Liban
Retrait syrien total fin avril au plus tard
(Photo : AFP)
De notre correspondant à Beyrouth
Pour la première fois depuis 30 ans, il n’y aura plus aucun soldat ou agent des services de renseignements syriens au Liban d’ici au 30 avril. L’annonce historique du retrait syrien total a été faite par l’envoyé spécial des Nations unies chargé de l’application de la résolution 1559, Terje Roed-Larsen, à l’issue d’un entretien dimanche à Damas avec le président syrien Bachar El Assad et son ministre des Affaires étrangères, Farouk Chareh.
L’émissaire de Kofi Annan a indiqué, lors d’une conférence de presse conjointe avec Chareh, que la Syrie ne s’opposait pas à la venue au Liban d’une équipe de l’Onu pour vérifier que le retrait des troupes syriennes est effectif. Il devrait tenter d’obtenir ce lundi à Beyrouth l’accord des autorités libanaises pour l’envoi de cette mission.
Le chef de la diplomatie syrienne a quand à lui déclaré qu’« en se retirant totalement du Liban, la Syrie aura appliqué la partie la concernant de la 1559 », une résolution du Conseil de sécurité votée le 2 septembre 2004 à l’initiative de la France et des États-Unis pour tenter d’empêcher la prorogation du mandat d’Emile Lahoud, voulue et obtenue par la Syrie. Mais il a ajouté que le retrait ne signifie pas nécessairement la fin des relations entre les deux pays. « Les rapports entre la Syrie et le Liban sont bâties sur des bases nationales solides qui ne peuvent être annulées par le retrait des forces militaires », a-t-il dit, précisant que « la sécurité des deux pays est liée ». Il a rappelé à cet égard que l'accord de Taëf qui a mis fin à la guerre civile au pays du cèdre, en 1990, stipule que le Liban ne sera pas utilisé pour déstabiliser la Syrie, et vice-versa.
L’armée syrienne avait achevé, le 17 mars dernier, la première phase de son retrait décidé le 5 mars. Quelque 6 000 officiers et soldats et plusieurs centaines d’agents des services de renseignements militaires avaient évacué le Liban-Nord et la montagne surplombant Beyrouth. Entre 4 000 et 5 000 militaires s'étaient alors retirés en Syrie alors que les autres s'étaient repliés sur la Bekaa. Les 8 000 hommes déployés dans cette vaste plaine avaient commencé à se retirer avant l’annonce du calendrier. Plusieurs positions stratégiques de défense anti-aérienne ont été démantelées et des dizaines de camions ont été vus se diriger vers le territoire syrien.
Les élections, enjeu central
Malgré ce progrès significatif accompli sur la voie de la normalisation de la situation au Liban, Terje Roed-Larsen a souligné qu'il y avait des « inquiétudes concernant la souveraineté de ce pays, et qu'il y avait intérêt à désarmer les milices libanaises » (en allusion au Hezbollah), comme l’exige la résolution 1559. Mais aussi bien les loyalistes que la majeure partie de l’opposition libanaise ne veulent pas entendre parler, dans les circonstances actuelles, d’un tel désarmement. Pour eux, il s’agit là «d’une question interne qui doit être discutée entre Libanais sans ingérences étrangères».
L’émissaire de Kofi Annan a d’autre part exprimé l'espoir que les élections législatives au Liban, prévues en mai, « seront organisées rapidement et d'une manière libre ». Farouh Chareh a assuré également que son pays soutenait « la tenue des élections à la date prévue ». Cette question est au centre du débat politique libanais et l’opposition soupçonne le pouvoir allié de la Syrie de manoeuvrer dans le but de reporter le scrutin. Les États-Unis, la France et l’ensemble de la communauté internationale insistent sur la nécessité de tenir les élections à la date prévue.
Sur ce front, un certain déblocage s’est produit vendredi dernier. Après avoir exprimé son intention de se récuser, le Premier ministre désigné Omar Karamé a accepté, sous la pression de ses alliés, de former un gouvernement dont la principale tâche sera d’organiser les élections.
Contraint de démissionner sous la pression de l’opposition et de la rue le 28 février, Karamé avait été reconduit par une majorité parlementaire, le 10 mars. Mais il avait juré que s’il ne réussissait pas à former un cabinet d’union nationale, il rendrait son tablier. Devant le refus catégorique de l’opposition de partager le pouvoir avec « un régime en déliquescence », qu’elle accuse de surcroît d’être responsable de l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, Karamé avait publiquement annoncé son intention de jeter l’éponge. Coup de théâtre deux jours plus tard: à l’issue d’une réunion marathon des forces et partis loyalistes, il revient sur sa décision. En l’espace d’un mois, il aura changé d’avis quatre fois.
La décision d’Omar Karamé de former un nouveau gouvernement sans l’opposition devrait permettre la tenue des élections à la date prévue ou avec un petit retard (un ou deux mois) justifié par des raisons techniques que l’opposition pourrait tolérer. Mais pour concession faite, concession reprise. Car en acceptant de débloquer la situation gouvernementale, les loyalistes ont décidé de remplacer la loi électorale, basée sur la petite circonscription, comme le souhaitait le Patriarche maronite Nasrallah Sfeir (considéré comme le chef spirituel de l’opposition), par une autre législation basée sur des circonscriptions plus larges. Ce découpage électoral est accepté par les composantes sunnite et druze de l’opposition mais il est rejeté par les chrétiens. Un nouveau sujet de discorde se profile à l’horizon.
par Paul Khalifeh
Article publié le 04/04/2005 Dernière mise à jour le 04/04/2005 à 11:18 TU