Syrie
Powell attend des actes de Damas
Arrivé vendredi soir dans la capitale syrienne, le secrétaire d’État américain veut que la Syrie tire les conséquences de la guerre en Irak.
De notre envoyé spécial à Damas
Après la victoire militaire des États-Unis en Irak, la Syrie se sent dans le collimateur de Washington. Ces derniers jours, les responsables américains ont multiplié les avertissements et les menaces contre le régime baasiste de Damas. Avant son départ vers le Proche-Orient, Colin Powell, le secrétaire d’État américain, avait déclaré que «la communauté internationale était en train de perdre patience avec les pays qui soutiennent le terrorisme, qui continuent de chercher à obtenir des armes de destruction massive et qui ne veulent pas de bien à leurs voisins». Un message on ne peut plus clair destiné à la direction syrienne.
«M. Powell peut nous soumettre des idées dans le cadre d’un dialogue mais nous ne répondrons pas à des exigences», lui a rétorqué Farouk Al-Chareh, le chef de la diplomatie syrienne ajoutant que le secrétaire d’État serait accueilli dans la capitale syrienne «avec plaisir et l’hospitalité qu’il convient». En coulisses, les responsables syriens ne se font guère d’illusions. Colin Powell ne vient pas à Damas pour échanger des politesses, mais «punir» la Syrie pour ses positions antiguerre.
La liste des griefs américains est longue : présence d’organisations palestiniennes radicales (Hamas, Jihad islamique et FPLP-CG d’Ahmed Jibril) considérées comme terroristes par le département d’État, soutien logistique au Hezbollah libanais, entrave au processus de paix israélo-arabe, occupation militaire du Liban et atteinte aux droits de l’homme.
«Les Syriens devront aller à Canossa et ne pourront pas refuser les changements, analyse un diplomate. Ils diront oui à presque tout, c’est une question de survie pour le régime. Pour les Américains, la Syrie doit rester dans son pré-carré. Plus question pour elle d’intervenir dans les affaires de ses voisins. Les États-Unis veulent lui couper ses ramifications régionales, notamment via le Hezbollah et les groupes palestiniens radicaux.»
Des gages de bonne volonté
Pragmatique, la direction syrienne a bien compris le message. Déjà mercredi dernier, Farouk Al-Chareh a réuni les responsables des organisations palestiniennes radicales. «Il leur a demandé de geler leurs activités, de ne plus publier de communiqués ou de donner des interviews à la presse à partir de Damas», explique Anouar Abdel Hadi, représentant du Fatah et de l’Autorité palestinienne en Syrie. Sentant le vent tourner, ces organisations avaient déjà anticiper la demande syrienne et adopté un profil bas.
Damas a pourtant donné des gages de bonne volonté à Washington en fermant sa frontière avec son voisin oriental le 5 avril dernier et en demandant aux Irakiens, qui s’étaient réfugiés avant et pendant les premiers jours du conflit, de quitter son territoire. Le retour en Irak de Sajida, la première femme de Saddam Hussein, et de ses trois filles Hala, Raghad et Rana, s’est négocié sous la pression des États-Unis et ressemble plus à une expulsion. «Contrairement aux affirmations américaines, aucun cadre important du régime irakien n’a été accueilli par la Syrie», affirme un analyste politique local.
Sur le dossier des armes de destruction massive, «les argument américains sont peu convaincants, affirme un expert militaire. J’ai l’intime conviction que les Syriens ont fait le choix stratégique de se débarrasser de leurs armes chimiques depuis déjà quelques années. Il s’agit de stocks datant de l’ère soviétique. L’entretien de cet arsenal est très coûteux et maintenir le doute sur leur possession peut être encore dissuasif et certainement plus économique».
Sous pression, la Syrie conserve encore une étroite marge de manœuvre. Contrairement à l’Irak de Saddam Hussein, le pays n’est pas sous embargo et ne figure pas sur «l’axe du mal» de Georges Bush. Son économie, peu intégrée dans les flux commerciaux et financiers internationaux, serait faiblement affectée par la mise en place d’éventuelles sanctions décidées par la Maison-Blanche. Les échanges entre les États-Unis et la Syrie ne dépassent pas les 300 millions de dollars annuels. A titre de comparaison, le commerce syro-irakien avait atteint ces dernières années 2 milliards de dollars. Enfin, son faible endettement l’a rend moins vulnérable aux pressions des bailleurs de fonds internationaux.
Bref, avec son économie étatisée, la Syrie peut faire le dos rond quelques temps. Sur le plan politique, même si elle perd sa capacité de nuisance et d’interférence dans les affaires régionales, la direction syrienne sait aussi que le processus de paix israélo-palestinien et israélo-arabe sera difficile à remettre en route et que la stabilisation de l’Irak comporte de nombreux pièges pour les Américains.
«Le seul espoir de Damas à court terme consiste à parier sur un enlisement américain à Bagdad et sur une impasse des négociations entre Israéliens et Palestiniens» , analyse un diplomate, qui rappelle cette réflexion d’Henry Kissinger dans les années 70 : «les Arabes ne peuvent faire la guerre contre Israël sans l’Égypte, mais il ne peuvent pas conclure la paix sans la Syrie». Pour combien de temps encore ?
