Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

République démocratique du Congo

Le compte à rebours électoral butte sur l’insécurité

Des casques bleus béninois en renfort à la mi-mai.(Photo : AFP)
Des casques bleus béninois en renfort à la mi-mai.
(Photo : AFP)

Cotonou annonce l’envoi, à la mi-mai, de 650 casques bleus béninois. Formé grâce aux concours logistique et financier de la Belgique, ce bataillon pourrait être affecté à la sécurisation de l’Ituri, où la Mission des Nations unies au Congo (Monuc) poursuit ses ratissages contre les rebelles congolais qui ont fait neuf morts dans ses rangs. De son côté, l'Union africaine (UA) a tenu mardi une première réunion sur la force promise en début d’année pour désarmer les rebelles rwandais. Ces derniers opèrent eux aussi dans l’Est congolais, en particulier au sud Kivu où l’Onu chiffre à quelque 226 000 les civils congolais qui subissent «quotidiennement» leurs exactions. Parallèlement, la Cour pénale internationale (CPI) vient d’ouvrir le premier dossier d’enquête de son Histoire toute neuve. Il concerne justement les crimes commis en RDC.


«Nous sommes sur le point d'envoyer des troupes en RDC. Leur déploiement commencera dans les prochaines semaines, durant la période du 20 au 26 avril» et devrait être achevé le 15 mai au plus tard, annonce de Bruxelles le ministre béninois des Affaires étrangères, Rogatien Biaou, au sortir d’une rencontre avec son homologue belge et son pair de la Défense. C’est l’Onu qui décidera de leur affectation, «à Kinshasa ou dans l’Ituri», indique le chef de la diplomatie béninoise. Mais l’entraînement, l’équipement et la logistique nécessaire à la mission dévolue au bataillon béninois sont le fruit d’un accord bilatéral entre Cotonou et Bruxelles qui témoigne de la détermination belge à s’impliquer dans le dossier congolais.

Pour sa part, la Monuc continue de sévir dans l’Ituri, en particulier aux abords de Bunia où l’insécurité vient encore de chasser une organisation humanitaire allemande. Depuis la perte de neuf hommes dans une embuscade, elle a fait placer en résidence surveillée les chefs des milices de l’Ituri, installés à Kinshasa dans les fauteuils de la transition. La Monuc exige aujourd’hui que leurs troupes déposent les armes avant le 1er avril, faute de quoi elles ne pourraient pas bénéficier des avantages du programme de réinsertion qui prévoit l’enrôlement d’un certain nombre d’anciens miliciens dans les rangs de la nouvelle armée nationale congolaise. Ce faisant, la Monuc n’est pas vraiment convaincue elle-même de l’efficacité de ce genre d’offre d’emploi, dans une région où les fortunes se taillent à la pointe du fusil depuis des lustres.

Désarmer de force

Béninois ou autres, des renforts seraient bienvenus car, de fait, c’est une véritable guerre qu’il faudrait livrer aux petits et grands trafiquants, tous grandement militarisés, qui ravagent l’Ituri. Et là comme dans les autres régions sillonnées par des groupes armés congolais ou étrangers, il est vain de tabler sur l’armée nationale congolaise en gestation. Tout en renvoyant à Kinshasa la responsabilité de gérer les milices congolaises qui l’occupent en Ituri, la Monuc se targue d’avoir renvoyé en Ouganda, au Burundi et au Rwanda 12 000 combattants étrangers (familles comprises), ce qui représente la seule partie émergée d’un iceberg dont la base est solidement incrustée au Kivu. Les rapatriés en question étaient du reste tous volontaires. Les autres ne partiront sans doute que contraints et forcés, même si des négociation engagées à Rome sous les auspices de la communauté catholique de San Egidio laissent, à première vue, espérer le contraire.

