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Liban

La psychose des attentats s’amplifie

L'attentat de Kaslik (10 km au nord de Beyrouth) a partiellement détruit un centre commercial et endommagé un grand nombre de boutiques.(Photo: AFP)
L'attentat de Kaslik (10 km au nord de Beyrouth) a partiellement détruit un centre commercial et endommagé un grand nombre de boutiques.
(Photo: AFP)
La déstabilisation sécuritaire que beaucoup craignaient n’est plus un mythe. La psychose aux attentats bat son plein. La grave crise politique qui secoue le Liban depuis des semaines s’est couplée d’un plan de déstabilisation sécuritaire orchestré. Mercredi à l’aube, celui-ci a fait ses premiers morts, depuis l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, le 14 février dernier.
De notre correspondant à Beyrouth

Pour la deuxième fois en l’espace de quatre jours, une puissante charge piégée a visé une rue commerçante dans le quartier chrétien de Kaslik, à 10 kilomètres au nord de Beyrouth. L’explosion, qui a partiellement détruit un centre commercial et endommagé un grand nombre de boutiques, a fait deux morts (des ressortissants sri-lankais et indien) et quatre blessés. La charge, estimée par les artificiers de l’armée libanaise à 80 kilogrammes de TNT, a explosé à 1h00 dans cette rue très fréquentée la journée. Les vitres des immeubles situés dans un rayon de 200 mètres ont volé en éclats.

Trois jours auparavant, les Libanais avaient renoué avec les tristes souvenirs de la guerre civile, lors d’un attentat, également non-revendiqué, qui a frappé le quartier chrétien de New Jdeidé, à 4 kilomètres du centre de Beyrouth. L’explosion d’un colis de 25 kilogrammes de TNT, samedi 19 mars à 0h25, avait fait onze blessés. La déflagration a partiellement détruit un immeuble résidentiel, plusieurs commerces et une dizaine de voitures.

Incidents confessionnels

Ces deux attentats sanglants ont été précédés et suivis d’un très grand nombre d’incidents violents dans différentes régions du pays. Les agressions à caractère confessionnel contre des partisans de l’opposition anti-syrienne ou du pouvoir pro-syrien ne se comptent plus. Disputes, rixes, altercations sont devenues le pain quotidien des Libanais. Un certain nombre de sympathisants de l’opposition ont été blessés, dont l’un par balle, par des partisans de formations pro-syriennes. De même, plusieurs Libanais ont été agressés dans des quartiers chrétiens par des jeunes gens, pour la simple raison qu’ils venaient de banlieues à majorité musulmane.

Dans la montage druze, des permanences du parti de Talal Arslan, un pro-syrien rival de Walid Joumblatt (une des principales figures de l’opposition), ont été attaquées à la grenade. Des violences ont également eu lieu dans les universités entre étudiants des deux camps. A l’Université arabe, des députés de l’opposition membre du bloc de Rafic Hariri ont été pris à partie par des jeunes loyalistes en colère.

Ce climat est entretenu par une campagne orchestrée visant à amplifier la psychose des attentats. Pas moins de cinq bombes fictives ont été découvertes dans diverses régions, dont une près du domicile du président de l’Ordre de la presse, Mohammed Baalbaki. Ces colis sont composés de détonateurs reliés à des bâtons de dynamite vidés de leur substance explosive. L’objectif est de semer la panique au sein de la population.

«Ils veulent miner la paix civile»

Dans des régions aussi lointaines que Tripoli et Akkar (Liban-Nord) et Tyr (Liban-Sud), des portraits des présidents syrien et libanais, Bachar el-Assad et Emile Lahoud, ont été vandalisés. Des bustes de Bassel el-Assad, le frère défunt de Bachar, ont été détruits. Par ailleurs, les agressions contre des travailleurs syriens se poursuivent. L’opposition accuse sans détour les services de sécurité libanais d’être derrière ces attentats et de favoriser ce climat sécuritaire malsain. Après avoir visité le lieu de l’explosion à Kaslik, le député de l’opposition Mansour el-Bone a déclaré que l’objectif de ces attentats est de «créer une tension sectaire. Il s’agit d’un message clair adressé à l’opposition, dit-il, ils veulent miner la paix civile».

Certains pensent que le but de cette vague de violence est de pousser les sunnites, aujourd’hui alliés des chrétiens, à quitter les rangs de l’opposition. Et pour bien marquer leur solidarité avec les chrétiens, des députés du bloc de Rafic Hariri se sont rendus ce mercredi à Kaslik. Il faut rappeler que l’opposition réclame la démission des chefs des services de sécurité qu’elle accuse d’être responsables de l’assassinat de l’ancien Premier ministre. D’autres n’hésitent pas à accuser la Syrie d’être à l’origine de ces attentats pour prouver que la présence de ses troupes au Liban était une source de stabilité. Et qu’en cas de retrait, les Libanais risquent de s’entretuer à nouveau.

Enfin, il est des observateurs qui pensent que le but de cette campagne de terreur est d’exacerber la tension communautaire pour déstabiliser le pays en montant les communautés les unes contre les autres. L’objectif ultime serait de fragmenter le Liban en cantons confessionnels. D’ailleurs, la tension entre sunnites et chiites inquiète les responsables des deux communautés. Le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qui apparaît rarement en public pour des raisons de sécurité, a fait le tour des dignitaires sunnites et chiites pour mettre en garde contre cette tension. C’est pour calmer les esprits entre les deux grandes ailes de l’islam libanais que des milliers de partisans du Hezbollah sont allés se recueillir sur la tombe de Rafic Hariri, qui était considéré comme la principale figure de la communauté sunnite.


par Paul  Khalifeh

Article publié le 23/03/2005 Dernière mise à jour le 27/03/2005 à 15:47 TU