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Liban

Karamé jette l’éponge, le pays sans gouvernement

Le Premier ministre libanais Omar Karamé renonce à former le gouvernement devant le refus de l'opposition d'y participer.(Photo : AFP)
Le Premier ministre libanais Omar Karamé renonce à former le gouvernement devant le refus de l'opposition d'y participer.
(Photo : AFP)
Omar Karamé renonce à former un nouveau gouvernement, faisant assumer à l’opposition l’échec de ses tentatives visant à présider un cabinet d’union nationale. L’opposition, elle, accuse le pouvoir de tergiverser dans le but de provoquer l’ajournement des élections législatives.

De notre correspondant à Beyrouth

Le vide gouvernemental, une des manifestations de la crise politique qui secoue le Liban depuis l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, le 14 février, risque de se prolonger. Démissionnaire depuis le 28 février sous la pression de l’opposition parlementaire et de la rue, désigné pour former un nouveau gouvernement début mars, Omar Karamé a jeté l’éponge. Il a annoncé son intention de se récuser, non sans faire assumer à l’opposition l’échec de ses tentatives pour former un Cabinet d’union nationale.

Le départ de Karamé, fils d’une grande famille sunnite de Tripoli au Liban-Nord, ne constitue pas une surprise. Le jour de sa reconduction par une majorité de députés, il avait affirmé que sa priorité irait à la formation d’un Cabinet d’union nationale, seule formule capable, selon lui, de sortir le pays de la crise. «Je ne présiderais par un gouvernement monochrome. Si j’échoue, je cèderai la place à un d’autre candidat», avait-il dit. Mais l’opinion publique, inquiète de la dégradation économique et sécuritaire, croyait qu’un déblocage était encore possible. Surtout que l’opposition avait exprimé son intention de faciliter la tâche d’Omar Karamé après s’être farouchement élevé, dans un premier temps, contre sa reconduction. L’opposition a adouci son discours après avoir procédé à une révision de son plan d’action en donnant la priorité à l’organisation des élections législatives, prévues en mai, et qu’elle pense pouvoir remporter haut la main dans le climat actuel.

L’enjeu des élections

Le pouvoir voulait, quant à lui, intégrer l’opposition au sein du gouvernement, pour démobiliser la rue et lui faire assumer une part des responsabilités dans l’espoir de conclure avec ses principales figures un compromis politique avant les élections. Mais l’opposition est restée intraitable bien qu’elle ait obtenu totalement ou partiellement satisfaction sur trois de ses principales revendications: retrait syrien, formation d’une commission internationale d’enquête et limogeage des chefs des services de sécurité, accusés de négligence, voire de complicité, dans l’assassinat de Hariri. Concernant ce troisième point, le chef des renseignements militaires de l’armée libanaise a demandé, mardi, un «congé» et a été remplacé par un officier connu pour ses bonnes relations avec le patriarche maronite Nasrallah Sfeir, considéré comme le mentor de l’opposition.

Toutefois, malgré ses succès et les concessions du régime, l’opposition a refusé d’intégrer le gouvernement. Ses calculs sont simples: pourquoi accepter quelques «miettes» et risquer de briser son élan alors qu’au lendemain des élections elle pourra prendre le pouvoir ? Tout en ménageant Omar Karamé, elle a accusé le régime de tergiverser dans le but d’ajourner les élections. En faisant traîner les négociations, le pouvoir espère que les délais constitutionnels pour l’organisation du scrutin seront dépassés. Pour éviter un vide institutionnel, le Parlement actuel, où les pro-syriens restent majoritaires, prorogerait son mandat d’un an.

 

Pour tenter de débloquer cette situation sans issue, le président de la République Emile Lahoud et le patriarche Sfeir se sont mis d’accord, après une réunion dimanche 27 mars, sur la formation d’un cabinet restreint d’«entente nationale», composé de personnalités neutres et respectées de tous. La tâche de cette équipe serait d’organiser le scrutin et de poursuivre le dossier de l’enquête sur l’assassinat de Rafic Hariri. Mais Omar Karamé a annoncé qu’il ne présiderait pas un tel gouvernement. Faisant allusion à l’appui franco-américain à l’opposition, qualifié d’«ingérences étrangères» par les loyalistes, il a dit: «De Washington à Paris en passant par Moukhtara (le fief du chef druze Walid Joumblatt) et Bkerké (le lieu de résidence de Sfeir), il y a unanimité à refuser le Cabinet d’union nationale. Je ne présiderais pas un gouvernement neutre».

Alors que les manœuvres des uns et des autres se poursuivent, le sort des élections est plus incertain que jamais. Pendant ce temps, l’économie se dégrade, la sécurité se détériore et la crise se complique.


par Paul  Khalifeh

Article publié le 30/03/2005 Dernière mise à jour le 30/03/2005 à 16:11 TU