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Syrie

Damas dans la ligne de mire des faucons du Pentagone

Les Etats-Unis ont-ils l’intention de conforter leur théorie des «dominos démocratiques» selon laquelle le changement du régime à Bagdad devrait avoir un effet de contagion positif sur les pays voisins ? Les mises en garde répétées et les menaces à peine voilées à la Syrie pourraient le laisser penser. Mais c’est sans compter le chaos qui règne aujourd’hui à Bagdad. Et si l’administration Bush a eu le triomphe discret après la chute du régime de Saddam Hussein, c’est sans doute qu’elle a visiblement pris conscience des difficultés qui l’attendent en Irak. Et dans ce contexte les accusations portées contres les autorités syriennes pourraient n’être destinées qu’à calmer les ardeurs de Damas à encourager la résistance du peuple irakien contre «l’occupation» des troupes américano-britanniques.
Les autorités syriennes ont attendu 24 heures avant de commenter officiellement la chute du régime de Saddam Hussein. Dans un communiqué du ministère des Affaires étrangères, Damas s’est ainsi appliqué à appeler la communauté internationale à tout mettre en œuvre pour permettre au peuple irakien de «choisir librement» ses dirigeants, condamnant ouvertement le plan des Américains d’installer une administration militaire pour gérer l’après-Saddam. «Dans ces circonstances dangereuses», souligne également ce texte, la Syrie appelle à «déployer tous les efforts pour mettre fin à l’occupation et remédier à la situation catastrophique qui découle de l’agression» américano-britannique. Cette position a d’ailleurs été confirmée dès vendredi matin par le président Bachar al-Assad en personne lors d’un entretien téléphonique avec le secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan. «Le retrait des forces d’occupation, lui a-t-il notamment affirmé, permettrait au peuple irakien de décider de son sort et c’est le seul moyen pour bâtir un avenir meilleur».

Mais curieusement et alors qu’elles sont la cible d’accusations graves de la part des faucons de l’administration Bush, les autorités de Damas se sont bien gardées de faire le moindre commentaire à ce sujet. Après avoir en effet accusé dès le 12 mars Damas de posséder des armes de destruction massive, Washington s’est ensuite attaqué à l’attitude des autorités syriennes jugée hostile dès le début de l’offensive américano-britannique. Le secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, avait ainsi affirmé que des équipements militaires, comprenant notamment des lunettes à vision nocturne, avaient été livrés depuis la Syrie à l’armée irakienne. «Nous considérons ce trafic comme un acte hostile et nous ferons porter sa responsabilité au gouvernement syrien», avait-il souligné. Le chef du Pentagone avait ensuite violemment critiqué la position de la Syrie, accusée d’être une plaque tournante pour les volontaires arabes venus apporter leur soutien au régime irakien. Il a enfin récemment mis en cause directement les autorités syriennes en affirmant qu’elles aidaient des partisans de Saddam Hussein à s’enfuir d’Irak. «Certaines de ces personnes sont restées en Syrie où elles ont trouvé refuge et d’autres l’ont quittée pour rallier d’autres pays», a-t-il soutenu.

Un nouveau pays pour l’axe du mal

Bien avant le déclenchement de l’offensive américano-britannique, la Syrie, traditionnellement accusée de soutenir le terrorisme, était déjà dans le collimateur des Etats-Unis. Il est vrai qu’elle a été le seul pays arabe, de surcroît membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, à ouvertement s’opposer à une guerre en Irak. Elle a en outre soutenu le régime de Bagdad et a appelé la population irakienne à résister aux troupes de la coalition. Damas a par ailleurs accueilli les plus importantes manifestations du monde arabo-musulman condamnant «l’agression du peuple irakien frère». Et plus grave encore aux yeux de Washington, le grand mufti de Damas, en accord avec les autorités, a appelé à la guerre sainte, provoquant le départ de nombreux combattants arabes depuis la Syrie vers l’Irak, mettant en danger la vie des soldats de la coalition. Ces positions ont naturellement provoqué la colère des autorités américaines. Et depuis le début du conflit des accusations plus graves les unes que les autres pleuvent sur le pouvoir syrien au point où certains estiment que la Maison Blanche a désormais trouvé un nouveau pays pour remplacer l’Irak dans sa classification de l’axe du mal.

Après la chute du régime de Saddam Hussein, certains responsables américains n’ont en effet pas hésité, dans une menace à peine voilée, à conseiller à la Syrie de retenir la leçon irakienne. «C’est une excellente occasion pour le régime de Damas d’abandonner la recherche d’armes de destruction massive», a ainsi souligné John Bolton, le sous-secrétaire d’Etat américain chargé des armements et de la sécurité internationale. Plus radical encore, le numéro 2 du Pentagone, Paul Wolfowitz, a lui jugé «nécessaire un changement de régime» en Syrie. Encouragés par le triomphe de la coalition à Bagdad, certains faucons du Pentagone envisagent sérieusement de pousser les troupes américaines jusque Damas. Mais il est toutefois peu probable que George W. Bush, déjà en pré-campagne présidentielle, accepte d’ouvrir un nouveau front militaire. D’autant plus que le chantier de la démocratie en Irak qu’il s’est engagé à mener jusqu’au bout est loin d’être achevé. Certains prédisent d’ailleurs que le chaos qui prévaut aujourd’hui en Irak pourrait très vite entacher la victoire de la coalition.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 11/04/2003