Liban
La mort de Hariri : un défi à Paris
(Photo : AFP)
Les relations qu’entretenait Jacques Chirac avec l’ancien Premier ministre libanais, assassiné lundi dans un attentat meurtrier qui a coûté la vie à quatorze autres personnes, ne sont un secret pour personne. Rafic Hariri était en effet l’une des rares personnalités à être reçu en ami à l’Elysée, que sa venue soit inscrite ou non sur l’agenda officiel du palais présidentiel. Aussi lorsque la Syrie –de plus en plus isolée sur la scène internationale et directement menacée par la présence de quelque 150 000 soldats américains sur le sol de son voisin irakien– a cherché à resserrer son emprise sur le Liban en imposant notamment le maintien au sommet de l’Etat de son homme de main, le général Emile Lahoud, la France s’est-elle naturellement rangée aux côtés de son plus proche allié. Paris n’a en effet pas hésité à mettre de côté ses désaccords avec l’administration Bush pour faire adopter par le Conseil de sécurité des Nations unies une résolution réclamant explicitement le retrait des troupes syriennes et la fin de l’ingérence de Damas dans les affaires intérieures de son petit voisin. A Beyrouth, l’affaire était d’ailleurs entendue. Seules les amitiés parisiennes de Rafic Hariri avaient permis le vote d’un tel texte qui contribuait à accentuer un isolement sans précédent de Damas.
Les rapports entre Paris et Damas n’ont pourtant pas toujours été aussi mauvais. Ainsi, lorsqu’en avril 1996, Israël lançait son opération Raisins de la colère destinée à détruire les infrastructures du Hezbollah au Sud-Liban, les liens privilégiés qu’entretenait alors le président Chirac et l’ancien homme fort de la Syrie, Hafez al-Assad, avaient permis de dénouer la crise. La promptitude à réagir du gouvernement français –le chef de l’Etat avait immédiatement dépêché à Beyrouth son chef de la diplomatie Hervé de Charrette avec pour mission d’arracher un cessez-le-feu– n’avait pu qu’être encouragée à l’époque par l’identité du locataire du Sérail, le siège des bureaux du Premier ministre libanais, qui n’était autre que Rafic Hariri. Le succès diplomatique remporté par Paris dans cette affaire est indéniable puisque non seulement la France réussissait à imposer un cessez-le-feu aux deux parties mais elle s’impliquait également personnellement dans la surveillance de son application, co-présidant avec les Etats-Unis la commission mise en place dans ce cadre. L’accord signé à cette époque n’a donc fait que renforcer les liens déjà étroits avec le Liban.
Un soutien économique très appuyéToujours sous l’impulsion de Jacques Chirac, la France ne ménagera pas non plus ses efforts pour soutenir la reconstruction du Liban, ravagé par quinze années de guerre civile. Le chef de l’Etat présidera ainsi à l’Elysée deux conférences, Paris I en février 2001 et Paris II en novembre 2002, destinées toutes deux à soutenir les efforts de son ami Rafic Hariri. «Nous parions sur l’avenir», avait-il déclaré lors de ces rencontres auxquelles avaient participé des dirigeants européens et internationaux ainsi que des institutions financières. D’importantes aides avaient pu être débloquées pour tenter de redresser l’économie du pays du cèdre alors au bord de la faillite.
Parallèlement à son soutien au Liban, la France tentera de renforcer ses relations avec la Syrie en l’encourageant à engager des réformes dans la perspective de l’accord d’association avec l’Union européenne. Jacques Chirac ne ménagera notamments pas ses efforts pour briser l’isolement où cherchaient à l’enfermer les Etats-Unis en se rendant notamment aux obsèques de Hafez al-Assad –il a été l’un des seuls chefs d’Etat occidentaux à faire le déplacement– ou encore en recevant en visite officielle en France, son fils et successeur, Bachar. La déception de Paris n’en sera que plus grande lorsque rejetant la main tendue, le régime de Damas cherchera à renforcer sa tutelle sur le Liban. La décision syrienne de faire amender par les députés libanais leur constitution pour maintenir à son poste l’actuel président, le général Emile Lahoud, mettra le feu aux poudres, entraînant le vote par le Conseil de sécurité, sur proposition de la France et des Etats-Unis de la résolution 1559.
Aujourd’hui avec la disparition de Rafic Hariri, qui depuis quelques mois avait rejoint les rangs de l’opposition pour réclamer ouvertement le départ des troupes syriennes, Paris perd un allié majeur dans la région. Mais la France ne renoncera sans doute pas pour autant à aider le Liban à recouvrer sa souveraineté surtout maintenant que cette opposition présente pour la première fois de son histoire une image fédérée. Druzes, chiites, chrétiens et sunnites parlent en effet désormais d’une seule voix et réclament aujourd’hui non seulement la démission du gouvernement mais aussi la fin de la tutelle de Damas.
par Mounia Daoudi
Article publié le 15/02/2005 Dernière mise à jour le 15/02/2005 à 18:42 TU