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Liban

L’opposition dans la rue

Les dizaines de milliers de manifestants présents à Beyrouth aujourd'hui scandaient des slogans hostiles à la Syrie et portaient des écharpes rouges et blanches, couleurs inspirées du drapeau libanais et devenues depuis la semaine dernière celles de l’opposition.(Photo : AFP)
Les dizaines de milliers de manifestants présents à Beyrouth aujourd'hui scandaient des slogans hostiles à la Syrie et portaient des écharpes rouges et blanches, couleurs inspirées du drapeau libanais et devenues depuis la semaine dernière celles de l’opposition.
(Photo : AFP)
Des dizaines de milliers de libanais ont envahi les rue de Beyrouth à l’appel de l’opposition pour dénoncer l’assassinat de Rafic Hariri et réclamer le départ des troupes syriennes. Aucun incident n’a été enregistré mais la situation politique reste très complexe.
De notre correspondant à Beyrouth

On craignait le pire, ça s’est finalement bien passé. La première grande manifestation organisée à l’appel de l’opposition libanaise après l’assassinat de l’ancien président du Conseil, Rafic Hariri, s’est déroulée dans le calme. Des dizaines de milliers de personnes ont défilé dans le centre de Beyrouth en scandant des slogans hostiles à la Syrie sous l’œil vigilant de centaines de policiers et de soldats. Aucun incident n’est venu troubler cette marche pacifique, partie de l’endroit où s’est produit l’attentat pour s’achever devant la tombe de l’ancien chef du gouvernement, tué avec sept de ses gardes du corps et une dizaine de passants dans l’explosion d’une puissante charge piégée au passage de son convoi, lundi 14 février.

Les manifestants, pour la plupart des jeunes de différentes communautés venus de tout le Liban, scandaient des slogans hostiles à la Syrie au son de tambours. Portant des écharpes rouges et blanches, couleurs inspirées du drapeau libanais et devenues depuis la semaine dernière celles de l’opposition, les manifestants brandissaient des drapeaux nationaux, de leur parti politique ou des portraits des personnalités assassinées pendant la guerre civile (1975-1990), comme Kamal Joumblatt, le père de l’actuel chef druze Walid Joumblatt, ou Béchir Gemayel, l’ancien président de la République tué en septembre 1982, deux semaines après son élection.

«La Syrie dehors!», «Assez de sang, laissez-nous en paix !», hurlaient les manifestants. Sur d’immenses banderoles, on pouvait lire: «Nous ne voulons plus de vous», «Indépendance», ou encore : «Oui à la 1559», en allusion à la résolution votée par le Conseil de sécurité sur l’initiative de la France et des États-Unis, le 2 septembre 2004, et réclamant le retrait des troupes syriennes.

La manifestation s’est ébranlée à 13 heures locales, l'heure à laquelle la bombe a détruit le convoi blindé de Rafic Hariri. Après avoir observé une minute de silence à la mémoire des «martyrs», les jeunes ont entonné l'hymne national libanais. Arrivée devant le siège des Nations unies, à moins d’un kilomètre de la tombe de Rafic Hariri, un groupe de manifestants a transmis un message au secrétaire général de l’Onu, Kofi Annan, réclamant le départ des troupes syriennes et la formation d’une commission internationale d’enquête pour faire la lumière sur l’attentat encore inexpliqué. Ils ont ensuite rallié la tombe sur la place des Martyrs, où tous les jours, depuis l’attentat, des milliers de personnes viennent se recueillir.

La tension politique baisse

Dans la matinée, une quarantaine de député de l’opposition, installés sur le perron du Parlement, ont bloqué l’accès à leurs collègues venus participer à une réunion des Commissions parlementaires conjointes consacrée à l’examen du projet de loi électorale. Après avoir décrété, vendredi dernier, «l’intifada de l’Indépendance», l’opposition avait réclamé la suspension de tout débat législatif à la Chambre et la tenue d’une séance extraordinaire pour débattre de l’attentat. Trois parlementaires proches du pouvoir pro-syrien ont fait défection et ont rejoint les rangs de l’opposition. Le président de la Chambre, Nabih Berri, un allié de Damas, a finalement reçu une délégation des contestataires. Après un entretien d’une heure, il a donné satisfaction à l’opposition et a suspendu tous les débats législatifs et convoqué, pour le lundi 28 février, une séance plénière.

Cette concession a permis de détendre un peu le lourd climat politique et de calmer les esprits chauffés à blanc.

Parallèlement, une délégation du front loyaliste sera reçu dans les prochains jours par le Patriarche maronite Nasrallah Sfeir, considéré comme le chef spirituel de l’opposition, pour lui demander d’intervenir afin d’initier un débat entre les différents protagonistes.

Enfin, la décision du gouvernement de coopérer avec la commission internationale d’experts, formée par Kofi Annan, répond à certaines exigences de l’opposition qui fait assumer au pouvoir libanais et à la Syrie «la responsabilité» de l’assassinat de Rafic Hariri. Elle a contribué à décrisper une situation politique qui reste, malgré tout, extrêmement complexe.


par Paul  Khalifeh

Article publié le 21/02/2005 Dernière mise à jour le 21/02/2005 à 18:07 TU