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Syrie-Liban

Bachar al-Assad dit vouloir retirer son armée

Le président syrien Bachar al-Assad, devant le Conseil du peuple, annonce le retrait total mais progressif de ses troupes du Liban.(Photo : AFP)
Le président syrien Bachar al-Assad, devant le Conseil du peuple, annonce le retrait total mais progressif de ses troupes du Liban.
(Photo : AFP)
Le chef de l’Etat syrien Bachar al-Assad a annoncé le retrait total mais progressif de ses troupes du Liban. Une décision importante qui intervient alors que Damas est soumis à de fortes pressions arabes et internationales et que le Liban traverse un grave crise politique.

De notre correspondant à Beyrouth

Quinze ans après la fin de la guerre civile, et avec treize années de retard sur le calendrier prévu par l’accord de Taëf qui a mis fin aux combats, la Syrie a annoncé le retrait total mais progressif de ses troupes du Liban. Elle répond ainsi à la principale revendication de l’opposition libanaise qui mobilise ses partisans quotidiennement depuis l’assassinat de l’ancien Premier ministre, Rafic Hariri, tué le 14 février dans une attaque à l’explosif contre son convoi.

Soumis à d'intenses pressions internationales et arabes, le président Bachar al-Assad a annoncé cette décision lors d’une intervention devant le Conseil du peuple (Parlement) au cours de laquelle il a résumé les développements au Proche-Orient depuis la chute de Bagdad, en avril 2003. Fait inhabituel, son discours, en partie improvisé, était retransmis en direct sur des écrans géants placés devant le Parlement où des milliers de personnes s’étaient rassemblées pour lui apporter leur soutien.

L’annonce d’un retrait du Liban était attendu par les observateurs. Le vice-ministre syrien des Affaires étrangère, Walid Moallem, l’a laissé entendre la veille lors d’une visite à Moscou où il a visiblement obtenu l’appui des autorités russes au plan syrien. Mais personne n’imaginait que le président Assad annoncerait un retrait total en deux temps, dont les détails seront discutés lors d’une réunion avec le président libanais Emile Lahoud en début de semaine.

Damas acculé

Acculé, Damas n’avait d’autres choix que de prendre cette décision difficile, même si Bachar al-Assad a affirmé que son pays n’avait pas cédé aux pressions. Mais il a quand même reconnu que la présence de son armée au Liban était de plus en plus mal perçue par la population libanaise. «Nous ne pouvons plus rester au Liban si notre présence devient une source de division entre les Libanais»,a-t-il dit avant d’ajouter que cette mesure reviendra pour Damas à se conformer aux exigences de l’accord de Taëf et de la résolution 1559 des Nations unies. «Mais ne vous faites pas d’illusions, dès que j’aurais terminé mon discours ils diront que ce que nous avons proposé n’est pas suffisant», a-t-il déclaré aux députés. Et il n’avait pas tort. Washington et Tel-Aviv ont minimisé l’importance de la concession syrienne et Paris a préféré attendre sa mise en oeuvre. Quelques heures avant le discours d’Assad, George Bush avait déclaré qu'il ne se satisferait pas de «demi-mesures». «Un retrait par la Syrie de l'ensemble de ses forces armées et de ses services de renseignement contribuerait à garantir que les élections libanaises auront lieu comme prévu au printemps et qu'elles seront libres et équitables», a dit le président américain. Le vice-Premier ministre israélien Shimon Peres a pour sa part qualifié l'annonce du retrait syrien de «dérobade à la résolution 1559».

Plusieurs opposants libanais ont également exprimé leur scepticisme. «La montagne accouche d’une souris», a commenté l’ancien chef de l’Etat Amine Gemayel qui a dénoncé l’absence de calendrier et le flou qui entoure l’expression d’Assad sur «le repli des troupes vers la frontière syro-libanaise». Cette expression a provoqué une telle polémique qu’il a fallu que la ministre syrienne des Emigrés, Boutheina Chaabane, explique que les troupes se retireront vers le coté syrien de la frontière. Le chef druze Walid Joumblatt, une des principales figures de l'opposition, a pour sa part qualifié le discours d'Assad de «début positif» mais a également réclamé un calendrier de retrait.

La rue libanaise, elle, a laissé éclater sa joie. Des milliers de manifestants agitant des drapeaux rouge et blanc se sont rassemblés sur la Place des martyrs, dans le centre de Beyrouth, pour suivre le discours d’Assad sur des écrans géants. Toute la nuit, les jeunes ont fêté cette «victoire» en scandant «Syrie dehors» et «Liberté, Souveraineté, Indépendance».

Les pro-syriens se mobilisent

Le retrait des troupes syriennes ne consacre pas pour autant la fin de l'influence de Damas sur le Liban. «Le retrait ne signifie pas l'absence d'un rôle pour la Syrie», a d’ailleurs déclaré Bachar al-Assad. «La force de la Syrie et son rôle au Liban ne dépendent pas de la présence de ses soldats dans ce pays».

Cela ne signifie pas non plus la fin des tensions politiques au Liban mais peut-être bien le début d’une nouvelle période trouble. Le président syrien a ainsi souligné que la 1559 comporte «deux points qui, s’ils ne sont pas résolus convenablement, risquent de provoquer des problèmes: le désarmement de la résistance (le Hezbollah) et l’implantation (des réfugiés palestiniens) qui pourrait être une des conséquences de cette résolution».

Et comme pour lui donner raison, le Hezbollah a réagi à l’annonce du retrait en affirmant qu’il ferait tout pour «empêcher que le Liban ne soit utilisé pour servir les intérêts israéliens». Le secrétaire général du parti islamiste Hassan Nasrallah a convoqué les responsables de toutes les formations politiques hostiles à la résolution 1559 à une réunion élargie «pour définir la stratégie à venir».

Par ailleurs, une partie de l’opinion publique a plutôt mal accueilli l’annonce du retrait syrien. Des manifestations ont eu lieu à Beyrouth et dans les principales villes et la foule a scandé des slogans à la gloire de Bachar al-Assad et d’Emile Lahoud, et a «remercié la Syrie pour les sacrifices consentis afin d’aider le Liban». Ce signal est inquiétant car il peut signifier que la crise politique qui secoue le pays risque de se traduire par une mobilisation populaire des deux camps dans la rue, monopolisée jusqu’à présent par l’opposition.

Autre signe de la tension actuelle, une grenade assourdissante a été lancée contre un poste militaire syrien à Baalbek, dans l'est du pays, sans faire de victime. D’autre part, des commandos de l’armée libanaises ont brièvement pris position autour du siège des services syriens de renseignements à Beyrouth avant de se retirer dans des circonstances qui sont restées floues.


par Paul  Khalifeh

Article publié le 06/03/2005 Dernière mise à jour le 06/03/2005 à 10:33 TU