Népal
Le royaume de la violence
(Photo : AFP)
La décision des rebelles de lever le blocus routier qu’ils maintenaient depuis onze jours autour de Katmandou est un maigre signe d’apaisement dans un pays où la violence n’a cessé de s’intensifier ces derniers mois. Depuis mardi, le trafic, qui avait, selon les services de sécurité, chuté de 50%, a repris normalement aux abords de la capitale népalaise. Mais l’armée a tout de même décidé de maintenir des escortes militaires sur les routes pour empêcher d’éventuelles attaques et assurer l’acheminement des biens et des vivres. Car même si ce nouveau blocus, le troisième imposé depuis le début de l’année par la rébellion, n’a pas abouti à l’isolement complet de la capitale, il aurait toute de même, selon les commerçants de la ville, entraîné une pénurie alimentaire pour la population.
Cette dernière vit sous la menace grandissante d’une crise humanitaire de grande ampleur, la guerre civile opposant rebelles maoïstes à l’armée népalaise ayant pris un nouveau tour avec la décision du roi Gyanendra de s’arroger les pleins pouvoirs. Après avoir limogé le 1er février son gouvernement, il a décrété, dans la foulée, l’état d’urgence et mène depuis une politique intransigeante à l’égard de la rébellion maoïste. Le roi a choisi la force et semble convaincu de pouvoir vaincre militairement la rébellion. Selon un responsable de l’armée, de violents combats auraient ainsi fait plus de cent dix morts dans les rangs des rebelles la semaine dernière. Ils auraient été tués lors d’un assaut lancé contre une base militaire située dans le village de Khara, à environ 400 km à l’ouest de la capitale.
Relayées par la télévision nationale, ces informations n’ont pas pu être confirmées par d’autres sources. La situation exacte que connaît ce pays est en fait extrêmement confuse car très peu de journalistes ou de représentants d’organisations internationales parviennent à se rendre dans les zones contrôlées par la rébellion. Plusieurs pays donateurs demandaient justement depuis plusieurs semaines au Népal, un des pays les plus pauvres au monde, d’accepter la présence d’observateurs étrangers. Une pression qui a débouché lundi sur la conclusion d’un accord en Suisse entre le Haut commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme et le ministre népalais des Affaires étrangères, Ramesh Nath Pandey. Ce texte prévoit l’envoi rapide d’inspecteurs de l’ONU sur place et l’installation de bureaux dans tous le pays. «Rompre le cycle des violations graves et systématiques sera la première étape vers la paix et la réconciliation au Népal », a déclaré dans un communiqué Louise Harbour, Haut commissaire aux droits de l’Homme.
Un haut fonctionnaire abattuUne accalmie semble cependant difficile à imaginer tant les violences se multiplient et s’enchaînent dans ce petit royaume himalayen. Les forces de l’ordre ont ainsi annoncé mardi que Balananda Kafle, administrateur d’un district de l’Ouest du Népal, avait été abattu par des rebelles maoïstes. Il s’agit du plus haut fonctionnaire tué depuis que le roi Gyanendra a décidé d’assumer seul le pouvoir voilà deux mois. Et ce crime commis dans le bastion des rebelles maoïstes semble répondre à la récente décision du roi du Népal de proroger pour six mois supplémentaires une loi anti-terroriste adoptée en 2001 qui donne aux autorités des pouvoirs élargis pour mener arrestations et détentions. Cette législation leur permet notamment de détenir pendant six mois toute personne suspectée d’appartenir à la guérilla.
Les opposants politiques qui dénoncent le durcissement de la monarchie sont également victimes de la répression. Plusieurs dizaines de personnes ont été arrêtées vendredi lors d’une manifestation organisée dans la capitale. De nombreux syndicalistes, hommes politiques et étudiants avaient ainsi déjà été arrêtés après le coup de force du 1er février. Parmi les personnalités visées se trouvait Girija Prasad Koirala, un ancien Premier ministre devenu l’une des figures de l’opposition, qui a retrouvé sa liberté au début du mois d’avril après avoir été assigné à résidence pendant plusieurs semaines. Il est clair que le pouvoir ne supporte aucune contestation, tous les appels au dialogue n’ayant, jusqu’à présent, pas permis de débloquer la situation politique. Et la détermination affichée par le souverain dans son bras de fer engagé avec les maoïstes risque bien d’alourdir encore le bilan de la guerre civile qui aurait déjà fait plus de 11 000 morts au cours des neuf dernières années.par Olivier Bras
Article publié le 12/04/2005 Dernière mise à jour le 12/04/2005 à 17:19 TU