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Forêts

La France lance le bois tropical certifié

La déforestation des forêts tropicales libère chaque année dans l'atmosphère 1 à 2 milliard de tonnes de CO2.(Photo: AFP)
La déforestation des forêts tropicales libère chaque année dans l'atmosphère 1 à 2 milliard de tonnes de CO2.
(Photo: AFP)
On l’attendait depuis longtemps, la France vient enfin de publier une circulaire qui fixe les conditions d’achat de bois tropicaux pour les marchés publics. Petit à petit, l’administration française achètera du bois tropical dont on connaîtra la provenance exacte. Le but est de favoriser les forêts tropicales bien gérées.

La circulaire, qui est entrée en vigueur cette semaine, fixe les conditions d’achat de bois tropicaux utilisés par les marchés publics français. Ce texte va permettre aux administrations de contrôler la provenance du bois qu’elles achètent. Ces administrations n’achèteront que du bois provenant d’une forêt tropicale bien gérée. Malgré les intentions, plusieurs années ont été nécessaires pour parvenir à modifier les conditions d’achat du bois tropical dans le secteur public. Cette conversion se fera en douceur pour aboutir à l’achat de 100% de bois écocertifié par l’administration française à l’échéance 2010.

Les organisations écologistes militent depuis de nombreuses années pour l’écocertification des bois tropicaux afin de lutter contre les coupes illégales et la réduction inéluctable des grands massifs forestiers tropicaux, en Asie, en Amérique latine et en Asie. Le système de l’écocertification ne fait pas l’unanimité chez les professionnels du secteur, mais son intérêt est d’essayer de freiner la disparition des forêts denses dont on connaît l’intérêt pour la planète. Elles jouent un rôle d’éponge en retenant l’eau douce. Elles modèrent les changements climatiques en fixant le carbone.

Certifier les forêts bien gérées

Les grandes ONG, les plus préoccupés par la disparition des forêts tropicales ont donc lancé, au début des années 90, l’idée de l’écocertification du bois. Dans le même temps, ces organisations non gouvernementales comme les Amis de la Terre, le Fonds Mondial pour la Nature (WWF) ou encore Greenpeace, demandaient aux consommateurs de faire attention à leurs achats et de boycotter les meubles et autres objets en bois dont la provenance ne serait pas connue. A ce moment-là, un label d’écocertification est créé. Le Forest Stewardship Council (FSC), ou conseil de surveillance des forêts se constitue. Il rassemble des associations écologistes des pays du nord et du sud, toute la filière bois, des représentants des peuples indigènes vivant dans ces forêts ou qui les possèdent, ainsi que des organisations internationales. Le FSC définit des normes de bonne gestion des forêts et mandate des organismes chargés d’aller sur le terrain pour certifier les forêts bien gérées. La démarche est la même pour les produits en bois. Le coût de la certification revient à un dollar par hectare, il est à la charge de l’exploitant.

Plusieurs entreprises françaises sont très engagées dans l’exploitation des forêts tropicales africaines. Ces entreprises ont réagi à leur manière à la naissance du label attribué par le FSC en créant leur propre label de certification. La circulaire qui vient d’être signée par le Premier ministre français reconnaît tous les systèmes, qu’il s’agisse de label national ou international, de chartes, ou de pures et simples engagements à acheter du bois «légal».

Les associations de protection de l’environnement ont protesté, notamment les Amis de la Terre : « Plutôt que de se hisser au niveau des exigences d’une certification comme le FSC, certaines entreprises ont créé, en coulisses ou ouvertement leur propre écocertificat », regrette la branche française de cette association. Le bois certifié provient de coupes légales sur des parcelles dont l’exploitant forestier a pris soin d’assurer la régénérescence en n’effectuant pas de coupes à blanc. Les associations ne reconnaissent que la certification attribuée par le système FSC.

Un contenu « flou »

« La circulaire ne peut trancher en faveur d’un label pour respecter les règles de la concurrence », explique le ministère français de l’écologie. Il existe encore peu de bois certifié, « on part de zéro, il faut tenir compte du marché », fait encore valoir le ministère qui parle d’une éventuelle révision ultérieure de la circulaire.   

La France est le premier importateur européen de bois tropical pour la construction et l’ameublement. Greenpeace France a réagi à l’entrée en vigueur de la circulaire, estimant que son contenu est « flou », et qu’il est étonnant de mettre plusieurs labels en concurrence. L’association suggère également aux professionnels de la filière de faire d’avantage appel aux ressources en bois de notre pays. Des coûts d’exploitation plus élevés, une réglementation plus sévère, et la présence de nombreuses associations sur le terrain empêcheront, encore avant longtemps, un plus grand développement de la filière bois en France.

Les organisations de protection de l’environnement ont commencé à sensibiliser l’Union européenne et le G8 à l’abattage illégal des bois tropicaux. Ces associations estiment que la moitié des bois tropicaux importés dans l’Union vient de coupes illégales. Ces associations ont donc demandé à Bruxelles de mettre en place une législation pour encadrer le commerce du bois. Il s’effectue dans des conditions que ces associations estiment douteuses. L’Europe a un rôle décisif à jouer car elle absorbe le tiers des exportations totales de grumes provenant des régions tropicales.

Eclairer la Commission

L’Afrique est le premier fournisseur en grumes de l’Italie, des Pays-Bas, de la France et du Royaume-Uni.  Le bois représente par ailleurs une part substantielle des exportations du Cameroun, et du Gabon (15%) ainsi que du Congo-Brazzaville (9%), pays où la production pétrolière est en perte de vitesse. Les associations comme Greenpeace se sont donc employées à éclairer la Commission en épinglant les pratiques de grandes sociétés danoise, germano-suisse, ou encore française. Greenpeace parle de corruption, de blanchiment d’argent, de falsification de documents officiels, d’entente avec des société africaines pour exploiter illégalement des parcelles.

Difficile à la certification de s’imposer. Les territoires à contrôler sont immenses, généralement déserts, le rapport de force ne joue pas en faveur des écologistes. Pour changer d’échelle, l’UE pourrait mettre en place des accords de partenariat avec les pays forestiers concernés. Là encore, il est question d’établir une chaîne de traçabilité et d’instaurer un système de licences d’exportations. Ce projet est insuffisant estiment une nouvelle fois les associations. Du nord comme du sud, elles  trouvent que le système en préparation n’est pas assez contraignant.  

Empêcher la disparition des massifs tropicaux

Depuis 1997 où ont été attribués les premiers certificats à des forêts bien gérées, le nombre d’hectares écocertifiées a beaucoup augmenté. Fin 2004, ce chiffre atteignait presque les 50 millions d’hectares, soit un peu plus de 6% des 700 millions d’hectares de forêts exploitées dans le monde. Mais 16% seulement des forêts labellisées à cette échéance étaient des forêts tropicales, tandis que les forêts tempérées et boréales d’Europe et d’Amérique du nord représentaient le reste. C’est pourtant pour empêcher la disparition des massifs tropicaux quee l’écocertification  a été inventé.

Les associations de protection de l’environnement ont tout de même réussi à sensibiliser les consommateurs. Aux industriels maintenant de faire attention à ce qu’ils importent. L’Union Européenne devrait sensibiliser ces entreprises, comme le fait la France avec cette circulaire qui vient d’entrer en vigueur.   


par Colette  Thomas

Article publié le 08/04/2005 Dernière mise à jour le 08/04/2005 à 16:56 TU