Indonésie
Le doute profite à Abou Bakar Bashir
(Photo : AFP)
Tireurs d’élite, véhicules anti-émeutes, directeurs de métaux et fouilles au corps. La police indonésienne est en état d’alerte maximal lorsque Abou Bakar Bashir arrive en fourgon blindé au tribunal antiterroriste de Djakarta. On craint les provocations de la centaine d’étudiants islamistes rassemblés dans la salle d’audience. Ils saluent l’entrée du vieux prédicateur, en djellaba blanche et coiffé du calot traditionnel musulman, aux cris d’Allah o Akbar (Dieu est grand). Bashir ordonne le silence qu’il obtient sans difficulté. Il écoute ensuite attentivement le verdict de son procès.
Cet admirateur d'Oussama Ben Laden est acquitté pour l’attentat contre l’hôtel Marriott de Djakarta qui avait fait 12 morts le 5 août 2003. Les juges ont estimé qu’il ne pouvait pas avoir matériellement planifié cette attaque attribuée à la Jemaah Islamiyah (JI), un réseau terroriste lié à Al Qaïda, puisqu’il était déjà emprisonné à l’époque des faits. Sa responsabilité est en revanche reconnu pour le carnage de Bali d’octobre 2002, 202 morts, en majorité de jeunes touristes occidentaux. Quatre mois avant, Bashir a reçu la visite de deux anciens étudiants de son école coranique, dont l’un, Amrozi, a été condamné à mort en 2003. Les deux hommes lui ont fait part de leur projet et lui ont demandé son consentement.
Culpabilité « indirecte »
« Je vous laisse décider », aurait répondu le vieux prédicateur que les deux militants de la JI considèrent alors comme leur « guide spirituel », ils l’ont reconnu eux-mêmes lors de leur procès. Ce « ni oui, ni non » équivaut à un accord tacite estime le tribunal qui a donc reconnu Bashir coupable d’avoir participé à une « conspiration funeste et diabolique ». Mais « l’accusé n’a pas planifié ces attentats », poursuit le verdict en se basant sur un dossier d’accusation relativement vide, le procureur n’ayant lui-même demandé que huit ans de prison dans son réquisitoire. Le tribunal ne lui attribue donc qu’une culpabilité « indirecte », se justifiant ainsi d’une peine plutôt clémente de deux ans et demi de prison. « C’est un acte de tyrannie et je ferai appel », a pourtant protesté le condamné.
Ses avocats rappellent que leur client avait déjà été accusé et relaxé pour les mêmes faits lors d’un premier procès tenu l’année dernière. Ils accusent les Etats-Unis et l’Australie d’avoir fait pression sur Djakarta pour organiser un nouveau procès et obtenir une condamnation. Bashir, qui a toujours nié être le chef de la Jemaah Islamiyah, accuse également les États-Unis de comploter contre lui et prend la pose du martyre de l’Islam. Ce discours trouve un écho favorable chez de nombreux Indonésiens qui pensent que la lutte anti-terroriste de l'Indonésie est influencée par les pressions de la Maison Blanche.
La polémique avait enflé lorsque Frederick Burks, un ancien interprète travaillant au département d'État américain, avait déclaré, alors qu'il était entendu comme témoin durant le procès, qu'un envoyé de George W. Bush avait demandé à l'ex-présidente Megawati Sukarnoputri d'arrêter Bashir pour le remettre aux autorités américaines.
par Jocelyn Grange
Article publié le 03/03/2005 Dernière mise à jour le 03/03/2005 à 17:02 TU