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Syrie-Liban

L'armée syrienne se replie sans se retirer

Sur le terrain, des forces syriennes ont commencé à démanteler leurs positions.(Photo : AFP)
Sur le terrain, des forces syriennes ont commencé à démanteler leurs positions.
(Photo : AFP)
Soumis à une forte pression internationale, lâché par ses principaux alliés comme la Russie ou l’Arabie saoudite, le régime de Damas semble prêt à faire certaines concessions dans l’espoir de maintenir son influence au pays du Cèdre. Annoncé par Bachar al-Assad samedi, le retrait des troupes syriennes du Liban n’est certes pas imminent, mais les quelque 14 000 soldats de l’armée syrienne devraient tous être regroupés, d’ici la fin du mois de mars, dans la plaine de la Bekaa à l’est du pays. La commission militaire syro-libanaise décidera alors de la durée de leur maintien ou non dans cette région frontalière de la Syrie.

Est-ce le début du retrait de la Syrie du Liban ou un simple redéploiement de ses troupes dans l’est de ce pays ? La question est sur toutes les lèvres et la visite du président libanais Emile Lahoud à Damas –destinée officiellement à finaliser les modalités de ce retrait– n’a pas permis d’y apporter de réponse claire. Le chef de l’Etat a en effet présidé lundi, avec son homologue Bachar al-Assad, le Haut conseil syro-libanais. Un communiqué diffusé à l’issue de leurs entretiens a annoncé la décision du «retrait des positions des troupes arabes syriennes au Liban dans la région de la Bekaa avant la fin du mois de mars 2005». Cette décision ne concerne toutefois que quelque 4 000 à 5 000 hommes, basés à l’ouest du Mont-Liban, sur les 14 000 stationnés dans le pays. L’avenir reste donc des plus incertains même si le texte précise également qu’une commission militaire commune aura ensuite un mois pour élaborer un accord déterminant «le nombre des effectifs syriens et la durée de leur maintien» dans ce secteur. Or rien n’indique que Damas, qui compte des alliés de poids au Liban, jugera à ce moment-là opportun de quitter le pays du Cèdre où la Syrie, comme l’a clairement affirmé son président, compte bien «maintenir un rôle».

Quoi qu’il en soit, sur le terrain, des forces syriennes ont commencé à démanteler leurs positions, notamment dans la montagne libanaise qui surplombe Beyrouth. Des soldats postés à Dahr al-Wahch, à une dizaine de kilomètres à l'est de la capitale, ont ainsi été vus en train d'évacuer les bâtiments qu'ils occupaient dans ce secteur et de charger matelas et meubles dans des camions. Selon des témoins, des tentes ont également été démontées. Dans l’après-midi, un convoi militaire syrien, composé de neuf camions et de deux jeeps, a en outre été aperçu sur la route menant vers la plaine libanaise de la Bekaa où se trouve le gros des troupes syriennes stationnées au Liban. Les camions étant bâchés, il était toutefois difficile de savoir s'ils transportaient du matériel ou des soldats.

Ce début de repli syrien, loin de satisfaire l’opposition libanaise, semble au contraire avoir galvanisé les adversaires de Damas. Quelque 150 000 personnes –les organisateurs parlent de 200 000 à 250 000 Libanais– ont manifesté lundi dans les rues de Beyrouth à l'appel de l'opposition pour réclamer notamment la vérité sur l'assassinat, le 14 février dernier, de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri. Les manifestants, parmi lesquels des jeunes mais aussi des familles entières, ont marché aux cris de «la Syrie dehors», «Liberté, souveraineté, indépendance», «Nous ne voulons d'autre armée que l'armée libanaise», réclamant ouvertement le départ des troupes syriennes.

La communauté internationale ne relâche pas la pression

Pas plus qu’il ne semble avoir convaincu l’opposition libanaise, le repli syrien vers la plaine de le Bekaa a laissé sceptique la communauté internationale. L'Allemand Gerhard Schröder a ainsi joint lundi sa voix à celle du président français Jacques Chirac –l’un des premiers à avoir réclamer le départ de la Syrie du Liban– pour demander à Damas de retirer «intégralement ses troupes et ses services de sécurité du Liban dans les meilleurs délais». Et si Paris et Berlin ont pris «acte de l'annonce par Bachar al-Assad de sa décision d'appliquer la résolution 1559» du Conseil de sécurité des Nations unies, ils ont également insisté sur le fait qu’ils resteraient «vigilants sur le calendrier des étapes à venir et, comme toute la communauté internationale, mobilisés». Tout aussi critique, la Maison Blanche –qui durant tout le week-end a martelé son intention de ne pas relâcher la pression sur Damas– a, de son côté, annoncé qu’elle souhaitait «de l’action et pas des mots» de la part de la Syrie. «La Syrie doit se retirer complètement et immédiatement du territoire libanais», a ainsi réaffirmé le porte-parole de George Bush, Scott McClellan, quelques heures après l’annonce du repli syrien.

Mais ces fortes pressions, exercées par la communauté internationale sur le régime de Bachar al-Assad, ont également contribué à radicaliser le clan des pro-Syriens au Liban, créant dans le pays un climat de tensions qui n’est pas sans inquiéter la population. Une trentaine de formations alliées de Damas ont ainsi appelé à «une manifestation de masse» mardi près de la Maison de l’ONU, à Beyrouth, pour «dénoncer la résolution 1559 –qui exige un retrait syrien du Liban ainsi que le désarmement de toutes les milices– et les ingérences étrangères». Ces formations, menées par le mouvement chiite du Hezbollah, entendent également affirmer «leur attachement à l’Etat et à la paix civile et exprimer leur reconnaissance à la Syrie» qui, selon elles, a largement contribué à mettre fin à la guerre civile qui a ravagé le pays pendant près de quinze ans. Mais soucieux d’éviter tout débordement dans la rue, le chef du Hezbollah, le cheikh Hassan Nasrallah, a tenu à souligner que la manifestation de mardi n’était «nullement dirigée contre l’opposition» qu’il a d’ailleurs appelée, non sans provocation, à se joindre au rassemblement. Toute manifestation armée «sera combattue avec force», a-t-il notamment souligné. Un engagement qui, s’il n’était pas tenu, risque de faire ressurgir le spectre d’une déstabilisation interne du Liban.     


par Mounia  Daoudi

Article publié le 07/03/2005 Dernière mise à jour le 07/03/2005 à 18:16 TU