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Mexique

La résistible ascension de Lopez Obrador

Andres Manuel Lopez Obrador (2e D), le gouverneur de Mexico, risque d'être emprisonné et par conséquent écarté de l'élection présidentielle de juillet 2006.(Photo : Patrice Gouy/RFI)
Andres Manuel Lopez Obrador (2e D), le gouverneur de Mexico, risque d'être emprisonné et par conséquent écarté de l'élection présidentielle de juillet 2006.
(Photo : Patrice Gouy/RFI)
Andres Manuel Lopez Obrador, le gouverneur de Mexico, pourrait bien être envoyé en prison. Les députés du PRI, le parti de l’ancien régime et du PAN (droite conservatrice actuellement au pouvoir), devraient voter vendredi soir ou samedi la levée de son immunité.
De notre correspondant à Mexico

Pour ne pas avoir appliqué une décision de justice qui ordonnait aux autorités de la ville de Mexico d'arrêter les travaux sur un terrain exproprié, le gouverneur de la capitale Andres Manuel Lopez Obrador (AMLO) pourrait bien aller en prison. Il nie les faits, démontre que les travaux ont été stoppés dès que le juge l’a ordonné et fait remarquer que le terrain en question n’appartient pas au plaignant mais à la ville et que la route en construction est d’utilité publique puisqu’elle devait permettre de faciliter l’accès à un hôpital nouvellement construit.

Cette querelle n’aurait pas dû sortir du palais de justice mais le président Vicente Fox qui supporte de moins en moins la popularité de Lopez Obrador, en a fait une affaire personnelle et, au nom de la justice, demande l’application de la loi. Le Procureur général, aux ordres de Los Pinos (le palais présidentiel) refuse toutes les preuves à décharge. Les chefs du PRI et du PAN tiennent des réunions «secrètes», dont la tenue fait l’objet de «fuites»en direction de la presse pour bien faire savoir à Lopez Obrador que leurs partis lèveront son immunité pour qu’il soit mis en examen. Le procès pourrait durer deux ans, ce qui permettrait d’évincer le gouverneur de Mexico de l’élection présidentielle de juillet 2006.

Leader d’une gauche moderne

En fait, AMLO est actuellement le mieux placé dans les sondages pour cette présidentielle. Il a 82% d'opinion favorable dans la capitale et 35% sur l’ensemble du pays. En quatre ans, ce veuf de 52 ans, protestant, austère, honnête, a appris à séduire un électorat qui ne vote généralement pas à gauche : les chefs d’entreprises des PME-PMI. Il a montré qu’il n’avait pas un discours anti-américain, en prenant les conseils en matière de sécurité de Rudolfo Giuliani, l’ancien maire de New York. Et pour lutter contre les méfaits du néolibéralisme qui ne donne que de bons chiffres macro-économiques, il propose, un peu comme l’a fait le Brésilien Lula, une alternative économique dont l’axe est la lutte prioritaire contre la pauvreté et la corruption et qui fait une large place au développement du marché intérieur, sans toucher aux fondamentaux (payement de la dette, accords internationaux et bilatéraux).

Un programme d’une gauche moderne qui déplait profondément au PAN qui estime que ce n’est que du populisme à la Hugo Chavez. Le PRI, lui, n’a pas d’états d’âme, il veut simplement qu’on le débarrasse de ce candidat qui pourrait l’empêcher de revenir en force au pouvoir en 2006. Washington regarde attentivement ce qui se passe car il ne voudrait pas un Lula mexicain à ses frontières, mais craint les troubles qui pourraient nuire à sa sécurité nationale.

Plus on l’attaque, plus il monte

Paradoxalement, les attaques et les coups bas qui se succèdent depuis un an et demi, ont permis à Andres Manuel Lopez Obrador de grimper dans tous les sondages. La campagne contre la levée de son immunité a permis de fédérer tous les courants de son parti, le PRD, ce que personne n’était parvenu à faire car ce parti a autant de tendances que de militants. Cette popularité est en train de déborder largement la capitale et a certainement participé à la victoire des candidats du PRD qui viennent de rafler au PRI les postes de gouverneurs de l'Etat de Guerrero et de Basse Californie.

A l’intérieur du PAN comme du PRI, cette parodie judiciaire qui sert à évincer un adversaire de manière bien peu démocratique, ne fait pas l’unanimité. Les députés craignent que leurs électeurs ne leur passent la facture pour recourir à de telles pratiques. Les sondages montrent que 80% de la population estime injuste le mauvais procès que l’on fait à Lopez Obrador. S’il est mis en prison, AMLO a déjà fait savoir qu'il refuserait de payer une caution pour en sortir, mais qu'il ferait sa campagne contre l'injustice, le rétablissement de l'état de droit depuis sa cellule et qu’il portera l’affaire devant la Commission des droits de l’Homme de l’OEA, estimant que ses droits politiques sont bafoués comme dans les républiques bananières.

Cette bataille procédurière démontre que l’État mexicain, malgré la transition démocratique, a encore recours aux vieilles pratiques autoritaires de l’ancien régime au risque de se heurter à la société civile qui, elle, a évolué. Le grand perdant sera certainement Vicente Fox et son parti qui, préfèrent s’allier avec l’ancien régime corrompu pour évincer un adversaire politique plutôt que de défendre démocratiquement leur programme néo-libéral contre le projet de société alternatif que propose Andrès Manuel Lopez Obrador.

par Patrice  Gouy

Article publié le 20/02/2005 Dernière mise à jour le 20/02/2005 à 11:05 TU