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Syrie-Liban

Les pressions s’accentuent sur Damas

Le président Syrien, Bachar al-Assad, est reçu à Ryad par le prince héritier saoudien Abdallah.(Photo : AFP)
Le président Syrien, Bachar al-Assad, est reçu à Ryad par le prince héritier saoudien Abdallah.
(Photo : AFP)
Lâché par la Russie, son alliée traditionnelle, et par des pays arabes influents comme l’Arabie saoudite ou l’Egypte, le régime de Bachar al-Assad apparaît de plus en plus isolé dans l’affaire libanaise. Damas pourrait toutefois reprendre l’initiative en annonçant dès demain un retrait de ses soldats du pays du Cèdre. Le président syrien doit en effet s’adresser samedi au Conseil du peuple, le parlement pour «évoquer les développements politiques actuels».

Qu’il soit ou non derrière l’assassinat, le 14 février dernier, de l’ancien Premier ministre libanais, Rafic Hariri, le régime de Damas est aujourd’hui soumis à de très fortes pressions de la communauté internationale qui exige qu’il retire ses 14 000 soldats du Liban. Cette exigence semble désormais faire l’unanimité puisque même l’alliée traditionnelle de la Syrie, la Russie, a demandé l’application de la résolution 1559 du Conseil de sécurité que les Etats-Unis et la France avaient fait adopter en novembre dernier. Estimant que les autorités syriennes devaient se retirer du Liban, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a toutefois estimé que cette démarche devait être effectuée de manière prudente. «Nous devons tous faire attention à ce que ce retrait ne brise pas l’équilibre très fragile au Liban qui est un pays très compliqué du point de vue ethnique», a-t-il notamment insisté. Le ministre russe, qui a refusé de voir dans les pressions internationales s’exerçant sur la Russie une victoire de la position américaine, a estimé en outre qu’il s’agissait avant tout d’une décision du Conseil de sécurité. «C’est une résolution sur laquelle la Russie s’est abstenue, de même que cinq autres membres du Conseil ; mais elle a été adoptée et comme toute résolution du Conseil de sécurité, elle doit être mise en œuvre», a expliqué Sergueï Lavrov. 

Ce «lâchage» russe est d’autant plus difficile pour le régime de Bachar al-Assad que ce dernier peut difficilement se tourner vers les pays arabes influents de la région qui sont pour la plupart les alliés obligés des Etats-Unis. Parti en Arabie saoudite pour des consultations urgentes avec le prince héritier Abdallah Ben Abdelaziz, le président syrien s’est ainsi vu invité à retirer «rapidement» ses troupes du Liban. Les Syriens «savent ce qu’ils doivent faire. Ils doivent se retirer immédiatement. C’est ce que nous leur avons dit et c’est ce que le monde entier leur», a déclaré une source proche des autorités de Ryad. Un autre responsable saoudien, qui a également souhaité garder l’anonymat, a lui affirmé que le prince Abdallah avait exigé ce retrait «sans quoi, les relations syro-saoudiennes connaîtraient des difficultés». Signe du malaise de Damas, cette information a été formellement démentie par l’agence de presse officielle syrienne SANA qui a estimé que «le fait de ne pas citer le nom du responsable saoudien enlevait toute crédibilité à ces allégations». Sur le plan régional, toujours selon des sources saoudiennes, le prince héritier Abdallah aurait également expliqué au président syrien que la demande d’un tel retrait visait à «contenir la crise libanaise et à faire face aux pressions internationales exercées sur Damas et auxquelles les pays arabes ne peuvent s’opposer si les forces syriennes ne se retirent pas du Liban».

Discours samedi de Bachar al-Assad au parlement

L’entretien entre les deux hommes s’est d’ailleurs déroulé en présence du chef de la diplomatie saoudienne, le prince Saoud al-Fayçal, de retour de Charm al-Cheikh, en Egypte, où il a examiné avec le président Hosni Moubarak la possibilité d’un «compromis entre la résolution 1559 et l’accord de Taëf» pour résoudre cette crise. Alors que le document onusien demande le retrait des 14 000 soldats syriens, l’accord de Taëf, conclu en 1989 pour mettre fin à la guerre civile libanaise, régit lui la présence militaire syrienne au Liban. Il s’agit en quelque sorte de permettre au régime de Damas de sortir la tête haute de cette affaire même si in fine il doit retirer ses troupes du pays du Cèdre. Le porte-parole de la présidence égyptienne n’en a d’ailleurs pas fait mystère. «L’objectif de la coordination entre l’Egypte et l’Arabie saoudite est d’alléger la pression sur la Syrie», a notamment déclaré Souleimane Aouad.  

La crise libanaise a également été évoquée lors de la réunion préparatoire au sommet de la Ligue arabe prévu à Alger les 22 et 23 mars prochain même si cette question n’était pas à l’ordre du jour des travaux des chefs de la diplomatie arabes. Si les ministres se sont tous accordé sur la nécessité d’un retrait syrien, ils sont toutefois restés divisés sur les modalités de ce retrait. Les uns privilégient en effet un «solution arabe» dans le cadre de l’accord de Taëf tandis que d’autres penchent plutôt pour l’application de la résolution 1559. Le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa a saisi l’occasion pour faire valoir qu’il «n’existait aucune contradiction entre les accords arabes et le droit international et aucune opposition arabe aux résolutions de l’ONU».

C’est dans ce contexte de fortes pressions sur le régime de Damas que le président Bachar al-Assad doit s’adresser au Conseil du peuple, le parlement syrien pour «évoquer les développements politiques actuels». Selon un ministre libanais, qui s’est exprimé sous couvert d'anonymat, le chef de l’Etat syrien pourrait annoncer un redéploiement de ses troupes vers la plaine de la Bekaa, à l’est du Liban, conformément à l’accord de Taëf. Une information qui semble confirmée par les déclarations à Moscou du vice-ministre syrien des Affaires étrangères. Walid al-Mouallim a en effet annoncé vendredi qu'un plan de retrait par la Syrie de ses troupes du Liban serait «bientôt» révélé. «Je pense que vous entendrez bientôt parler de ce plan, d'un accord entre la Damas et Beyrouth», a-t-il précisé.


par Mounia  Daoudi

Article publié le 04/03/2005 Dernière mise à jour le 04/03/2005 à 18:18 TU