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Liban

Les Syriens se retirent, la crise continue

Chassé par l'opposition il y a dix jours, l'ancien Premier ministre Omar Karamé est de retour.(Photo : AFP)
Chassé par l'opposition il y a dix jours, l'ancien Premier ministre Omar Karamé est de retour.
(Photo : AFP)
Chassé par l’opposition il y a dix jours, l’ancien Premier ministre est de retour. Omar Karamé a été désigné lors de consultations parlementaires boycottées par les opposants. Le retrait des troupes syriennes se poursuit... la crise politique aussi.
De notre correspondant à Beyrouth

L’impressionnante démonstration de force du Hezbollah et de ses alliés, mardi, lorsque des centaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue pour leur apporter leur soutien, peut aboutir soit au dialogue, soit, au contraire, à une rupture totale.

Après avoir cédé la rue pendant des semaines à l’opposition anti-syrienne appuyée par les Etats-Unis et la France, les loyalistes soutenus par la Syrie ont contre-attaqué, le jour où Damas entamait le repli de ses troupes vers la plaine de la Bekaa en prélude à leur retrait total. Dans son discours devant la foule, le chef du Hezbollah a tendu la main à l’opposition qu’il a invité à discuter de toutes les questions sous le plafond de l’accord de Taëf qui a mis fin à la guerre civile, en 1990. Mais cet appel au dialogue était enrobé d’une série de messages adressés aussi bien à l’opposition qu’à l’Occident. Hassan Nasrallah a ainsi réitéré son rejet catégorique de la résolution 1559, approuvée par le Conseil de sécurité le 2 septembre 2004 à l’initiative de la France et des États-Unis. En plus du retrait syrien, ce texte exige le désarmement du Hezbollah et des organisations palestiniennes. Cheikh Nasrallah a déclaré qu’il interprèterait tout acceptation de la 1559 par une partie libanaise comme un retournement contre Taëf.

Le chef du Hezbollah s’est posé en défenseur de l’État, affirmant que son parti et ses alliés ne permettront pas l’effondrement des institutions. Ce message est adressé à l’opposition qui a provoqué la chute du précédent gouvernement, refuse de participer au prochain cabinet et réclame la démission des chefs des services de sécurité qu’elle tient pour responsables de l’assassinat de l’ancien Premier ministre, Rafic Hariri. Les loyalistes soupçonnent l’opposition de vouloir provoquer un vide constitutionnel et sécuritaire pour déstabiliser le pays et justifier une intervention internationale.

En déclarant que «le Liban n’est ni la Somalie, ni l’Ukraine, ni la Géorgie», Hassan Nasrallah a voulu dire qu’il s’opposera à toute tentative de renversement du régime par des voies militaires ou populaires. Toujours dans la même optique, il a promis à Israël qu’«il ne réussira pas à prendre par la politique ce qu’il n’a pas pu obtenir par la guerre».

Poursuite de la crise

Cet appel à un dialogue dont les limites ont été fixées à l’avance n’a pas été entendu par l’opposition. Certes, le chef druze Walid Joumblatt a informé Xavier Solana de son rejet de la 1559 et du désarmement du Hezbollah. Dans une interview paru dans un journal allemand, il a aussi mis en garde les Etats-Unis contre l’utilisation du Liban pour déstabiliser la Syrie. Mais ces déclarations apaisantes servent vraisemblablement à absorber le choc provoqué par l’impressionnante manifestation des loyalistes qui a surpris tout le monde de par son ampleur. Car sur le fond, l’opposition n’a présenté aucune concession. C’est ainsi que la cinquantaine de députés opposants ont refusé de participer aux consultations parlementaires obligatoires menées par le chef de l’État pour la désignation d’un nouveau Premier ministre. De plus, les partisans de l’opposition continuent d’observer un sit-in permanent Place des Martyrs, non loin de la tombe de Rafic Hariri, et n’ont pas annulé la manifestation qu’ils prévoient d’organiser lundi prochain.

Le pouvoir non plus n’a pas vraiment assoupli sa position. La désignation comme Premier ministre d’Omar Karamé, qui a démissionné la semaine dernière sous la pression combinée des députés de l’opposition et de la rue, en est la preuve la plus frappante. De même qu’il a refusé de limoger les chefs des services de sécurité.

Dans ce contexte, il est fort probable que les efforts pour la formation d’un cabinet d’union nationale soient voués à l’échec, ce qui signifie que le nouveau gouvernement sera la cible des attaques de l’opposition dès sa formation.

La situation reviendra donc à ce qu’elle était il y a dix jours, avant la démission du précédent gouvernement, à deux différences près: les Syriens commencent à se retirer du Liban et les loyalistes ont montré que leurs options politiques, qui s’articulent autour de l’alliance avec la Syrie, l’appui à la Résistance islamique –la branche armée du Hezbollah–, et le refus des ingérences franco-américaines dans les affaires libanaises, jouissent d’un large soutien au sein de la population.

La crise politique continue, les pressions internationales s’accentuent et les partisans de l’opposition et des loyalistes sont dans la rue. Le pire peut arriver.


par Paul  Khalifeh

Article publié le 10/03/2005 Dernière mise à jour le 10/03/2005 à 11:09 TU