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Inde-Pakistan

Le processus de paix est «irréversible»

Le président pakistanais Pervez Musharraf (G) et le Premier ministre indien Manmohan Singh (D) à New Dehli, le 18 avril 2005. L’un des responsables des séparatistes radicaux les accuse de «<EM>ne jamais tenir compte de la résolution des Nations unies</EM>».(Photo: AFP)
Le président pakistanais Pervez Musharraf (G) et le Premier ministre indien Manmohan Singh (D) à New Dehli, le 18 avril 2005. L’un des responsables des séparatistes radicaux les accuse de «ne jamais tenir compte de la résolution des Nations unies».
(Photo: AFP)
Initialement destinée au cricket, la visite en Inde du président pakistanais Pervez Musharraf a tourné au sommet entre chefs d’État. Poursuivant leur timide rapprochement, les deux pays ont approuvé plusieurs nouvelles «mesures de confiance», y compris sur l’épineuse question du Cachemire. Dans un communiqué conjoint, ils affirment que le processus de paix est désormais «irréversible

De notre correspondant à New Delhi

«Positive», «chaleureuse», «très amicale»: New Delhi et Islamabad n’ont pas lésiné sur les superlatifs pour qualifier la rencontre, dimanche, entre Pervez Musharraf et le Premier ministre indien Manmohan Singh. À vrai dire, jamais les deux pays ne s’étaient dits aussi satisfaits d’une rencontre entre leurs dirigeants. «J’estime que l’issue (de ma visite) dépasse mes attentes», a même déclaré le président pakistanais en quittant la capitale indienne, lundi, à l’issue d’une visite qu’il avait qualifiée d’«historique» avant même d’arriver.

À l’origine, le général Musharraf n’avait été invité que pour assister au dernier d’une longue série de matches de cricket Inde-Pakistan dans le cadre de la tournée qu’effectue l’équipe pakistanaise depuis plus d’un mois. Dans les faits, le terrain de sport ne l’a occupé qu’une heure et demie, le reste de la visite étant consacré à la consolidation du processus de paix en cours entre les deux voisins. Après avoir assisté côte-à-côte au début du match, dimanche matin, Singh et Musharraf ont en effet tenu des discussions pendant plus de deux heures, à huis clos. Dans un communiqué conjoint dévoilé ce lundi, les deux dirigeants, qui se disent «conscients de l’occasion historique créée par l’amélioration des relations et le désir massif des peuples des deux pays d’avoir une paix durable», estiment que le processus de paix engagé il y a quinze mois est «désormais irréversible

Parmi les principales mesures de confiance annoncée à l’issue de cette rencontre au sommet: rétablissement d’une nouvelle ligne ferroviaire transfrontalière, qui reliera dès décembre l’Etat indien du Rajasthan à la province pakistanaise du Sindh; résurrection d’un comité économique conjoint afin «d’augmenter la coopération économique et commerciale entre les deux pays», quasi-inexistante en raison de leurs relations tendues; et réouverture, avant la fin de l’année, des consulats dans les capitales économiques des deux pays: Bombay pour l’Inde et Karachi pour le Pakistan.

«Frontière douce»

Quant à l’empoisonnante question du Cachemire, sur laquelle les deux voisins se sont déjà livré trois guerres avant d’en frôler une quatrième en 2002, aucune percée en vue d’une solution définitive n’a été annoncée. Comme prévu, sachant que les deux pays campent depuis plus d’un demi-siècle sur des positions diamétralement opposées. Pour la première fois, New Delhi et Islamabad ont cependant évoqué la possibilité de faire de la ligne de cessez-le-feu qui coupe la province himalayenne en deux, une «frontière douce», terme vague qui signifie toutefois qu’ils s’engagent à faciliter les échanges «de peuple à peuple» au travers de cette frontière non-reconnue.

Après avoir inauguré il y a dix jours une liaison en bus entre les deux Cachemire pour la première fois en près de 60 ans, les deux rivaux prévoient ainsi d’ouvrir des points de rencontres pour permettre la réunification des milliers de familles divisées par cette frontière de facto, héritée de la première guerre indo-pakistanaise. Ils sont également tombés d’accord pour augmenter la fréquence du «bus de la paix», qui ne circule pour l’instant que deux fois par mois, et envisagent même d’ouvrir cette route aux camions afin de «promouvoir» les échanges commerciaux. Une petite révolution puisque, à l’exception de la liaison en bus, ces mesures sont les premiers signes concrets d’un dégel sur le dossier cachemiri. «Une frontière souple n’équivaut pas à une solution définitive», a toutefois tenu à souligner Pervez Musharraf.

Sans rentrer dans les détails, les deux dirigeants sont d’ailleurs «convenus de poursuivre les discussions de manière sincère (...) en vue d’un règlement définitif » et « promis de ne pas permettre au terrorisme de gêner le processus de paix.» Une allusion aux efforts des groupes séparatistes armés –qui luttent depuis 1989 pour l’indépendance ou le rattachement de la partie indienne de la province au Pakistan– de faire dérailler les efforts de paix.

Sans offrir de percée spectaculaire, la visite de Musharraf a néanmoins permis d’apporter plusieurs pierres supplémentaires à l’édifice du processus de paix. A tel point qu’on en oublierait presque le cricket... Le match de dimanche, qui a brièvement été interrompu après que des supporters indiens mécontents ont jeté des projectiles sur le terrain, s’est soldé par une défaite humiliante pour l’Inde.

par Pierre  Prakash

Article publié le 18/04/2005 Dernière mise à jour le 18/04/2005 à 15:21 TU

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Jean-Luc Racine

Directeur de recherche au CNRS et spécialiste du conflit indo-pakistanais

«Musharraf et Singh ont un souvenir direct de la partition de 1947.»

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