France
Le mystère des déclarations de revenus disparues
(Photo: AFP)
Le lien entre le scandale Gaymard et la disparition des déclarations d’impôts de six personnalités politiques, parmi lesquelles il figure, n’est pas établi. Même si les deux affaires ont été rendues publiques à très peu d’intervalle. Les documents disparus ne semblent pas avoir pu fournir les éléments diffusés dans la presse concernant le patrimoine de l’ancien ministre de l’Economie puisque ceux-ci ne sont pas censés y figurer. Et contrairement à ce qu’avait affirmé l’hebdomadaire l’Express, ils n’ont pas disparu des services de la Commission pour la transparence financière de la vie politique, chargée de vérifier qu’il n’y a pas eu enrichissement des responsables politiques pendant l’exercice de leur mandat ou fonction. Ils se sont évaporés du coffre spécial dans lequel sont entreposés les documents fiscaux concernant les personnalités médiatiquement exposées, situé au centre des impôts de la place Saint-Sulpice, dans le VIème arrondissement de Paris.
En fait, Hervé Gaymard a été informé de l’absence des exemplaires papiers de plusieurs déclarations de revenus avant que le Canard enchaîné ne dévoile le montant du loyer de son appartement de fonction et ne l’entraîne dans une spirale infernale où ses déclarations contredites par les faits ont rendu sa démission inévitable. Dès le 4 février, il a donc demandé l’ouverture d’une enquête administrative interne sur la disparition de ces documents. Mais c’est son successeur, Thierry Breton, qui en a obtenu les résultats le 1er mars, après son entrée en fonction. Il a alors demandé une enquête administrative complémentaire et a déposé plainte auprès du procureur le 5 mars. Le parquet de Paris a ensuite ouvert une enquête pour «disparitions de documents».
Perte ou volLes inspecteurs de la Brigade criminelle ont d’ores et déjà commencé leurs investigations et ont interrogé le personnel du centre des impôts incriminé. Pour le moment, toutes les hypothèses susceptibles d’expliquer la disparition de ces documents sont étudiées, qu’il s’agisse d’une manipulation, d’une perte par erreur ou d’un vol. Aucune effraction n’a, en effet, été constatée et la date à laquelle a eu lieu la disparition n’a pu être établie avec précision. Ce qui laisse penser qu’un membre du personnel pourrait être impliqué. Les syndicats ont, à ce propos, tenu à préciser que l’accès au coffre où sont rangées les déclarations de revenus des personnalités est particulièrement restreint -il est réservé au directeur du centre et à un ou deux collaborateurs- et que ces dossiers ne sont pas traités par de simples agents.
Ces indications rendent encore plus mystérieuses les circonstances de la disparition des documents. D’autant que le septième dossier fiscal d’une personnalité –dont l’identité n’a pas été dévoilée- qui se trouvait dans le coffre n’a, quant à lui, pas disparu. Si l’enquête établit qu’il s’agit malgré tout d’un vol, restera alors à examiner les motivations du ou des cambrioleurs. De ce point de vue, l’équilibre parfait entre les personnalités de gauche (les anciens Premiers ministres socialistes Laurent Fabius et Lionel Jospin, l’ancien ministre de la Justice Robert Badinter) et de droite (la ministre déléguée aux Affaires européennes Claudie Haigneré, l’ancien ministre de l’Economie Hervé Gaymard, la fille du président de la République qui est aussi sa conseillère en communication Claude Chirac) concernées par cette affaire laisse rêveur. Le député socialiste de Paris, Jean-Christophe Cambadélis, en a d’ailleurs conclu que l’éventuel voleur surnommé «Arsène Lupin» était «très politique».
Dans un contexte très polémique après le scandale provoqué par le loyer de l’appartement de fonction d’Hervé Gaymard et ses déclarations peu crédibles sur son patrimoine, cette nouvelle affaire tombe bien mal à propos. De nouvelles révélations sur les revenus ou les biens des responsables politiques risqueraient de provoquer encore une fois l’indignation de Français devenus particulièrement sensibles aux contradictions entre les discours et les actes des responsables politiques. C’est pourquoi Thierry Breton a réagi avec fermeté et a demandé au directeur général des impôts de lui transmettre rapidement «des propositions concrètes et opérationnelles pour renforcer la sécurité et la confidentialité des documents fiscaux». Histoire d’éviter qu’à l’avenir une telle situation ne se reproduise.
par Valérie Gas
Article publié le 08/03/2005 Dernière mise à jour le 08/03/2005 à 17:17 TU