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Royaume-Uni

La loi antiterroriste finalement adoptée

Le chef de file de l'opposition conservatrice, Michael Howard, a fini par accepter de se ranger aux côtés deTony Blair.(Photo: AFP)
Le chef de file de l'opposition conservatrice, Michael Howard, a fini par accepter de se ranger aux côtés deTony Blair.
(Photo: AFP)
Le très controversé projet de loi antiterroriste du gouvernement de Tony Blair a, en fin de compte, été approuvé vendredi soir par le parlement britannique à l’issue de plus de trente heures de débats houleux. L’opposition menée par les conservateurs et les libéraux-démocrates a en effet accepté de voter le texte mais seulement après avoir obtenu la possibilité pour les parlementaires de modifier en profondeur d’ici un an cette loi jugée liberticide.

Le bras de fer entre le gouvernement et les Lords, la chambre haute du parlement britannique où l’opposition est majoritaire, a pris fin dans la soirée de vendredi après que le ministre de l’Intérieur, Charles Clarke, a annoncé que les députés pourraient discuter et réviser la loi au printemps prochain lorsque le texte serait présenté aux Communes. Une concession de taille puisque le chef du gouvernement, Tony Blair, refusait encore l’après-midi même de céder à cette exigence des conservateurs et des libéraux démocrates qui menaient depuis plusieurs semaines la fronde contre ce texte de loi contraire, selon eux, à la tradition britannique de défense des libertés. Qualifiant d’«irresponsable» l’attitude de l’opposition, le Premier ministre avait en effet insisté sur le fait que le gouvernement ne pouvait accepter que la loi soit entièrement révisée au bout d’un an car une telle disposition aurait envoyé «un message de laxisme aux terroristes». 

Mais soumis à de très fortes pressions –l’opposition n’avait visiblement aucune intention de céder– et surtout à des contraintes de temps –l’actuelle loi expire dimanche à minuit–, Tony Blair a dû, une fois de plus, entamé une marche arrière humiliante. Son gouvernement avait en effet déjà accepté, en début de semaine, que les nouvelles mesures de substitution à la prison proposées par le projet de loi soient toutes, au préalable, approuvées par un juge. Or le texte initial prévoyait que ces mesures relevaient de la seule compétence des autorités politiques.

L’accord arraché au gouvernement pour une révision de la loi antiterroriste a été, comme il se doit, salué comme une victoire par l’opposition. «Nous avons obtenu l'essentiel de ce que nous réclamions», s’est ainsi félicité le chef de file des conservateurs, Michael Howard, saluant au passage une défaite de la majorité à l’approche des législatives de mai. Le chef du Parti libéral-démocrate, Charles Kennedy, a pour sa part estimé que le gouvernement avait cédé à l’opposition. Selon lui, l’accord obtenu permet au parlement, et non au gouvernement, d’avoir la haute main sur la loi en lui permettant de la réviser dans un an. Une victoire en demi-teinte cependant pour les libéraux-démocrates qui ont dû, dans le même temps, abandonner leur revendication sur la question de la charge de la preuve contre les personnes soupçonnées de terrorisme. Ils souhaitaient en effet que des preuves plus solides de simples «soupçons» soient avancées pour priver de liberté un suspect.

Une loi antiterroriste d’ores et déjà appliquée

Sitôt votée, la nouvelle loi antiterroriste a été appliquée samedi par le ministre de l'Intérieur britannique à dix ressortissants étrangers suspectés de terrorisme, dont neuf venaient d'être libérés la veille. Charles Clarke a ainsi signé dans la nuit des «control orders», qui imposent à ces dix suspects, dont certains étaient détenus depuis plus de trois ans, d'importantes restrictions à leurs libertés. Assignés à leur domicile, ces hommes n’ont notamment pas le droit de quitter leur résidence de 19h00 à 07h00. Ils doivent également porter un bracelet électronique permettant de les localiser. Ils n'ont pas le droit à un téléphone portable ou à l'internet et leurs contacts avec l'extérieur sont extrêmement limités.

Ces «control orders» sont toutefois provisoires dans la mesure où ils devront être validés dans les sept jours par la justice. La nouvelle loi antiterroriste 2005 autorise en effet le ministre de l'Intérieur à prendre de telles mesures avant d'avoir obtenu l'aval de la justice en cas l'urgence. Et dans ce cas précis, l’urgence découle du fait que la loi antiterroriste précédente, dans le cadre de laquelle ces hommes avaient été libérés et assignés à résidence, arrive à expiration dimanche soir. Alors que cette dernière ne concernait que des ressortissants étrangers, la législation votée vendredi soir par le parlement est également applicable aux Britanniques.

Parmi les suspects concernés par les «control orders» signés dans la nuit par le ministre de l’Intérieur figure Abou Qatada, un religieux palestinien que Londres soupçonne d'avoir inspiré les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis. Abou Qatada a également été accusé d'avoir financé et inspiré des attaques terroristes commises dans le monde entier sans pour autant quitter la capitale britannique où il s’est installé en 1993 avec sa famille. Il avait été arrêté en octobre 2002 après avoir disparu dans les semaines qui ont suivi les attentats contre New York et Washington. Le gouvernement britannique l'accuse, ainsi que les autres suspects, d'être lié au réseau islamiste d’Oussama Ben Laden dont il serait, à en croire le juge antiterroriste espagnol Baltazar Garzon, l’ambassadeur en Europe.


par Mounia  Daoudi

Article publié le 12/03/2005 Dernière mise à jour le 12/03/2005 à 12:37 TU