Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Liban

Hariri : l'ONU accuse la Syrie et le Liban

Le responsable onusien Peter Fitzgerald arrive à l'aéroport international de Beyrouth, le 24 février 2004.
Le responsable onusien Peter Fitzgerald arrive à l'aéroport international de Beyrouth, le 24 février 2004.
Sans désigner de coupables, une mission de l'Onu accuse la Syrie de « porter la principale responsabilité de la tension politique qui régnait (au Liban) avant l'assassinat » de l'ex-Premier ministre libanais. L'enquête libanaise « souffre de sérieuses faiblesses », poursuivent les enquêteurs, qui avec Kofi Annan réclament la création d'une véritable commission d'enquête internationale.

De notre correspondant à New York (Nations unies)

Coupables, on ne sait pas, mais responsables, certainement : le gouvernement libanais et les autorités syriennes sont montrées du doigt par l’ONU pour avoir créé un climat de violence et d'impunité qui a servi de toile de fond à l'assassinat de Rafic Hariri, l'ancien premier ministre libanais mort dans une explosion massive, qui avait fait 19 autres morts le 14 février dernier. « Les causes spécifiques de l'assassinat de M. Hariri ne peuvent être déterminées avec certitude tant que les auteurs de ces crimes ne seront pas traduits en justice », affirme la mission d'enquête, formée à la demande du Conseil de sécurité et dirigée par l'Irlandais Peter Fitzgerald. Les circonstances de l'attentat n'ont pas non plus été clairement élucidées, reconnaissent-ils. Leur hypothèse : l'explosion a été causée par une charge de 1 000 kg de TNT « probablement placée au dessus du niveau du sol » précisent-t-il, contredisant l'hypothèse d'une charge enfouie sous la chaussée.

Ils affirment toutefois avec certitude que leur observation de l'enquête leur a permis de constater « un manque d'engagement indéniable de la part des autorités libanaises pour enquêter sur ce crime avec efficacité ». « Cette enquête n'a pas été menée en accordance avec les standards internationaux applicables » poursuivent-ils. « Après avoir rassemblés les faits disponibles, la Mission a conclu que les services de sécurité libanais et le renseignement militaire syrien portaient la responsabilité première du manque de sécurité, de protection, de loi et d'ordre au Liban » accuse le rapport. Les services de sécurité, « négligents » selon l'enquête, ont « grièvement failli ».

La Syrie en prend aussi pour son grade. « La Mission a conclu que le gouvernement syrien portait la responsabilité première de la tension politique qui a précédé l'assassinat de l'ancien premier ministre Rafic Hariri » estiment les rapporteurs. Comment ? « En exerçant exerçait une influence qui allait au-delà de l'exercice raisonnable de relations de coopération et de voisinage » affirme le rapport selon lequel le régime syrien « s'est ingéré » dans les affaires libanaises de manière « lourde » et « inflexible » créant « la raison première de la radicalisation politique qui a suivi ». « Cette atmosphère a fourni la toile de fond pour l'assassinat de M. Hariri » assure le document. Plusieurs témoignages concordants sont cités, qui indiquent que « le président syrien Assad a physiquement menacé M. Hariri si il s’opposait à l’extension du mandat de M. Lahoud [le président libanais dont le mandat était parvenu à expiration, ndlr] 

Une enquête internationale

Dans ce contexte, l'ONU estime que « l'investigation libanaise souffre de sérieuses faiblesses et n'a ni la capacité, ni la volonté d'aboutir à une conclusion satisfaisante et crédible ». Plus loin, les enquêteurs évoquent même la « possibilité d'actes criminels pour manipuler des éléments de preuve ». Impossible, donc de parvenir « à un résultat satisfaisant ». D’autant plus que « la crédibilité de la gestion de l’enquête par les autorités libanaises est remise en question par un grand nombre de Libanais, aussi bien dans l’opposition que dans le gouvernement ». Seule solution, selon l’ONU : la création d’une commission d’enquête internationale indépendante. Il s’agirait d’une commission comprenant des spécialistes de différents domaines, avec des personnels en nombre suffisant, sur le modèle des enquêtes pratiquées aux niveaux nationaux pour des événements de cette ampleur. L’équipe devrait selon les enquêteurs être dotée de l’autorité nécessaire pour effectuer des interrogatoires et des perquisitions, avec l’aide d’experts juridiques libanais. Mais attention, avertissent les rapporteurs, « il est plus que douteux qu’une telle équipe d’enquête puisse mener à bien sa mission – et recevoir la nécessaire coopération active des autorités locales – alors que le leadership actuel des services de sécurité libanais reste en place ». Car selon le rapport, ces services « n'ont pas fourni de protection appropriée à M. Hariri et ont donc créé un contexte commode pour son assassinat ».

Ce rapport va galvaniser de l'opposition anti-syrienne, qui accuse les régimes libanais d’être responsable de l’élimination de Rafic Hariri et exige le limogeage du procureur général Adnan Addoum et des chefs de six services de sécurité libanais. Il fait aussi monter la pression qui pèse sur la Syrie, déjà sommée en septembre dernier, dans la résolution 1559 de retirer toutes ses troupes du Liban, mais dont le départ n’est pour l’instant que partiel.


par Philippe  Bolopion

Article publié le 25/03/2005 Dernière mise à jour le 25/03/2005 à 10:06 TU