Eglise catholique
Les deux camps mesurent leurs forces
(Photo : AFP)
A 9 heures du matin, les 115 électeurs sont entrés dans la chapelle Sixtine, lieu dont ils ne sortiront pas tant qu’ils n’auront pas choisi le nouveau pape. Au cours du XXe siècle, aucun conclave n’a duré plus de cinq jours. La réunion en vase clos ne devrait donc pas s’éterniser mais rien n’est moins sûr car les conditions de confort de cette retraite forcée ont été améliorées par Jean-Paul II, de son vivant. La résidence Sainte-Marthe a été construite à côté de la chapelle Sixtine, résidence équipée de tout le confort moderne. La vie monacale de ces 115 «princes de l’Eglise», venus de 52 pays, n’a donc plus rien à voir avec le côté spartiate des précédents conclaves.
Pour qu’un pape soit élu, sa candidature doit recueillir au moins les deux tiers des suffrages, soit 77 voix. Chaque demi-journée, les cardinaux procèdent à deux tours de scrutin. Si aucune majorité n’émerge, les bulletins de vote sont brûlés dans le poêle. Le secret du vote est préservé et du même coup, l’opération permet, à la fin de chaque demi-journée, de faire savoir au monde extérieur que le nouveau représentant de dieu sur terre n’a pas encore été sélectionné. La fumée est noire, même si la couleur n’est pas facile à obtenir, encore moins lorsque le ciel de Rome est gris. Elle sera blanche une seule fois lorsque le nouveau pape sera choisi.
Le mode d’élection peut changer
Si au bout de trois jours, les cardinaux n’ont pas réussi à choisir la nouvelle sainteté, ils feront une pause qui pourra avoir la longueur d’une journée. Puis sept nouveaux tours de scrutin seront organisés, puis une pause, puis sept autres tours. Si aucun nom ne sort du conclave à la suite de ces 34 scrutins, les cardinaux prendront alors la décision, à la majorité absolue, de changer le mode d’élection. La règle des deux tiers peut alors être supprimée et le vote s’effectuer à la majorité absolue. Les cardinaux ont également la possibilité de voter uniquement sur les deux noms ayant obtenu le plus de suffrages au scrutin précédent. Si le conclave prenait cette tournure, on en serait aux alentours du 11e jour du conclave, estiment les spécialistes….
Les débats, les votes, sont bien entendu tenus secrets. Les observateurs qui connaissent bien la vie vaticane estiment que cette première journée doit permettre aux deux camps de se mesurer. D’un côté, ceux qui adhèrent à la doctrine du théologien allemand Joseph Ratzinger, de l’autre, les partisans de l’ancien archevêque de Milan, Carlo Maria Martini. Les «vaticanistes» ont élaboré cette théorie après avoir décortiqué les dernières apparitions publiques des deux prélats, chacun ayant exprimé de manière ferme et très différente sa vision de l’Eglise. Le cardinal allemand mène la charge contre «la dictature du relativisme qui est en train de s’affirmer, qui ne reconnaît rien comme définitif et qui n’a comme dernière mesure que son propre ego et ses désirs». On peut retrouver l’esprit des réformistes menés par le cardinal Martini dans les propos du Portugais José Policarpa da Cruz : «Le message de l’Eglise ne doit jamais être la froide affirmation d’une doctrine mais une annonce qui touche et émeut». Il semble en tout cas que ni le cardinal Ratzinger, ni le cardinal Martini, ne souhaitent être élu. Une péripétie est cependant toujours possible pendant le déroulement des scrutins. Les spécialistes de la religion catholique estiment plutôt que, selon toute vraisemblance, le nouveau pape sera un homme du centre qui aura réussi, comme tout homme politique habile, à attirer sur son nom une partie des partisans de l’autre camp.
Des tractations autour des grands défis
Des cardinaux de courants différents peuvent faire alliance. Mais les blocs géographiques, eux aussi, jouent un rôle. Le groupe des Européens a un poids écrasant, ce continent a d’ailleurs presque toujours obtenu la papauté. Mais aujourd’hui, les représentants des catholiques d’Amérique du Sud, d’Afrique, ou d’Asie, peuvent espérer accéder à la stature suprême. Comme dans toute négociation internationale, des tractations sont en cours concernant les grands défis qui attendent l’église catholique : la sexualité, l’islam, le célibat des prêtres, la place des femmes dans l’église…
Lundi après-midi, pour la première fois, la cérémonie d’ouverture du conclave a été filmée et transmise au monde. Le rite pourtant s’est déroulé dans la plus pure tradition. La messe votive pro eligendo Romano Pontifice (pour l’élection du Pontife romain) a été célébrée en latin, lectures comprises. Seule l’homélie du cardinal Ratzinger a été prononcée en italien. Accompagnés du chant égrenant la litanie des saints, les cardinaux sont ensuite entrés en procession dans la chapelle Sixtine. Chacun a pris sa place, puis les cardinaux, un par un, ont prêté serment de ne rien dévoiler des tractations qui allaient commencer.
Reverendissimum ac eminentissimum…Lorsque le conclave aura choisi le nouveau père spirituel du milliard de catholiques vivant dans le monde, le doyen des cardinaux-diacres fera cette annonce en latin : «Annuntio vobis gaudium magnum. Habemus papam, reverendissimum ac eminentissimum dominum… (ici le prénom de naissance de l’élu), sanctae Romanae Ecclesiae Cardinalem… (ici le patronyme de l’élu), qui sibi imposuit nomen… (ici le nom que le nouveau pape s’est choisi)». «Je vous annonce une grande joie. Nous avons un pape, le révérendissime et éminentissime maître…, le cardinal… de la Sainte Eglise Catholique Romaine, qui s’est choisi le nom de…».
par Colette Thomas
Article publié le 19/04/2005 Dernière mise à jour le 19/04/2005 à 17:04 TU