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Violences policières racistes en hausse

En France, la Commission nationale de déontologie de la sécurité s’alarme du comportement des forces de l'ordre.(Photo: AFP)
En France, la Commission nationale de déontologie de la sécurité s’alarme du comportement des forces de l'ordre.
(Photo: AFP)
La police a de plus en plus souvent un comportement raciste à l’égard des jeunes issus de l’immigration. C’est ce que révèle une nouvelle étude publiée par la Commission nationale de déontologie de la sécurité. Cette commission a noté que l’année dernière, la discrimination raciale est attestée dans un tiers des cas de violences policières.

Après la Ligue des droits de l’homme en décembre puis Amnesty International en avril, c’est maintenant la Commission nationale de déontologie de la sécurité qui s’alarme du comportement de la police : les dérapages sont en hausse et ils sont à caractère raciste dans un tiers des cas recensés en 2004. Toujours l’année dernière, une discrimination raciale a été relevée dans 15 dossiers sur les 45 examinés. La Commission a été saisie 97 fois en 2004 contre 70 fois en 2003, ce qui représente une augmentation de 38% des cas examinés. La moitié de ces cas concerne la police nationale. Elle a manqué à la déontologie de la profession. Des cas de maltraitance en prison ont également été signalés à la Commission qui peut examiner des incidents dans la police, la gendarmerie, les prisons, les douane, les polices municipales, qui constituent les forces de l’ordre.

On peut par ailleurs imaginer que le nombre de cas dus à la police soit encore plus important puisque ces épisodes entre la population d’origine africaine ou maghrébine, vivant le plus souvent dans la région parisienne, n’aboutissent pas tous devant la Commission. La justice traite de nombreux cas avant qu’ils ne nécessitent l’arbitrage de cette instance indépendante présidée par Pierre Truche, l’ancien président de la Cour de cassation.

«Des violences inadmissibles»

Ce qui motive la plupart des plaintes contre les policiers c’est la manière dont se passent une interpellation, un contrôle d’identité, une garde à vue. La Commission rapporte que «des mesures de contrainte» qui sont alors prises sont disproportionnées avec la réalité. Parfois, ces contrôles de police donnent lieu à des «violences inadmissibles». La Commission rapporte un cas, des policiers en état d’ivresse qui ont frappé un Turc «à coup de matraque, de poing, de pied, en tenant des propos racistes».

Cette année, le rapport de la Commission nationale de déontologie de la sécurité a été réalisé par une chercheuse du CNRS. Catherine Wihtol de Wenden, qui est membre de la Commission, a noté que l’augmentation des discriminations reflète «une plus grande sensibilité à cette question, une meilleure possibilité de saisine de la Commission et un contexte qui favorise ces discriminations».

Statistiquement, les auteurs de violence sont de jeunes policiers âgés en moyenne de 25 ans. La plupart viennent de province et se retrouvent dans des quartiers difficiles alors qu’ils manquent d’expérience et de formation. Ils ne connaissent les banlieues que par des reportages à la télévision. Les plaignants, eux, comprennent «un fort noyau de jeunes issus de l’immigration maghrébine de 18 à 35 ans». «Une fracture s’établit, pouvant amener des citoyens à pouvoir douter de vivre dans un Etat de droit s’ils ne sont pas traités comme tels», remarque la Commission.

Déjà le mois dernier, Amnesty International dénonçait l’impunité des agents de la force publique en France après avoir décortiqué une trentaine de cas de violences. Le ministère de l’Intérieur avait contesté cette analyse, mettant en avant l’importance des sanctions disciplinaires prises contre des policiers. Le ministère avait également fait remarquer le nombre faible de dysfonctionnements proportionnellement à l’activité des services de police. Après ce nouvel état des lieux rendu public par la CNDS, l’Inspection générale de la police nationale précise qu’en 2004, les policiers ont procédé à plus de 380 000 gardes à vue et 717 687 mises en cause. Le préfet de police de Paris avait pour sa part annoncé, en février dernier, un renforcement de l’encadrement pour enrayer les dérapages «ordinaires» dans les commissariats.

«Mieux diriger la police sur le terrain»

Les syndicats de police dénoncent le contenu de ce rapport. Synergie, second syndicat d’officiers de police, critique «une vision partielle et partiale des déontologues autoproclamés de la CNDS qui pensent peut-être pallier leur absence de légitimité pour s’ériger en accusateurs publics». Pour sa part, l’Unsa-police se demande «à qui profitent politiquement» les attaques contre la police nationale mais rejoint la Commission quand elle pointe le manque d’encadrement dans la police. Il est prévu, depuis quelques semaines, d’augmenter le nombre de gradés à Paris, ce nombre passerait de 12 à 26% des effectifs de policiers.

«Il y a urgence à mieux diriger la police sur le terrain», a déclaré Pierre Truche, à l’occasion de la publication de cette nouvelle étude. Le responsable de la Commission fait par ailleurs remarquer que les dérapages concernent peu les gendarmes, qui ne travaillent pas dans les mêmes conditions que la police. Les gendarmes vivent dans des casernes et sont mieux encadrés, la hiérarchie est aussitôt informée du moindre incident.

Petit à petit, la Commission nationale de déontologie de la sécurité réussit à changer les relations entre les forces de l’ordre et le public. Quatre circulaires ministérielles ont vu le jour à la demande de cette instance. La dernière concerne les femmes détenues qui accouchent : pour elles, le port des menottes est désormais interdit. 


par Colette  Thomas

Article publié le 18/04/2005 Dernière mise à jour le 18/04/2005 à 15:50 TU

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Catherine Wihtol de Wenden

Chercheur au CNRS

«Le contrôle d'identité suscite souvent outrage et rebellion.»

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