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Centrafrique

Les lendemains qui déchantent

L’ancien Premier ministre Martin Ziguélé et l'ensemble de l'opposition dénonce déjà la fraude électrorale.(Photo : AFP)
L’ancien Premier ministre Martin Ziguélé et l'ensemble de l'opposition dénonce déjà la fraude électrorale.
(Photo : AFP)
Le dépouillement des bulletins se poursuit au siège de la Commission électorale mixte indépendante (Cémi) à Bangui et déjà l’opposition, dans sa quasi-totalité, émet des doutes sur la crédibilité à accorder aux résultats annoncés.

« Tout s’est globalement bien passé », chantaient en chœur les Centrafricains et les observateurs dépêchés à Bangui pour surveiller le scrutin du 13 mars qui doit mettre fin à 2 années de transition conduite par le général Bozizé. Les irrégularités signalées et les dysfonctionnements notés dans certains centres ont été considérés par les uns et les autres comme faisant partie de l’apprentissage de la démocratie. Mais très vite, les vieux démons sont réapparus et les accusations fusent de toutes parts. « Fraudes » pour les uns et « mauvaise foi » pour les autres sont les accusations que les partisans des différents bords se lancent au visage. « Force est de constater que l’organisation des élections législatives et présidentielle est déjà entachée de nombreuses irrégularités, de nature à conduire au rejet de leurs résultats, (…) », a déclaré l’Union des forces vives de la nation (UFVN) qui regroupe la plupart des opposants au président sortant François Bozizé.  

L’opposition s’étonne que la Cémi, qui était bien partie, commence par montrer les limites de son indépendance. Elle avait promis de publier les résultats bureau par bureau et au fur et mesure que les dépouillements seraient faits. Mais 48 heures après par le scrutin les premiers résultats publiés ne sont pas exhaustifs et se contentent de placer le candidat François Bozizé largement en tête dans 32 bureaux de la capitale. La répartition des suffrages, le nombre des inscrits, le nombre des votants, les bulletins nuls, sont autant de points essentiels que réclame en vain, pour l’instant, l’UFVN. La coalition de l’opposition fait remarquer au passage que dans certaines circonscriptions il y aurait plus eu de votants que d’inscrits. Par ailleurs, le Groupe d’étude et de recherche sur la démocratie et le développement économique et social en Afrique (Gerddes) qui fait partie des observateurs, a évoqué nombre « d’insuffisances et de dysfonctionnements » qui pourraient jeter un doute sur la régularité du scrutin.

Crainte d’une inversion des chiffres

Dans tous les états-majors des partis politiques des comités de veille se sont constitués et passent au crible au crible les résultats annoncés par la Cémi. Cette précaution inquiète le pouvoir qui prévient tous les partis politiques contre toute annonce de résultats parallèle à celle de la Cémi. Cependant, l’opposition ne néglige pas ses propres décomptes et entend marquer ainsi le pouvoir contre toute tentative de proclamation de résultats inexacts. Mais sa crainte se porte surtout les bureaux de vote des provinces qui n’ont pas toutes fait l’objet d’un procès-verbal en bonne et due forme et signé par les délégués des partis politiques. L’opposition craint, à ce niveau, une inversion des chiffres que la Cémi ne ferait qu’entériner.

Au vu des premiers résultats, un groupe de tête se dégage du peloton des onze candidats à l’élection présidentielle. Il s’agit du candidat et président sortant, François Bozizé, de l’ancien président de la République André Kolingba et de l’ancien Premier ministre Martin Ziguélé. Malgré l’avance prise par François Bozizé dans la capitale, on annonce au MLPC (Mouvement de libération du peuple centrafricain), que le leader du parti, Martin Ziguélé aurait déjà « égalé le score du président sortant ». Martin Ziguélé se dit lui-même convaincu de deux choses : « Un, Bozizé ne peut pas gagner au premier tour et deux, le MLPC ne peut pas être absent au second tour. Si ces deux choses ne se vérifient pas, alors ce ne sont pas des élections régulières », précise-t-il.

Par ailleurs, le leader charismatique de l’opposition et candidat à la présidentielle, Abel Goumba, nommé Premier ministre après la prise de pouvoir par François Bozizé en mars 2003, puis « promu » vice-président quelques mois plus tard a été limogé par un décret pris par François Bozizé le 15 mars au soir. « Avec la promulgation le 27 décembre 2004 de la nouvelle constitution de la République, la fonction de vice-président n’avait plus lieu d’être. (…) La transition ayant été conduite à son terme, les élections présidentielles s’étant tenues le dimanche 13 mars, il appartenait donc au chef de l’Etat de régulariser cet état de fait », a expliqué Alain Georges N’gatoua, le porte-parole de la présidence de la République qui semble déjà prendre date pour l’avenir. Mais pour la classe politique, ce décret ressemble plutôt à une réaction d’humeur du président Bozizé qui sanctionne Abel Goumba d’avoir signé un communiqué commun de l’opposition dénonçant la fraude électorale.   


par Didier  Samson

Article publié le 16/03/2005 Dernière mise à jour le 16/03/2005 à 17:39 TU