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Proche-Orient

Tempête sur le Patriarcat grec orthodoxe de Jérusalem

Irénéos I<SUP>er</SUP>, le patriarche grec orthodoxe de Jérusalem, dément avoir cédé des terres appartenant à sa communauté à des acheteurs juifs.(Photo : AFP)
Irénéos Ier, le patriarche grec orthodoxe de Jérusalem, dément avoir cédé des terres appartenant à sa communauté à des acheteurs juifs.
(Photo : AFP)
Irénéos Ier est accusé d’avoir vendu des terrains dans la vieille ville à des investisseurs juifs. Une affaire qui ravive la crise entre la communauté orthodoxe et ses dirigeants.

De notre correspondant dans les Territoires palestiniens

Dimanche dernier, les chrétiens de Terre Sainte ont fêté Pâques à reculons. Même les scouts qui défilent traditionnellement dans les ruelles de Jérusalem avaient le pas lourd. Cette morosité ne s’explique pas seulement par les check-points et la barrière de séparation israélienne qui cette année encore ont empêché des fidèles d’accéder aux lieux saints. La principale raison du désarroi des chrétiens tient au scandale financier qui touche le clergé orthodoxe.

Le patriarche grec Irénéos Ier est accusé d’avoir vendu à des investisseurs juifs étrangers des biens et des terrains détenus par sa communauté dans la vieille ville de Jérusalem annexée par Israël en 1967. C’est le quotidien israélien Maariv qui a lance l’affaire il y a dix jours. Deux fameux hôtels situés porte de Jaffa, l’Imperial et le Petra, feraient partis de la transaction menée en sous main par des groupes ultra nationalistes désireux de judaïser la ville sainte. Les démentis du patriarche n’ont pas rassuré les paroissiens. À Jérusalem comme dans le reste des Territoires occupés, la cession de terre à des acheteurs juifs est considérée comme un acte de haute trahison.

L’affaire est d’autant plus sensible qu’à l’inverse de son homologue catholique dirigée par Mgr Sabbah, un Palestinien, l’Eglise orthodoxe en Terre Sainte, qui rassemble 70% des chrétiens de Cisjordanie et de Gaza, n’a jamais été «arabisée». Bien que la majorité des prêtres soient palestiniens, seuls des évêques grecs peuvent faire partie du Saint-Synode, l’assemblée dirigeante qui élit notamment le patriarche. Cet archaïsme alimente depuis des années une crise larvée entre paroissiens et prélats qui, désormais, dégénère en conflit ouvert. «Le Patriarcat grec est devenu une branche de l’Agence Juive», s’exclame Marwan Toubassi, l’un des leaders de la communauté orthodoxe, qui réclame le départ d’Irénéos Ier. Douze évêques, dont certains membres du Saint-Synode, ont relayé cet appel.

Malversations et menaces

Selon Maariv, c’est le conseiller financier d’Irénéos Ier, un certain Nikos Papadimas, qui aurait conclu l’affaire avec son assentiment. En fuite depuis un mois, ce jeune Grec de 32 ans qui résidait à Tel-Aviv est accusé par le Patriarcat orthodoxe d’avoir détourné 800 000 dollars. Interrogé par un quotidien d’Athènes, l’homme a réfuté ces charges mais a confirmé les informations de Maariv. La transaction aurait pris la forme d’un accord de leasing, une location de très longue durée qui équivaut de facto à une vente. Le Patriarcat orthodoxe, qui est l’un des plus riches propriétaires en Israël et dans les Territoires occupés, est familier de ce genre de contrat. Il a par exemple loué à l’État d’Israël pour une durée de 99 ans le terrain sur lequel la Knesset, le parlement israélien, est bâti. Il est aussi soupçonné d’avoir permis la construction de la colonie de Har Homa via la vente de terres situées sur la commune palestinienne de Beit Sahour.

Aussitôt après les révélations de Maariv, une commission d’enquête a été formée par l’Autorité palestinienne. Le gouvernement grec et le gouvernement jordanien, à qui Israël reconnaît un statut de gardien des lieux saints, ont aussi demandé des explications au patriarche. Insensible à la pression, son porte-parole met le scandale sur le compte des rivalités qui secouent l’Église orthodoxe depuis la mort en 2000 de Diadoros, le précédent patriarche.

Sa succession avait donné lieu à une compétition acharnée, émaillée de menaces et de malversations. Les médias grecs avaient multiplié à cette occasion les titres sensationnels, affirmant notamment que l’homme de confiance d’Irénéos, un certain Apostolos Vavilis, était un trafiquant de drogue, recherché par Interpol. Assurément, le magot sur lequel est assis le patriarcat grec-orthodoxe de Jérusalem n’était pas étranger à cette atmosphère rocambolesque. L’élection d’Irénéos en 2001 n’a pas ramené le calme. Les rumeurs de corruption fleurissent à intervalles réguliers. Il y a quelques mois, le patriarche affirmait qu’il était la cible d’un projet de meurtre. La plainte n’a semble-t-il guère convaincu la police. Davantage que la vie d’Irénéos Ier, c’est son siège qui semble actuellement menacé.


par Benjamin  Barthe

Article publié le 31/03/2005 Dernière mise à jour le 31/03/2005 à 11:34 TU