano furent mis en examen pour « intelligence avec une puissance ou une organisation étrangère ou avec ses agents, de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation, notamment à sa diplomatie et à la sauvegarde de sa population ». Les deux pieds nickelés sont aujourd’hui sous contrôle judiciaire. Ils n’ont pas le droit de se voir, ni de quitter le territoire français. Quant à Didier Julia, convoqué le 20 janvier par le juge anti-terroriste Jean-Louis Bruguière en vue d’une éventuelle mise en examen, il n’avait pas pu venir au rendez-vous, invoquant des problèmes d’emploi du temps.

Contrairement aux deux collaborateurs de Didier Julia, la justice française avait donné l’impression de ménager le député. Il n’a d’ailleurs pas non plus été sanctionné par une exclusion de son parti politique, l’UMP. Aujourd’hui, après l’appel à l’aide lancé par Florence Aubenas à son intention, le député demande que la justice mette fin à la procédure concernant ses deux collaborateurs, afin de pouvoir agir au Moyen-Orient. Il s’agit « d’entrer en relation avec certaines personnalités irakiennes incontournables dans cette affaire ». Dans un communiqué, le député indique encore : « Brett et Evano connaissent tous mes contacts en Irak et disposent en outre, eux-mêmes, de nombreuses autres relations dans ce pays qui sont absolument indispensables à la médiation sollicitée».

Ecarter toute idée de « diplomatie parallèle »

Mercredi, au lendemain de la diffusion de la cassette vidéo montrant une otage désespérée, Jean-Pierre Raffarin annonçait, devant les députés, qu’il avait demandé à la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) de prendre contact avec Didier Julia afin de « recueillir toutes les informations nécessaires» pouvant conduire à la libération de la journaliste. Cette rencontre a effectivement eu lieu jeudi matin à l’assemblée nationale mais Didier Julia n’a rien divulgué de cet entretien.

« Toute personne qui croirait détenir des informations sérieuses sur la situation de Florence Aubenas a le devoir de les porter immédiatement et sans condition, à la connaissance des autorités », avait également déclaré le Premier ministre devant l’Assemblée. Ces propos ont été diversement interprétés par la presse française. Pour le quotidien Le Parisien, Jean-Pierre Raffarin « prie fermement » le député de « coopérer avec les services secrets ». Au contraire le quotidien Le Figaro constate que le Premier ministre « sermonne Didier Julia ».  Pour le quotidien Libération, Didier Julia a été sommé de rentrer dans le rang, le Premier ministre écartant toute idée de « diplomatie parallèle ». Libération, journal pour lequel travaille la journaliste kidnappée, regrette par ailleurs que Didier Julia ait décliné l’invitation consistant à lancer un appel aux ravisseurs, qu’il semble connaître, dans les colonnes du journal.

Pour le journal helvétique Le Temps,  il semble de plus en plus évident qu’il y a un lien entre l’enlèvement de Florence Aubenas et celui de Chesnot et Malbrunot. Le quotidien de Genève fait la supposition que les services français, qui ont obtenu la libération des deux hommes, n’auraient peut-être pas respecté un accord. Les ravisseurs auraient alors récidivé afin d’obtenir ce qui avait été initialement promis : peut-être une rançon, ou des visas pour des proches. Pour le moment, impossible de savoir quand Florence Aubenas sera libérée et par qui. Seule certitude : le sort de la jeune femme est maintenant une affaire d’Etat. 


par Colette  Thomas

Article publié le 03/03/2005 Dernière mise à jour le 03/03/2005 à 16:36 TU