Depuis le 4 février dernier, San Egidio s’emploie en effet à une médiation entre le gouvernement congolais et le Front démocratique pour la libération du Rwanda (FDLR), dernière étiquette en date des artisans du génocide de 1994. Pourtant, tous les liens n’ont sûrement pas été rompus entre ces derniers et Kinshasa. Les combattants que représente le FDLR ont en effet servi aux côtés des Kabila père et fils pour combattre les anciens rebelles congolais désormais honorés de vice-présidences à Kinshasa. Mais surtout, les rebelles rwandais émettent des exigences d’autant plus contradictoires que nombre d’entre eux sont promis à la justice, rwandaise ou internationale. Ils n’ont pas non plus changé de discours. Pour eux, les génocidaires, ce sont les autres, le pouvoir Kagamé en l’occurrence, contre lequel ils réclament des foudres judiciaires.

Pour déposer les armes, le FDLR exige d’être reconnu comme un parti politique au Rwanda. Mais il demande à la fois des garanties pour un éventuel rapatriement et un droit d’asile dans des pays tiers. Pour sa part, l'Union africaine a estimé en janvier que le désarmement volontaire des rebelles rwandais était une utopie. Préconisant l’envoi d’une force panafricaine pour leur faire rendre les armes, elle a ouvert mardi sa première réunion sur le sujet. Il ne s’agit encore que d’une «étape préparatoire pour mettre en oeuvre la décision du Conseil de paix et de sécurité» de l’UA d’agir contre les ex-FAR (Forces armées rwandaises de l’ancien régime) et les miliciens Interahamwe, indique un membre du Conseil. «Nous allons examiner la situation sur le terrain, voir quel est le nombre d'ex-Far Interahamwe, leur approvisionnement, leur équipement et étudier les mécanismes qui existent pour le moment», ajoute-t-il. Ces préliminaires paraissent pourtant suffisamment inquiéter les rebelles rwandais pour qu’ils recherchent une médiation. En même temps, l’Onu a noté une recrudescence de leurs actions contre les civils congolais, peut-être un mouvement d’affolement, en particulier au sud Kivu.

Premier dossier de la Cour pénale internationale

Au total, les organisations humanitaires estiment à plus de trois millions de morts les effets des convulsions congolaises depuis la deuxième guerre, celle de 1998. Les victimes de viols et d’exactions en tous genres se chiffrent en dizaines de milliers, sans compter les personnes vulnérables, en raison de leur sexe ou de leur âge, que les pillards affament et privent de soin ou d’éducation. Le vaste et riche Congo est un mouroir sur lequel le procureur de la CPI, Luis Moreno Ocampo, a ouvert sa première enquête en juin 2004. L’Ituri faisant déjà la Une depuis 1999, il s’est particulièrement attaché aux crimes qui ont fait, en cinq ans et dans cette seule région, quelque 50 000 morts et 500 000 déplacés. Mais la Cour est compétente pour les exactions commises depuis sa naissance, le 1er juillet 2002, et les enquêtes se poursuivent dans le temps et dans l’espace congolais. En février, un porte-parole de la CPI, Christian Palme, avait promis que «l'on peut s'attendre à un mandat d'arrêt cette année». Il sera intéressant de voir s’il vise l’un quelconque des petits seigneurs de la guerre d’Ituri ou plutôt l’un des quatre vice-présidents, Jean-Pierre Bemba par exemple, dont le Mouvement de libération du Congo (MLC) est impliqué dans des crimes, à l’encontre notamment de communautés pygmées.

Pendant ce temps, à Kinshasa, le débat se poursuit sur l’âge du capitaine qui sera appelé à diriger la pirogue congolaise à l’issue de la transition, initialement prévue pour juin prochain. Pour sa part, le président Joseph Kabila a 33 ans. Faut-il donc fixer à trente ou à quarante ans l’âge minimum des candidats à la magistrature suprême ? Le débat est ouvert au Sénat depuis le 25 février. Il n’avait guère avancé mardi lorsque «les chefs des composantes politiques» ont laissé filtrer une préférence pour un candidat «d'au moins 40 ans ou, à défaut, ayant déjà exercé en République démocratique du Congo des fonctions de responsabilité dans les institutions nationales». Reste l’essentiel, désarmer et ramener la sécurité pour que les Congolais puissent voter.


par Monique  Mas

Article publié le 16/03/2005 Dernière mise à jour le 16/03/2005 à 17:27 TU