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Environnement

Les neiges du Kilimandjaro ne sont pas éternelles

Le mont Kilimandjaro.(Photo : AFP)
Le mont Kilimandjaro.
(Photo : AFP)
A l’horizon 2020, il n’y aura plus de neige au sommet du mont Kilimandjaro. En l’espace d’un siècle, le plus haut sommet d’Afrique (5895 m) aura ainsi perdu son trait distinctif majeur, par la faute notamment de l’activité humaine.

De notre correspondant en Tanzanie

Quand la montagne n’a pas la tête dans les nuages, certains jours à l’aube ou peu avant le coucher du soleil, les observateurs les plus perspicaces peuvent alors s’en rendre compte, la shy mountain  («la montagne capricieuse», comme on la surnomme) ne brille plus comme jadis. Elle semble avoir pris un coup de soleil. De la couche de neige qui, sur d’anciennes photos recouvre la totalité de sa surface plane, il ne reste plus aujourd’hui que quelques lambeaux épars, d’une blancheur certes encore éclatante, mais dont les reflets témoignent surtout d’un passé quasi à jamais révolu. C’est désormais un fait établi, sur lequel divers spécialistes s’accordent: selon toute vraisemblance, les neiges du Kilimandjaro auront disparu d’ici quinze à vingt ans tout au plus, et avec elles, une curiosité vieille de près de douze milles ans. A l’exception du sommet de cette montagne -située a 300 km au sud de l’équateur-, il n y a en effet pas de neige sous les tropiques.

Dans un article publié en 2000 par la revue américaine Sciences, Lonnie Thompson, chercheur de l’Université de l’Ohio annonçait déjà la triste nouvelle. Tout juste revenu des hauteurs du Kilimandjaro, il tirait la sonnette d’alarme autour d’un phénomène que beaucoup, au sein de la communauté scientifique, considèrent comme irréversible. Il y a plus d’un siècle en effet que la couche de neige du Kilimandjaro se réduit comme peau de chagrin. Pour Stefan L. Hastenrath, professeur de climatologie à l’Université du Wisconsin à Madison, le processus aurait commencé autour de 1850. Le réchauffement climatique dans la région est porté responsable. Des indices de hausses régulières de températures en sont la preuve analyse-t-il.

Le réchauffement de la planète, serait-il donc le principal responsable de la disparition des neiges du Kilimandjaro ? Beaucoup le pensent. Et l’exposition ouverte mardi 15 mars dernier au musée des Sciences de Londres vise d’ailleurs à sensibiliser l’opinion publique sur les conséquences désastreuses du réchauffement. Des photos du sommet défiguré du Kilimandjaro y figurent en bonne place. L’objectif est de susciter la mobilisation des ministres du G8 notamment, réunis dans la capitale britannique. Pourtant, pour les spécialistes, rien ne permet de dire que le réchauffement planétaire soit seul en cause dans la disparition des neiges du «toit de l’Afrique». «L’explication ultime est beaucoup plus complexe», relativise Douglas R. Hardy, climatologue de l’Université du Massachusetts à Amherst.

Un «désastre esthétique» et économique

«Le réchauffement de la planète est sans doute en cause, mais d’autres facteurs jouent également un rôle», poursuit-il, comme la déforestation sauvage qui dévaste des hectares de forêt autour de la montagne –une pratique qui est surtout le fait de paysans vivant sur les flancs du Kilimandjaro. En Tanzanie plus de trente millions de personnes abattent des arbres pour se chauffer et pour cuisiner, faute d’avoir accès à l’électricité. Autour du Kilimandjaro, les conséquences en sont visibles et désastreuses. La déforestation aurait ainsi contribué au réchauffement de l’écosystème de la zone et par voie de conséquence a la disparition des neiges.

Ironie de l’histoire, l’activité humaine en cause dans ce «désastre esthétique» -selon le mot d’un climatologue- pourrait bien elle-même en pâtir à l’avenir. Chaque année, vingt mille touristes arpentent le Kilimandjaro, avec la ferme volonté d’atteindre ce sommet mythique décrit par Ernest Hemingway. Son attrait, sans ses neiges, ne sera sans doute plus le même, ce qui ne sera pas sans conséquences financières pour l’industrie touristique tanzanienne. En outre, sur le flanc de la montagne, l’agriculture favorisée par un sol fertile devrait elle aussi subir le contrecoup des changements climatiques qui accompagnent la disparition de la neige.

Pour l’heure, une course d’un genre particulier s’est engagée autour de la disparition annoncée des neiges du Kilimandjaro. De nombreux chercheurs font de fréquents voyages au sommet de la montagne et en repartent avec un peu de neige. «Il s’agit de conserver des éléments qui pourraient aider les climatologues à mieux comprendre certains phénomènes encore inexpliqués» précise l’un d’eux.


par André-Michel  Essoungou

Article publié le 20/03/2005 Dernière mise à jour le 20/03/2005 à 15:46 TU