Liban
Damas retire des troupes sous la pression
(Photo: AFP)
De notre correspondant à Beyrouth
Contrairement aux trois précédents replis syriens depuis l’an 2001, cette fois-ci la discrétion n’était pas de mise. Le redéploiement a été confirmé à l’issue d’une réunion tenue sous les objectifs des caméras, à Beyrouth, entre les ministres libanais et syrien de la Défense en présence d’importantes délégations militaires des deux pays. C’est que la Syrie, étroitement surveillée par la communauté internationale, a voulu donner au monde un gage de bonne volonté en montrant sa disposition à satisfaire partiellement certaines exigences formulées dans la résolution 1559. Adopté par le Conseil de sécurité le 2 septembre dernier à l’instigation des États-Unis et de la France, ce texte prévoit, entre autres, le retrait des troupes étrangères du Liban (comprendre syriennes) et le désarmement des milices libanaises et non libanaises, c'est-à-dire le Hezbollah et les organisations palestiniennes. Trente jours après la date de l’adoption de la résolution, le secrétaire général des Nations unies doit faire le point de la situation dans un rapport adressé au Conseil. C’est justement pour atténuer le ton du rapport de Kofi Annan que le redéploiement a été décidé.
Ce sont plusieurs centaines de soldats (Selon diverses sources entre 1 000 et 4 000 sur les 17 000 encore présents au Liban), qui sont concernés par cette mesure. Les préparatifs de ce repli ont commencé mardi et des témoins ont aperçu des soldats en train de démonter des positions et ranger du matériel militaire. Mais les mouvements significatifs des troupes ne commenceront que ce mercredi et dureront entre trois et quatre jours. Ce redéploiement concerne toutes les positions syriennes encore présentes autour de Beyrouth et dans le Mont-Liban à majorité chrétienne. Les postes de Damour, Aramoun, Doha, Khaldé (au sud de la capitale) Bologne, Dhour Choueir et Aley (à l’est), seront ainsi démantelés et évacués. Des positions au Liban-Nord seront également abandonnées. Certaines unités rentreront directement en Syrie, d’autres seront redéployées dans la plaine de la Bekaa non loin de la frontière.
L’opposition sceptique
Les premières réactions de l’opposition sont plutôt sceptiques. Le parti du député Nassib Lahoud a ainsi qualifié ce repli de «timide», soulignant que de toute façon, c’est plus la fin des ingérences politiques syriennes dans les affaires internes libanaises que le départ des troupes de Damas qui est souhaité. D’autres milieux ont estimé que ce premier pas doit être suivi d’autres mesures, comme le déploiement de l’armée libanaise à la frontière avec Israël, prélude au désarmement du Hezbollah et des camps palestiniens. Or pour l’instant, la Syrie n’a émis aucun signal montrant qu’elle était prête à aller aussi loin dans ses concessions.
Visiblement, les autorités syriennes n’en sont encore qu’au stade des concessions calculées dont le principal objectif est de faire baisser les fortes pressions auxquelles elle est soumise. Son souci est d’essayer de satisfaire les États-Unis et de donner une plus grande marge de manœuvres à ses alliés et amis au Conseil de sécurité (Russie et Chine) en prévision du deuxième round du bras de fer qui doit commencer au lendemain du rapport de Kofi Annan. Dans la même optique, le régime syrien avait déjà jeté du lest dans le dossier irakien. A l’issue de la récente visite à Damas du secrétaire d’État adjoint William Burns, la Syrie avait accepté de renforcer le contrôle de sa frontière avec l’Irak. Une commission militaire tripartite (syro-irako-américaine) a été formée et des patrouilles mixtes surveillent la frontière à travers laquelle Washington pense que des combattants anti-américains s’infiltrent en Irak. Et le fait que ce soit l’ambassadeur syrien aux États-Unis qui ait annoncé l’imminence du redéploiement au Liban est très significatif: le souci de Damas est de faire un geste qui serait apprécié à Washington.
Entre-temps, la Syrie conserve toujours ses cartes maîtresses, le Hezbollah et les Palestiniens. Des cartes qui font d’elle un joueur essentiel sur l’échiquier proche-oriental. Mais jusqu’à quand ?par Paul Khalifeh
Article publié le 22/09/2004 Dernière mise à jour le 23/09/2004 à 15:59 TU