Après la victoire militaire des États-Unis en Irak, la Syrie se sent dans le collimateur de Washington. Ces derniers jours, les responsables américains ont multiplié les avertissements et les menaces contre le régime baasiste de Damas. Avant son départ vers le Proche-Orient, Colin Powell, le secrétaire d’État américain, avait déclaré que «la communauté internationale était en train de perdre patience avec les pays qui soutiennent le terrorisme, qui continuent de chercher à obtenir des armes de destruction massive et qui ne veulent pas de bien à leurs voisins». Un message on ne peut plus clair destiné à la direction syrienne.
«M. Powell peut nous soumettre des idées dans le cadre d’un dialogue mais nous ne répondrons pas à des exigences», lui a rétorqué Farouk Al-Chareh, le chef de la diplomatie syrienne ajoutant que le secrétaire d’État serait accueilli dans la capitale syrienne «avec plaisir et l’hospitalité qu’il convient». En coulisses, les responsables syriens ne se font guère d’illusions. Colin Powell ne vient pas à Damas pour échanger des politesses, mais «punir» la Syrie pour ses positions antiguerre.
La liste des griefs américains est longue : présence d’organisations palestiniennes radicales (Hamas, Jihad islamique et FPLP-CG d’Ahmed Jibril) considérées comme terroristes par le département d’État, soutien logistique au Hezbollah libanais, entrave au processus de paix israélo-arabe, occupation militaire du Liban et atteinte aux droits de l’homme.
«Les Syriens devront aller à Canossa et ne pourront pas refuser les changements, analyse un diplomate. Ils diront oui à presque tout, c’est une question de survie pour le régime. Pour les Américains, la Syrie doit rester dans son pré-carré. Plus question pour elle d’intervenir dans les affaires de ses voisins. Les États-Unis veulent lui couper ses ramifications régionales, notamment via le Hezbollah et les groupes palestiniens radicaux.»
Des gages de bonne volonté
Pragmatique, la direction syrienne a bien compris le message. Déjà mercredi dernier, Farouk Al-Chareh a réuni les responsables des organisations palestiniennes radicales. «Il leur a demandé de geler leurs activités, de ne plus publier de communiqués ou de donner des interviews à la presse à partir de Damas», explique Anouar Abdel Hadi, représentant du Fatah et de l’Autorité palestinienne en Syrie. Sentant le vent tourner, ces organisations avaient déjà anticiper la demande syrienne et adopté un profil bas.
Damas a pourtant donné des gages de bonne volonté à Washington en fermant sa frontière avec son voisin oriental le 5 avril dernier et en demandant aux Irakiens, qui s’étaient réfugiés avant et pendant les premiers jours du conflit, de quitter son territoire. Le retour en Irak de Sajida, la première femme de Saddam Hussein, et de ses trois filles Hala, Raghad et Rana, s’est négocié sous la pression des États-Unis et ressemble plus à une expulsion. «Contrairement aux affirmations américaines, aucun cadre important du régime irakien n’a été accueilli par la Syrie», affirme un analyste politique local.
Sur le dossier des armes de destruction massive, «les argument américains sont peu convaincants, affirme un expert militaire. J’ai l’intime conviction que les Syriens ont fait le choix stratégique de se débarrasser de leurs armes chimiques depuis déjà quelques années. Il s’agit de stocks datant de l’ère soviétique. L’entretien de cet arsenal est très coûteux et maintenir le doute sur leur possession peut être encore dissuasif et certainement plus économique».
Sous pression, la Syrie conserve encore une étroite marge de manœuvre. Contrairement à l’Irak de Saddam Hussein, le pays n’est pas sous embargo et ne figure pas sur «l’axe du mal» de Georges Bush. Son économie, peu intégrée dans les flux commerciaux et financiers internationaux, serait faiblement affectée par la mise en place d’éventuelles sanctions décidées par la Maison-Blanche. Les échanges entre les États-Unis et la Syrie ne dépassent pas les 300 millions de dollars annuels. A titre de comparaison, le commerce syro-irakien avait atteint ces dernières années 2 milliards de dollars. Enfin, son faible endettement l’a rend moins vulnérable aux pressions des bailleurs de fonds internationaux.
Bref, avec son économie étatisée, la Syrie peut faire le dos rond quelques temps. Sur le plan politique, même si elle perd sa capacité de nuisance et d’interférence dans les affaires régionales, la direction syrienne sait aussi que le processus de paix israélo-palestinien et israélo-arabe sera difficile à remettre en route et que la stabilisation de l’Irak comporte de nombreux pièges pour les Américains.
«Le seul espoir de Damas à court terme consiste à parier sur un enlisement américain à Bagdad et sur une impasse des négociations entre Israéliens et Palestiniens» , analyse un diplomate, qui rappelle cette réflexion d’Henry Kissinger dans les années 70 : «les Arabes ne peuvent faire la guerre contre Israël sans l’Égypte, mais il ne peuvent pas conclure la paix sans la Syrie». Pour combien de temps encore ?
par Christian Chesnot
Article publié le 03/05/2003