Togo
L’opposition se divise
(Photo : AFP)
Après d’interminables réunions et compromis, les six partis de l’opposition dite radicale, l’Union des forces du changement (UFC de Gilchrist Olympio), le Comité d’action pour le renouveau (CAR de Yawovi Agboyibo), la Convention démocratique des peuples africains (CDPA de Léopold Gnininvi), l’Alliance pour la démocratie et le développement intégral (ADDI), le Pacte social pour le renouveau (PSR) et l’Union pour la démocratie et la solidarité (UDS), ont désigné Emmanuel Bob Akitani, le vice-président de l’UFC, comme leur candidat unique à l’élection présidentielle. Ce choix n’est pas anodin puisque l’UFC est la principale formation de l’opposition et qui a réussi un score de 33,68 %, avec Emmanuel Bob Akitani, face au président Gnassingbé Eyadéma lors la présidentielle de juin 2003. Les autres partis ont été accrédités de 5% des suffrages.
Agé de 74 ans, le candidat de l’UFC est le seul pouvant faire l’unanimité, même s’il n’est pas une foudre de guerre, l’homme au discours offensif et aux formules cinglantes comme l’auraient souhaité nombre d’opposants au moment où le Togo doit se préparer à changer d’époque. Ce choix apparaît donc comme découlant d’un simple calcul arithmétique qui a pris en compte les scores et alliances avec les petits partis satellites qui promettent de ratisser large. Ici, charisme et programme politique sont mis hors jeu, ce qui sème le doute dans les esprits. Pour en rajouter à la perplexité des populations, les leaders de l’opposition, qui ont eux-mêmes fait le choix d’Emmanuel Bob Akitani ne tarissent pas de formules pour le moins ambiguës. « C’est notre candidat et non celui de toute l’opposition. C’est un compromis accepté par les six partis, la population nous a demandé de désigner un candidat, peu importe la personne », fait remarquer Yawovi Agboyibo.
Mais dans les rangs de cette opposition dite radicale, certains ont clairement contesté la méthode des chiffres alignés à froid et qui donnent un avantage évident au leader proposé par l’UFC. Ces contestataires sont dubitatifs sur la pugnacité de Bob Akitani à affronter Faure Gnassingbé, l’héritier de son père et candidat du Rassemblement du peuple togolais (RPT). Ils ne croient pas non plus dans l’argument d’un sage président qui saura arrondir les bords pour éviter au pays de sombrer dans la guerre civile. Ils ne croient pas davantage dans une éventuelle transition vers une nouvelle république que préparerait M. Akitani. Les contestataires prônent plutôt une rupture radicale avec le passé et se sont constitués en mouvement des jeunes de la Nouvelle dynamique populaire (NDP). Pour eux, Léopold Gnininvi du CDPA est le seul candidat « capable de sortir le peuple togolais de la situation », affirment-ils. Mais l’intéressé lui-même, qui a participé à la désignation de Bob Akitani, reste muet. Les apparences sont sauves.
Panser les blessuresL’opposition dite modérée, composée de partis satellites du RPT et de personnalités proches du pouvoir de feu Gnassingbé Eyadéma, n’a pas cru devoir désigner en son sein un candidat unique. Comme par le passé, elle opte pour des candidatures multiples qui lui permettent de négocier des postes ministériels ou dans la haute administration selon les scores réalisés et offerts sur un plateau au vainqueur incontestable : le candidat du RPT. Ainsi, Harry Olympio, le président du Rassemblement pour le soutien de la démocratie et du développement (RSDD) et Nicolas Lawson président du Parti du renouveau et de la rédemption (PRR), se sont-ils portés candidats au scrutin du 24 avril prochain. En revanche, une autre candidature isolée, celle de Kofi Yamgnane paraît anecdotique. Ancien ministre de l’Intégration en France, ancien maire d’une petite commune de Bretagne en France et ancien député, il estime qu’il pourrait être l’homme du consensus qui garantirait au Togo un nouvel essor. Mais, sa candidature a peu de chance d’aboutir puisque la constitution stipule clairement qu’il faut résider au Togo dans les douze mois qui précèdent la candidature.
Pour l’ancien Premier ministre et président de la Convergence patriotique panafricaine (CPP, opposition modérée) Edem Kodjo, la future élection présidentielle ne semble pas être un cap déterminant dans l’avenir du Togo. « Quel que soit celui qui remportera la présidentielle, l’avenir passe surtout et d’abord par la réconciliation politique des Togolais. Il faut dépolluer l’atmosphère des rancœurs. Sinon le vainqueur ne pourra gouverner durablement le pays », a-t-il déclaré à l’AFP. Edem Kodjo, propose aux politiciens togolais de penser dès maintenant à la constitution d’une commission « Vérité et réconciliation » à la sud-africaine pour panser toutes les blessures du Togo.
par Didier Samson
Article publié le 18/03/2005 Dernière mise à jour le 18/03/2005 à 18:00 TU