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Liban

Les agressions contre les ouvriers syriens se multiplient

Depuis l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, les agressions à l'encontre des ressortissants syriens se multiplient au Liban.(Photo : AFP)
Depuis l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, les agressions à l'encontre des ressortissants syriens se multiplient au Liban.
(Photo : AFP)
Travailleurs syriens agressés, campements d’ouvriers incendiés, les actes violents et racistes contre les ressortissants syriens se multiplient depuis l’assassinat de Rafic Hariri. Effrayés, des dizaines de milliers de travailleurs syriens sont rentrés chez eux.

De notre correspondant à Beyrouth

Depuis l’assassinat, lundi 14 février, de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, il ne se passe plus un jour sans que des travailleurs syriens ne soient agressés au Liban. Cette vague de ressentiment anti-syrienne marquée par des dérapages à connotation fortement raciste est involontairement entretenue par la ferme conviction de l’opposition libanaise et d’une grande partie de l’opinion publique que la Syrie est responsable de la mort de l’ancien chef du gouvernement.

Depuis l’attentat, les ouvriers syriens qui travaillent en majorité dans les secteurs du bâtiment et de l’agriculture n’osent plus se mêler aux Libanais.

À Choueifat, une localité druze située à l’entrée sud de Beyrouth, un ressortissant syrien est mort après avoir été poussé par des inconnus du quatrième étage de l’immeuble en construction où il était employé comme maçon. A Saïda, la ville natale de Rafic Hariri, à 40 kilomètres au Sud de la capitale, des jeunes en colère qui sillonnent les rues ont attaqué à plusieurs reprises des groupes de travailleurs syriens. À Ménié, région sunnite du Nord-Liban, un campement d’ouvriers a été incendié et dans le Chouf des cabanes ont été saccagées.

Effrayés par cette hostilité grandissante, privés de toute protection, des milliers de Syriens ont fui les chantiers et les champs pour regagner leur pays. Depuis l’assassinat de Rafic Hariri, le poste-frontière de Masnaa en direction de la Syrie est embouteillé, alors que la route Damas-Beyrouth est déserte. Sur les 600 000 ouvriers syriens présents au Liban avant le 14 février, entre 80 et 100 000 auraient regagné leur pays et les mouvements de départs continuent. Dans le Chouf, fief du leader druze et principale figure de l’opposition Walid Joumblatt, il ne reste pratiquement aucun travailleur syrien. Sukleen, la société chargée du ramassage des ordures ménagères à Beyrouth et au Mont-Liban a engagé d’urgence des travailleurs indiens et sri-lankais pour résoudre le problème posé par le départ soudain des Syriens. Certains grands chantiers qui fonctionnaient grâce aux ouvriers syriens tournent maintenant au ralenti, d’autres se sont carrément arrêtés.

Appels à la retenue

Cette vague d’agressions xénophobes est tellement grave que Walid Joumblatt est intervenu en personne pour exhorter la population à ne pas s’en prendre aux travailleurs syriens. «Les ouvriers syriens ne sont pas responsables de ce qui s’est passé, a-t-il dit. N’ayez aucun attitude hostile à leur égard. Il y a une grande différence entre les travailleurs syriens et les membres des services de renseignements. Nous n’éprouvons pas de haine pour les ouvriers». D’autres responsables politiques de l’opposition ont également lancé des appels à la retenue.

Par ailleurs, trois Syriens ont décidé d’intenter un procès contre Walid Joumblatt «pour incitation à des actes de vengeance contre des citoyens syriens». L’artiste Bachar Ismaël, le journaliste Nidal Zaghbour et l’avocat Aksam Tawil veulent actionner la justice contre le chef druze libanais «pour diffamation et propagation d’informations mensongères en ayant accusé la Syrie publiquement et à plusieurs reprises d’être responsable de l’assassinat de Rafic Hariri».

Les «relations privilégiées» que la Syrie se vantaient d’avoir établi avec le Liban ces 25 dernières années se sont écroulées en mois d’une semaine. Entre les deux pays, le divorce paraît total aussi bien sur le plan politique que populaire.


par Paul  Khalifeh

Article publié le 23/02/2005 Dernière mise à jour le 23/02/2005 à 16:42 TU