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Liban-Syrie

Le régime de Damas sous pression

Lors des obsèques de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, de nombreux Libanais ont réclamé le départ des troupes syriennes de leur pays.(Photo : AFP)
Lors des obsèques de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, de nombreux Libanais ont réclamé le départ des troupes syriennes de leur pays.
(Photo : AFP)
Les funérailles de l’ancien Premier ministre libanais, Rafic Hariri assassiné lundi dans un attentat sanglant, ont été marquées par l’expression d’une violente contestation anti-syrienne. Les quelque 150 000 personnes qui y ont participé ont en effet ouvertement accusé Damas d’être responsable du carnage qui a coûté la vie à quatorze autres personnes et réclamé le départ des troupes syriennes. Qu’il soit ou non impliqué dans cette affaire, le régime de Bachar al-Assad est désormais au cœur de la tourmente, vilipendé d’une part par l’opposition libanaise et soumis d’autre part à de fortes pressions de la part de la communauté internationale, en particulier les Etats-Unis et la France.

On ne saura sans doute jamais qui a assassiné ou qui a ordonné l’élimination de Rafic Hariri. Mais une chose est sûre, depuis sa démission en octobre dernier, l’ancien Premier ministre –devenu une figure de l’opposition à la présence syrienne au Liban– représentait pour le régime de Damas un danger. Il n’est donc que légitime aux yeux de la population libanaise, soumise depuis près de trois décennies à la tutelle de son puissant voisin, d’accuser ce dernier d’être responsable de la disparition de l’homme qui commençait à incarner son souhait de recouvrer une pleine souveraineté. Les funérailles de l’ancien Premier ministre ont donc été l’occasion pour de nombreux Libanais, toutes confessions confondues, de dénoncer la mainmise syrienne sur la gestion des affaires de leur pays.

Et si la pression de la rue libanaise peut paraître préoccupante pour Damas sans toutefois l’affoler outre mesure –outre les 14 000 soldats présents dans le pays, le régime syrien dispose sur place de puissants services de renseignement et de relais dans la société– les réactions de la communauté internationale sont beaucoup plus problématiques pour le pouvoir de Bachar al-Assad. Réagissant à la mort de l’ancien Premier ministre, la France a la première demandé une enquête internationale sur l’attentat. La proposition de Paris a reçu le soutien de l’Union européenne et du Conseil de sécurité des Nations unies qui a été chargé de faire un rapport sur la mort de l’ancien chef du gouvernement. Seul chef d’état à avoir fait le déplacement à Beyrouth, Jacques Chirac a en outre eu des mots très durs, exigeant notamment que «toute la lumière soit faite sur un acte abominable et inqualifiable» et prenant surtout soin d’insister sur «l’idéal de souveraineté, d’indépendance et de liberté» que son ami Rafic Hariri incarnait. Un message clair à Damas et au gouvernement pro-syrien en place au Liban que le président français s’est fait un point d’honneur à ignorer lors de sa visite de quelques heures dans la capitale libanaise.

Vers de nouvelles sanctions contre Damas

Beaucoup plus intransigeante, l’administration Bush n’a pas hésité à rappeler son ambassadeur à Damas, Margaret Scobey, en consultations pour une période «indéfinie». Elle a également dépêché aux funérailles de Rafic Hariri son secrétaire d’Etat adjoint pour le Proche-Orient qui a bien insisté sur le fait qu’il ne fallait pas minimiser l’importance de ce rappel. «Mme Scobey a été rappelée pour des consultations urgentes en vue d’examiner les mesures qui pourraient être prises dans le cadre du Syrian accountability act and lebanese sovereignty», une loi qui a imposé des sanctions en mai dernier contre la Syrie, a-t-il précisé. William Burns, qui au cours de son séjour à Beyrouth s’est non seulement entretenu avec le chef de la diplomatie libanaise Mahmoud Hammoud mais également avec le patriarche maronite Nasrallah Sfeir, violent opposant à la tutelle de Damas, a publiquement demandé le retrait des troupes syriennes. «La mort de Rafic Hariri devrait renforcer l'élan pour un Liban libre, indépendant et souverain. Cela veut dire une application immédiate de la résolution 1559 du Conseil de sécurité et donc un retrait syrien immédiat et complet du Liban», a-t-il martelé à ses interlocuteurs.

A Washington, les responsables américains se sont lancés dans une vaste campagne de communication destinée à justifier en quoi la Syrie était aujourd’hui «un gros problème». La secrétaire d’Etat Condoleezza Rice a ainsi expliqué devant la commission des Affaires étrangères du Sénat que l’occupation du Liban n’était qu’une des causes d’un mécontentement «grandissant» de l’administration Bush. Elle a notamment cité le soutien de Damas à l’insurrection irakienne ou encore aux groupes terroristes. «Les Syriens doivent comprendre que les Etats-Unis prennent très au sérieux les activités menées à partir de leur territoire qui mettent nos forces en danger», a insisté Condoleezza Rice. Encore plus direct, le secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, a pour sa part estimé que l’attitude syrienne causait du tort à toute la région. «Ils détiennent des avoirs irakiens et refusent de les débloquer. Ils abritent des baassistes. Ils occupent le Liban. Ils facilitent, avec l'aide de l'Iran, l'entrée du Hezbollah au Liban et en Israël», a-t-il énuméré.

Les Etats-Unis ne cachent plus aujourd’hui leur intention d’accentuer la pression sur le régime syrien et espèrent que l’assassinat de l’ancien Premier ministre libanais contribuera à convaincre leurs alliés européens d’adopter une ligne plus dure envers le régime de Bachar al-Assad. Le président George Bush a d’ailleurs ouvertement affirmé jeudi qu’il allait discuter avec «ses amis européens», la semaine prochaine lors de sa visite sur le vieux continent, «pour voir comment nous pouvons travailler ensemble pour aider les Syriens à prendre des décisions raisonnables». Il a également réitéré l’appel à un retrait des troupes syriennes, soulignant que les autorités de Damas devaient s'abstenir de s'ingérer dans le processus devant conduire en mai prochain à des élections libres et honnêtes au Liban. Et si George Bush –qui a affirmé soutenir l’idée d’une enquête internationale proposée par la France– a affirmé qu'il était trop tôt pour se prononcer sur les responsabilités dans cet attentat, il n’a pas hésité à rappeler que le retour à Washington de l'ambassadeur américain à Damas était le signe que «la relation avec la Syrie ne progresse pas, et que ce pays est en décalage avec les progrès qui ont été réalisés dans le Grand Moyen-Orient». Autant dire que la Syrie n’est pas au bout de ses peines.


par Mounia  Daoudi

Article publié le 17/02/2005 Dernière mise à jour le 17/02/2005 à 18:16 TU