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Liban

L’opposition maintient sa pression

Le leader druze Walid Joumblatt, qui avait exigé la démission du président Lahoud renonce momentanément à sa demande pour maintenir la cohésion de l’opposition.(Photo : AFP)
Le leader druze Walid Joumblatt, qui avait exigé la démission du président Lahoud renonce momentanément à sa demande pour maintenir la cohésion de l’opposition.
(Photo : AFP)
Pour accepter de négocier la formation d’un nouveau gouvernement avec le pouvoir, l’opposition libanaise a posé des conditions draconiennes. La situation politique se complique au pays des cèdres.

De notre correspondant à Beyrouth

Trois jours après la démission du gouvernement d’Omar Karamé sous la pression combinée de la rue et de l’opposition parlementaire, la crise politique qui secoue le pays n’a toujours pas trouvé une issue. En apparence, l’opposition a présenté des concessions permettant de relancer le processus constitutionnel pour la formation d’un nouveau cabinet. Mais en réalité, elle maintient sa pression, dans la rue d’abord, en appelant les manifestants à poursuivre leur sit-in quotidien Place des Martyrs, non loin de la tombe de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, assassiné le 14 février, en politique ensuite, en présentant au pouvoir pro-syrien un «cahier des charges» préalable à toute négociation. La situation est donc loin d’être réglée.

Après la chute du gouvernement, présentée par l’opposition comme une première victoire vers le chemin de la libération totale, le leader druze Walid Joumblatt a haussé le ton. Il a réclamé la démission du président de la République, le général Emile Lahoud, dont la prorogation du mandat voulue par la Syrie en septembre dernier a été le déclencheur de la crise actuelle. Toutefois, le Patriarche maronite, considéré comme le chef spirituel des opposants chrétiens, a laissé entendre qu’il n’approuvait pas que la barre des revendications soit placée si haut. L’attitude du cardinal Nasrallah Sfeir a deux explications: d’abord, il craint un vide de pouvoir qui risque de plonger le pays dans un indescriptible chaos. Ensuite, par principe, il ne veut pas créer un précédent en réclamant le départ du président de la République, un maronite comme lui.

Pour maintenir la cohésion de l’opposition qui regroupe des partis de divers horizons politiques et confessionnels, Walid Joumblatt a accepté d’abandonner momentanément son exigence de la démission de Lahoud. Lors d’une réunion élargie mercredi soir dans le palais de Joumblatt dans la montagne druze, qu’il ne quitte plus par crainte d’être la cible d’un attentat, l’opposition a également abandonné une autre condition : l’identification et l’arrestation des auteurs de l’assassinat de Rafic Hariri en préalable à toute participation aux consultations parlementaires obligatoires pour le choix d’un nouveau Premier ministre. Mais elle a formulé une autre demande : le limogeage des chefs de tous les services de sécurité. L’opposition a décidé de dépêcher deux députés au palais présidentiel pour transmettre ses demandes au chef de l’État. C’est la première fois depuis la prorogation du mandat que les opposants acceptent de «parler» au président, ce qui confère à ce dernier, d’une manière indirecte, une certaine «légitimité». Ce geste pourrait être interprété comme un dégel de la situation.

Situation très complexe

Mais la réalité est beaucoup plus compliquée. Pour les milieux loyalistes, le limogeage des patrons des services de sécurité ainsi que du chef de la garde républicaine (un fidèle de Lahoud) est une condition rédhibitoire. Car la Constitution ne permet pas au président de la République de procéder à des destitutions qui sont du seul ressort du Conseil des ministres. Or depuis la démission de Karamé, le Liban est sans gouvernement. La solution serait de pousser ces officiers supérieurs à la démission. Chose peu probable, car cela signifierait que le pouvoir admet sa responsabilité dans l’assassinat de Rafic Hariri avant la fin de l’enquête en cours sous la supervision d’expert internationaux dépêchés par le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan. C’est la quadrature du cercle.

Théoriquement, les consultations peuvent commencer et le pouvoir dispose d’une majorité au Parlement. Mais le Premier ministre qui sera désigné ne bénéficiera de l’appui de l’opposition que si les conditions qu’elle a posées auront été satisfaites.

Les cartes se sont mélangées davantage après les révélations du journal As-Safir, ce jeudi, concernant l’attentat contre Rafic Hariri. Citant des sources judiciaires, le quotidien indique que les enquêteurs libanais et les experts internationaux, conduits par l’Irlandais Peter Fitzgerald, sont «désormais convaincus» que le convoi de l’ancien Premier ministre a été attaqué par un véhicule en mouvement. Avec à l’appui des photos satellites et des films vidéos pris par des caméras branchées dans le secteur, les enquêteurs seraient arrivés à déterminer la couleur et le type de la voiture, de marque allemande. Ils auraient aussi retrouvé une grande partie des débris du véhicule et essaient, actuellement, d’identifier un éventuel kamikaze.

Incertitudes politiques ; flou au niveau de l’enquête ; polarisation de l’opinion publique avec des pro-syriens qui commencent à mobiliser, à leur tour, leurs partisans comme le ministre de l’Intérieur, Sleimane Frangié, accueilli par des milliers de ses supporters au Liban-Nord. Le Liban est sur une poudrière.

par Paul  Khalifeh

Article publié le 03/03/2005 Dernière mise à jour le 03/03/2005 à 11:28 TU