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Liban

Rafic Hariri tire sa révérence

Le Premier ministre libanais Rafic Hariri, démissionnaire, n'est pas candidat à sa propre succession. 

		(photo: AFP)
Le Premier ministre libanais Rafic Hariri, démissionnaire, n'est pas candidat à sa propre succession.
(photo: AFP)
Le Premier ministre libanais, Rafic Hariri, a annoncé mercredi sa démission et s’est excusé de ne pouvoir former le nouveau gouvernement. Il a imputé sa décision à des divergences politiques avec le président de la République, Émile Lahoud. Secoué par une double crise politique et économique, soumis à de fortes pressions internationales, le Liban traverse des temps difficiles.

De notre correspondant à Beyrouth

Rafic Hariri, l’homme qui a occupé le devant de la scène publique libanaise pendant douze ans, le businessman dont le nom est intimement lié à la reconstruction du pays, a tiré sa révérence, ce mercredi. Dans un communiqué publié par son cabinet après avoir présenté sa démission au président de la République Émile Lahoud, il a annoncé qu’il ne formerait pas le nouveau gouvernement. Sur un ton dramatique, ce leader sunnite qui a redonné un rôle de premier plan à sa communauté, a sous-entendu dans des termes vagues qu’il envisageait de quitter le Liban, laissant même planer le doute sur son avenir politique. Après quatre années de cohabitation mouvementée avec Émile Lahoud, dont dix-huit mois de crise ouverte, Rafic Hariri a baissé les bras. En se retirant, il reconnaît sa défaite devant l’homme qu’il a en vain essayé d’écarter du pouvoir, avant d’être contraint sous la pression de Damas d’appuyer la prorogation de son mandat. Une prorogation farouchement combattue par l’opposition et sévèrement critiquée par la résolution 1559 de l’Onu, adoptée le 2 septembre dernier par la Conseil de sécurité à l’initiative de la France et des États-Unis.   

Un pouvoir affaibli

Ce développement spectaculaire constitue le dénouement d’une crise politique aigue qui dure depuis début septembre. Attendue au lendemain de la prorogation du mandat Lahoud, la démission du gouvernement Hariri était sans cesse reportée. Pensant pouvoir négocier de bonnes conditions pour son maintien à la tête de l’exécutif en récompense à son soutien tardif mis décisif à la prorogation voulue par Damas, le Premier ministre s’est lancé dans des tractations ardues avec Émile Lahoud. Mais ce dernier, échaudé par quatre années de cohabitation infructueuses avec  Hariri, a tout fait pour le décourager. Lors de ses tête-à-tête avec lui, il multipliait les conditions rédhibitoires, opposant par exemple un veto à l’entrée de ses plus proches collaborateurs au gouvernement; fixant à l’avance les tâches du prochain cabinet comme pour mettre Hariri devant le fait accompli; ou encore, s’impliquant dans les dossiers économiques, chasse gardée du Premier ministre depuis plus de dix ans. En montrant à Rafic Hariri qu’une éventuelle nouvelle cohabitation serait difficile, le but d’Émile Lahoud était d’exaspérer son Premier ministre pour le pousser vers la sortie. Au bout de plusieurs semaines, la manœuvre a fini par donner ses fruits. Et c’est un Hariri amer et résigné qui a annoncé son départ.

En fait, les deux hommes ne se sont jamais bien entendus. Avant même qu’il ne soit élu président en 1998, alors qu’il était encore chef de l’armée, Émile Lahoud ne portait pas Hariri dans son cœur. Cette année-là, Hariri a été contraint de céder sa place à la tête du gouvernement à son principal rival à Beyrouth, Salim Hoss. Il est revenu au pouvoir deux ans plus tard, après avoir remporté haut la main les élections législatives. Et depuis que Lahoud et Hariri sont contraints de cohabiter, le pays est presque paralysé.

Aujourd’hui, une nouvelle étape semble ouverte. Le nouveau Premier ministre sera probablement Omar Karamé, un leader traditionnel sunnite du Liban-Nord qui s’entend bien avec Lahoud. Mais il sera appelé à gouverner dans des conditions particulièrement difficiles. En effet, jamais depuis la fin de la guerre civile, la représentativité du gouvernement n’aura été aussi faible. Le chef druze Walid Joumblatt, l’opposition chrétienne et un certains nombre de personnalités indépendantes, ont d’ores et déjà annoncé qu’ils boycotteraient les consultations parlementaires pour la désignation du futur Premier ministre et pour la formation du gouvernement. Sans l’appui de la majorité des Druzes, d’une bonne partie des chrétiens et, avec le départ de Hariri, d’un pourcentage non négligeable de sunnites, le pouvoir libanais se retrouve bien seul. Ces conditions délicates ajoutées aux pressions internationales initiées par la France et les Etats-Unis, on comprend que les jours qui attendent le régime pro-syrien à Beyrouth ne seront pas de tout repos.



par Paul  Khalifeh

Article publié le 21/10/2004 Dernière mise à jour le 21/10/2004 à 06:43 TU