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Liban

Trente ans après, «unis nous courrons»

Dimanche, 50 000 personnes, parmi lesquelles des centaines de ressortissants arabes et étrangers, ont participé au marathon de l'unité.(Photo : AFP)
Dimanche, 50 000 personnes, parmi lesquelles des centaines de ressortissants arabes et étrangers, ont participé au marathon de l'unité.
(Photo : AFP)
Une Semaine de l’unité nationale marque le trentième anniversaire du déclenchement de la guerre civile (1975-1990). Mais, après l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, les Libanais restent partagés entre la peur et l’espoir.
De notre correspondant à Beyrouth

Précarité, angoisse et incertitude marquent les commémorations de la guerre civile qui, en quinze ans, fit 150 000 morts, trois fois plus de blessés et cinq fois plus de déplacés. Précarité politique d’abord, en raison de la crise sans précédent provoquée par la prorogation du mandat du président Emile Lahoud, conformément aux vœux de la Syrie. Amplifiée par l’assassinat de l’ancien Premier ministre, Rafic Hariri, le 14 février dernier, cette crise politique s’est illustrée par une forte tension entre l’opposition anti-syrienne et le régime allié de Damas. Elle s’est traduite par une mobilisation quasi-permanente de la rue avec des manifestations, des sit-in et des rassemblements, à l’appel des camps adverses.

La disparition tragique de Rafic Hariri a déchaîné les passions et creusé le fossé entre l’opposition et le régime. Le vide du pouvoir dure depuis le 28 février, date de la démission du Premier ministre, Omar Karamé, sous la pression de l’opposition parlementaire et de la rue. Le retrait de l’armée syrienne, qui sera achevé le 30 avril au plus tard, est salué par une large majorité de Libanais, toutes tendances confondues. Il n’a toutefois pas contribué à faire baisser la tension. Au contraire, la crise de confiance s’est accentuée entre des loyalistes d’une part, qui soupçonnent certaines composantes de l’opposition d’épouser l’agenda américain au Liban et au Proche-Orient, et d’autre part des opposants, qui accusent le pouvoir d’avoir retardé la formation d’un gouvernement dans le but de reporter les élections législatives prévues en mai.

La crise de confiance se conjugue avec l’angoisse provoquée par l’instabilité sécuritaire grandissante. L’assassinat de Rafic Hariri a été suivi de dizaines d’incidents à connotations partisanes, confessionnelles ou racistes, allant de la simple vexation jusqu’au meurtre. Plusieurs sympathisants des deux camps ont été blessés, certains par balles, lors d’incidents survenus dans les différentes régions du pays. Des travailleurs syriens ont été tués ou blessés, leurs campements incendiés. Des agressions à caractère confessionnel ont également eu lieu, visant telle femme voilée aussi bien que telle statuette de la Vierge Marie, vandalisée dans un village chrétien. Plus grave encore: quatre attentats non-revendiqués ont visé des centres commerciaux et industriels dans des régions chrétiennes. Ces explosions, qui ont fait trois morts et une vingtaine de blessés, ont réveillé chez les Libanais les tristes souvenirs de guerre qu’ils croyaient oubliés à jamais.

Optimisme légendaire

L’incertitude économique demeure dans ce pays qui roule au ralenti depuis le 14 février. Hôteliers, commerçants et restaurateurs crient à la faillite. Le centre-ville est désert, les hôtels et les grandes surfaces aussi. De nombreuses entreprises payent des demi salaires, certaines firmes ont même supprimé des emplois. Les réserves en devises de la Banque centrale fondent dangereusement. Pour soutenir la monnaie nationale, la Banque du Liban a en effet dépensé presque deux milliards de dollars depuis l’assassinat de Hariri. La situation est tellement grave que l’un des principaux investisseurs arabes au Liban, l’émirati Khalaf el-Habtour, qui a dépensé 400 millions de dollars dans des projets immobiliers, a publié une lettre ouverte appelant la classe politique à faire preuve de «sens des responsabilités», pour surmonter la crise actuelle.

Réputés pour leur optimisme légendaire, les Libanais ne se découragent pas. Conscients de la gravité de la situation, ils veulent empêcher leur pays de glisser dans l’abîme. A l’initiative de la députée Bahia Hariri, soeur de l’ancien Premier ministre, et de nombreuses autres associations, une série d’activités culturelles, artistiques, littéraires et sportives, sont organisées entre le 9 et le 13 avril à Beyrouth et les grandes villes, pour tenter de revenir à une vie normale. Samedi soir, des dizaines de milliers de personnes, répondant à l’appel de Bahia Hariri, sont allées veiller dans le centre-ville historique de la capitale. Bravant la peur et l’inquiétude, les citadins ont envahi les terrasses des cafés et les boutiques ouvertes jusqu’à une heure tardive.

Dimanche, 50 000 personnes, parmi lesquelles des centaines de ressortissants arabes et étrangers, ont participé au marathon intitulé «Unis nous courrons». Les diverses autres activités ont également attiré des foules importantes. Les Libanais ont voulu exprimer leur désir de vivre en paix et de montrer que l’instabilité, quelle qu’en soit la forme, n’est pas une fatalité.


par Paul  Khalifeh

Article publié le 12/04/2005 Dernière mise à jour le 12/04/2005 à 15:44 TU

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Jo Bahout et Walid Charara

Respectivement professeur de sciences politiques à l'IEP de Paris et politolgue chercheur en relations internationales

«Ce que nous voyons à l'oeuvre dans les rues de Beyrouth c'est un peu comme une sorte de conjuration collective. »

Muriel Maalouf

Envoyée spéciale à Berouth

«Les Libanais sont sollicités pour récupérer des plans de cèdre pour les planter dans leur village en souvenir de cette journée qui se veut (...) un symbole de la paix.»

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