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Mexique

Révocation du maire de Mexico

Le maire Lopez Obrador risque de tout perdre.(Photo: AFP)
Le maire Lopez Obrador risque de tout perdre.
(Photo: AFP)
Après 8 heures de débat, au cours duquel le maire de Mexico, Andres Manuel Lopez Obrador, s’est brillamment défendu, les députés du PAN, la droite au pouvoir et du PRI, le parti de l’ancien régime, ont voté en bloc la levée de l'immunité du maire. Derrière l’application très stricte de la loi semble se cacher la volonté de se débarrasser d’un adversaire politique.
De notre correspondant à Mexico

Avant de se rendre à la Chambre des députés où il savait d’avance qu’un vote bloqué permettrait de lever son immunité, Andres Manuel Lopez Obrador (AMLO), leader du PRD (centre gauche) avait réuni sur le Zocalo, la place principale de Mexico, ses sympathisants. A 8 h du matin, 350 000 personnes sont venues des 4 coins de la ville et de province pour l’encourager et lui rappeler qu’il n’était pas tout seul. Dans un discours d’une heure qui a commencé par une minute de silence pour marquer la mort du pape,  Lopez Obrador a expliqué que l’avenir de son mouvement dépendait de la volonté et du soutien de la population. Il a rappelé, comme il le fait depuis 11 mois, que le procès qu’on lui a intenté est un mauvais procès. Le ministère public reproche à l'administration (dont Lopez Obrador est le « grand patron ») de ne pas avoir appliqué immédiatement l’ordre, donné par un juge, d’arrêter la construction d’une rue permettant d’accéder à un hôpital privé. Une affaire judiciaire  mal ficelée, avec de nombreuses lacunes et surtout un doute sur le plaignant qui, a aucun moment, n’a pu confirmer qu’il était le propriétaire légitime du terrain en litige. Une affaire si peu sérieuse que le délit n’a pas été prouvé. Néanmoins, les députés du PAN (Parti d’action national, de droite) et du PRI (Parti révolutionnaire institutionnel, ancien parti hégémonique) ont suivi le ministère public qui demandait la levée de l’immunité du maire de la capitale et sa destitution, estimant « qu’il y avait abus d’autorité et que la loi devait s’appliquer ».

«J’accuse»

Une heure plus tard, à la tribune du Parlement, Lopez Obrador a une nouvelle fois démontré qu’il était innocent et que la stricte application de la loi n’était en fait qu’une manœuvre pour l’empêcher de se présenter aux élections présidentielles de 2006. AMLO  a courageusement fait face. Dans un discours au vitriol, se prenant pour Emile Zola avec un «J’accuse» retentissant il s’en est pris au président Vicente Fox qu’il rend responsable du procès qui lui est fait. Lopez Obrador accuse le président mexicain « d’employer des méthodes factieuses qui dégradent sa charge et les institutions ». De la même manière, le maire de Mexico « accuse de complicité le président de la Cour Suprême du Mexique qui a soumis les principes de la justice et de la constitution aux consignes politiques du gouvernement  » et à dit aux députés du PAN et du PRI tout son mépris « pour ceux qui obéissent aux ordres plutôt que de voter en toute conscience ».

Baroud d’honneur

Ces accusations n’ont pas changé d’un iota l’opinion des parlementaires, mais AMLO qui caracole en tête de tous les sondages comme l’homme le plus populaire (80 % d’opinion favorable à Mexico et 40 % dans le pays), a eu pendant une demi-heure une tribune nationale pour démontrer que tous ces politiciens qui l’accusent sont « des hypocrites qui ont une dévotion pour une légalité qu’ils appliquent lorsque ça les arrange », soulignant que depuis 5 ans, Vicente Fox et son gouvernement ont curieusement oublié de poursuivre les corrompus de l’ancien régime, les banquiers peu scrupuleux, les fraudeurs électoraux et bien d’autres. Lopez Obrador a expliqué aux Mexicains que cette attitude hostile à son égard était motivée par la crainte de le voir président et que ne soit proposé aux électeurs son programme alternatif de gouvernement, un programme qui fait une large part au social et mettrait fin aux prébendes des nantis.

Polarisation brutale de la société

Au lendemain du vote des députés, les Mexicains ont tous un peu la « gueule de bois ». De plus en plus, la politique spectacle polarise la société. Le PAN et le PRI se réjouissent d’avoir mis temporairement sur la touche Lopez Obrador tout en s’apercevant que dans leur hâte à se débarrasser d’un rival, ils n’ont pas vu que la société ne prenait pas fait et cause pour eux. Ce vote révèle aussi l’incapacité du gouvernement à dialoguer avec son opposition. Vicente Fox, comme le faisait le PRI,  préfère négocier la loi plutôt que de rétablir l’Etat de droit. Les sympathisants d’Andres Manuel Lopez Obrador sortent profondément meurtris de l’attitude d’un gouvernement qui refuse le jeu démocratique et la possibilité d’une alternance. Leur « gallo » (candidat) pourrait bien aller en prison, être déchu de ses droits civiques, et ne pas pouvoir se présenter aux élections présidentielles.   Ce verdict risque de transformer AMLO en « martyre »,lui permettant de se comparer à Martin Luther King ou à Jean Valjean, mais surtout il repousse une nouvelle fois les échéances et les espoirs d’une véritable démocratie. Le  risque est la radicalisation de certains groupes qui estiment que la non violence prônée par le leader de la gauche ne permettra pas de  changer le Mexique.


par Patrice  Gouy

Article publié le 09/04/2005 Dernière mise à jour le 09/04/2005 à 12:32 TU