Liban
L’Onu va enquêter sur l’assassinat de Hariri
(Photo: AFP)
Les autorités libanaises se retrouvent au pied du mur. Elles avaient officiellement annoncé voilà une dizaine de jours qu’elles acceptaient l’idée d’une commission d’enquête de l’Onu sur l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, tué dans à attentat perpétré le 14 février à Beyrouth. Et la seule condition posée était que les Nations unies prennent une décision en ce sens. Le Conseil de sécurité s’est acquitté de cette tâche jeudi, ses quinze membres adoptant à l’unanimité la résolution 1595 qui met en place cette commission. Elle sera, selon le texte adoptée, «basée au Liban, pour assister les autorités libanaises dans leur enquête sur tous les aspects de cet acte terroriste, y compris aider à identifier ses auteurs, commanditaires, organisateurs et complices». Et cette résolution donne à cette commission trois mois à partir du début de ses travaux, un délai éventuellement renouvelable, pour aboutir à une conclusion.
Dans ses attendus, le texte salue le fait que le gouvernement libanais est prêt à coopérer avec la commission «dans le cadre de la souveraineté du Liban et de son système légal » et qu’elle aura «autorité (…) pour interroger tout responsable qu’elle jugera utile d’entendre au Liban». Réagissant à l’adoption de cette résolution, le gouvernement libanais a effectivement réaffirmé vendredi qu’il était disposé à collaborer sans réserve avec l’équipe envoyée par les Nations unies. Et il devra donc veiller à éviter les «graves défauts» relevés par une première mission d’enquête onusienne chargée, au mois de mars, d’analyser les investigations menées par les services de sécurité libanais sur l’assassinat de Rafic Hariri. Dans son rapport final, cette mission emmenée par l’Irlandais Peter Fitzgerald avait constaté «un manque indéniable de la part des autorités libanaises pour enquêter sur ce crime avec efficacité». Et elle avait conclu à la nécessité de créer une «commission comprenant des spécialistes de différents domaines», tout en prévenant que son travail risquait d’être entravé par le fait que le «leadership des services libanais reste en place».
Ces même réserves se font entendre après l’adoption de la résolution 1595. Interviewé par l’AFP, le professeur libanais de droit Sami Salhab souligne ainsi que la commission ne disposera pas de la compétence nécessaire pour pouvoir convoquer des personnes ne se trouvant pas au Liban, comme par exemple les chefs des services de renseignement syriens ou tout autre représentant de haut niveau du pays voisin. Cette nation a pourtant été clairement mise en cause par Peter Fitzgerald et ses collaborateurs dans le rapport remis aux Nations unies. «La mission a conclu que le gouvernement syrien portait la responsabilité première de la tension politique qui a précédé l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri », le régime de Bachar al-Assad étant accusé d’avoir exercé «une influence qui allait au-delà de l’exercice raisonnable de relations de coopération et de voisinage».
Un retrait en bonne voieLe retrait annoncé des effectifs militaires syriens du Liban pourrait également compliquer la tâche des inspecteurs onusiens. Damas s’est engagé à terminer le rapatriement de l’armée et des services secrets d’ici le 30 avril. Et la Syrie a ainsi initié jeudi la dernière phase du retrait de ses troupes de l’Est du Liban, une opération qui pourrait s’achever, selon le ministre syrien de l’Information Mahdi Dakhlallah, «bien avant la fin du mois». Or, la date à partir de laquelle pourra commencer à travailler la Commission d’enquête de l’Onu n’est pas encore connue, sa constitution et sa mise en route pouvant, selon certaines sources onusiennes, prendre plusieurs semaines. Des délais qui empêcheraient alors les experts de pouvoir recueillir une partie des informations recherchées.
La réelle liberté dont bénéficiera la commission d’enquête à l’intérieur des frontières du pays soulève également des interrogations. Son action doit en effet s’inscrire dans le cadre du système légal libanais qui prévoit un certain nombre de protections juridiques pour les haut représentants de l’Etat. «La commission pourra entendre des membres du gouvernement, et même le président de la République. Mais aura-t-elle le droit de se livrer à des interrogatoires en présence d’avocats, sans obtenir la levée d’immunité dont ils bénéficient ?», s’interroge Chebli Mallat, professeur de droit. Des questions auxquelles les experts onusiens devraient rapidement être confrontés au cours de leur travail d’enquête. Et si dans l’immédiat la communauté internationale se réjouit de la création de cette commission et de la volonté de coopération affichée par les autorités libanaises, elle espère sincèrement que son travail permette de faire toute la lumière sur l’attentat qui a coûté la vie à Rafic Hariri et sept de ses gardes du corps, plongeant le Liban dans une profonde crise politique.
par Olivier Bras
Article publié le 08/04/2005 Dernière mise à jour le 08/04/2005 à 17:21 TU