Rwanda
Les rebelles rwandais renoncent à la lutte armée
(Photo : AFP)
«Attendu que tous les hommes sont égaux devant Dieu et devant la loi, et que le droit à la vie est un droit sacré», écrivent les FDLR en préambule à leur déclaration, avant de se déclarer «interpellés par les souffrances indescriptibles auxquelles sont soumises des dizaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants que les guerres autant fratricides qu'inutiles ont jeté hors de leurs foyers». C’est en l’occurrence de leurs partisans qu’il s’agit et non point des victimes du génocide de 1994. Et c’est au nom de Dieu que les rebelles demandent merci, avant d’invoquer, toujours pour eux-mêmes, la déclaration universelle des droits de l’Homme et de se déclarer convaincus que les «problèmes rwandais sont politiques et requièrent donc des solutions politiques». La déclaration n’est nullement un acte de contrition. Toutefois, dans l’ancien carmel reconverti de Sant’Egidio, les FDLR ont mis un peu d’eau dans le vin de leurs habituelles messes révisionnistes.
«Désarmement volontaire»
En novembre dernier, dans un communiqué, les FDLR posaient l’ouverture d’un dialogue interrwandais comme condition sine qua non à leur retour au pays. En même temps, elles refusaient tout désarmement, estimant que cela «constitue une façon déguisée d’assurer la protection d’éléments du FPR [le Front patriotique rwandais de Paul Kagamé] qui ont massacré des millions de Rwandais et de Congolais». Les FDLR reprochaient au passage à l’Onu «de traquer les victimes pour les remettre à leurs bourreaux d’hier». Point d’orgue révisionniste, les FDLR accusaient aussi le président Kagamé d’être «le premier responsable du génocide rwandais». Dans la déclaration de Rome, signée par le Dr Ignace Murwanashyaka qui se réclame de leur présidence, les FDLR ne s’engagent pas davantage à désarmer sans contrepartie mais «à cesser la lutte armée» et même «d’ores et déjà, elles annoncent qu'elles s'abstiennent de toute opération offensive contre le Rwanda».
Cette fois, les FDLR «décident désormais de transformer leur lutte en combat politique». Un «désarmement volontaire et le retour pacifique de leurs forces» au Rwanda est suggéré «au fur et à mesure que les mesures d'accompagnement seront identifiées et mises en œuvre». Ces garanties entourant le rapatriement des futurs anciens-combattants et de leurs familles, les FDLR les envisagent sur un plan multilatéral, «selon les modalités à convenir avec le gouvernement de la RDC, le gouvernement du Rwanda et la communauté internationale». Au total, les FDLR édulcorent leurs exigences politiques et décrètent une trêve unilatérale qui – c’est la loi du genre – profite au belligérant en difficulté, en l’occurrence les rebelles eux-mêmes, au plan militaire. Mais au plan diplomatique aussi, ils gagneront sans doute à faire profil bas.
Les rebelles rwandais, une épine au Congo
En quinze ans, le rêve de reconquête des rebelles rwandais s’est brisé sur les réalités volatiles de ses bases arrières congolaise – surtout – et burundaise, engagées dans une normalisation politique qui ne saurait s’accommoder de leur présence. Auparavant, ils avaient vu s’effilocher les accointances françaises sur lesquelles les ancêtres des FDLR (Far et Armée de libération du Rwanda, Alir, en particulier) croyaient pouvoir compter durablement. Face à la «pacification» à la Rwandaise menée d’une main de fer par Kigali, jusque dans leur retraite congolaise, les «vaincus de 94» se sont émiettés, de combats sanglants en rapatriements plus ou moins forcés. Ils sont désormais honnis par les villageois congolais, après avoir été souvent accueillis au Kivu comme les héros d’un combat commun contre «l’occupant tutsi», incarné à leurs yeux par les ex-rebelles du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD). Ces derniers sont aujourd’hui dotés d’une vice-présidence de la transition.
Leurs financements propres épuisés, les soldes promises par Kinshasa toujours plus aléatoires, le prix à payer pour se rétribuer en nature s’avérant finalement exorbitant, nombre de rebelles ont accepté de marchander directement avec Kigali leur retour au pays. Le mouvement s’accélérant, des chefs militaires ont sauté le pas, ce qui n’a pas empêché le dernier carré de se reformer, sous le nez des 16 000 casques bleus de la Mission des Nations unies au Congo (Monuc). C’est dire si la déclaration d’intention publiée le 31 mars par les FDLR arrange l’Onu. Pour sa part, Kigali s’est réservé un droit de suite de l’autre côté de la frontière tant que le chapitre rebelle n’est pas clos. En même temps, le régime Kagamé n’a jamais cessé de prêcher le retour au pays, pourvu qu’il se fasse à ses conditions et surtout sans négociations politiques avec des rebelles marqués du sceau de l’infamie du génocide.
Dans l’immédiat, un concert de soulagement encourage l’initiative de Sant’Egidio. «La Monuc se félicite de cette décision car elle ouvre des perspectives au règlement du problème de la présence des rebelles hutu rwandais dans l'est de la RDC». Elle s’est même hâtée de «désigner provisoirement six points de rassemblement temporaires pour accueillir tout combattant qui s'y présenterait afin d'être rapatrié au Rwanda». Les mauvaises langues feront observer que depuis qu’elle attend en vain que ses camps de cantonnement se remplissent volontairement, la Monuc a moins d’effort à faire pour les cartographier que pour neutraliser les combattants. De son côté, Paris estime qu’il faut maintenant soutenir la «dynamique» Sant’Egidio «dans le cadre des consultations tripartites, menées sous l'égide des Etats-Unis, entre la RDC, le Rwanda et l'Ouganda».
«La France renouvelle son plein soutien à cette démarche et rappelle la caractère prioritaire qu'elle attache à la neutralisation des groupes armés présents dans l'Est de la RDC». Se félicitant de sa «contribution décisive aux côtés de la communauté catholique de Sant'Egidio pour infléchir l'attitude des rebelles afin de les amener à envisager une autre solution que celle de la lutte armée contre le Rwanda», la RDC estime que «c'est un tournant décisif» dans ses relations avec le Rwanda. Kigali n’a cessé en effet de dénoncer la collusion de Kinshasa avec les rebelles et l’impotence de l’Onu. Aujourd’hui, pour les autorités rwandaises, c’est toujours «wait and see». «S'ils ajoutent les actes aux paroles, c'est-à-dire leur désarmement, cette déclaration sera positive», commente le chef de la diplomatie rwandaise, Charles Murigande. Mais «ils auront à rendre compte de leurs actes durant le génocide», ajoute-t-il.
par Monique Mas
Article publié le 31/03/2005 Dernière mise à jour le 31/03/2005 à 18:51 TU