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Liban

Nouveau cabinet après 46 jours de crise

Nagib Mikati.(Photo: AFP)
Nagib Mikati.
(Photo: AFP)
Le nouveau gouvernement libanais a été globalement bien accueilli par la classe politique et la communauté internationale. La situation se débloque mais la crise n’est pas encore résolue, car les enjeux dépassent le cadre du Liban.

De notre correspondant à Beyrouth

Le nouveau Premier ministre libanais, Nagib Mikati, a réussi un tour de force en 72 heures, là où son prédécesseur a échoué en 46 jours. Désigné vendredi dernier, il a formé mardi un gouvernement restreint ne comprenant aucun candidat aux prochaines élections législatives et pratiquement aucun ministre frappé du veto de l’opposition.

La rapidité avec laquelle le gouvernement a été formé est un gage de bonne volonté que Mikati a tenu à donner à l’opposition et à la communauté internationale, France et États-Unis en tête, qui soupçonnaient son prédécesseur Omar Karamé d’avoir sciemment perdu un temps précieux en interminables et infructueuses négociations sans parvenir à former de cabinet, dans le but de reporter les élections législatives prévues en mai. Le nouveau Premier ministre a d’ailleurs indiqué que la principale tâche de son équipe était «d’organiser le scrutin dans les plus brefs délais et, si possible, dans les temps fixés par la Constitution».

La formation du gouvernement Mikati constitue un premier pas vers le règlement de la profonde crise qui secoue le Liban depuis l’assassinat de l’ancien Premier ministre, Rafic Hariri, le 14 février. Les deux mois qui se sont écoulés ont été marqués par une extrême tension politique accompagnée d’une vaste mobilisation populaire des anti-syriens et des alliés de Damas, et ponctuée de nombreux incidents sécuritaires et de quatre attentats à l’explosif non revendiqués. Cette détente politique coïncide avec la fin du retrait total de l’armée syrienne dont les dernières unités quitteront le Liban dans les tous prochains jours.

La particularité du nouveau cabinet de quatorze membres est qu’il ne comporte aucun candidat aux législatives, une mesure destinée à rassurer l’opposition sur l’impartialité du pouvoir censé préparer ce scrutin. De plus, le ministère de l’Intérieur, chargé d’organiser les élections, et celui de la Justice qui devra coopérer avec la commission d’enquête internationale décidé par l’Onu pour faire la lumière sur l’assassinat de Rafic Hariri, ont été confiés à des personnalités sunnites. Celles-ci jouissent de l’estime de la famille de l’ancien Premier ministre, dont le bloc parlementaire constitue l’une des principales composantes de la coalition de l’opposition.

La part du lion à Lahoud

Le président de la République Emile Lahoud, qui a joué un rôle important en mettant sur les rails le processus constitutionnel permettant ce déblocage, se taille la part de lion. Son  gendre a été nommé vice-président du Conseil et ministre de la Défense. Et les portefeuilles des Affaires étrangères, des Finances, des Télécommunications et de l’Information ont été attribués à des personnalités plus ou moins proches de lui.

Globalement, le nouveau cabinet a été bien accueilli par la classe politique et les ambassadeurs des pays impliqués dans la crise libanaise. Mais toutes les composantes de l’opposition n’avaient pas la même appréciation. Le leader druze Walid Joumblatt, le mouvement du général Michel Aoun et, dans une moindre mesure, le bloc parlementaire de Rafic Hariri, étaient favorables à une participation au gouvernement. Le bloc chrétien était, quant à lui, catégoriquement hostile à une telle option et même à une participation aux consultations parlementaires ayant abouti à la désignation de Nagib Mikati. Et c’est pour éviter l’éclatement de la coalition opposante que chaque partie a fait des concessions.

Les chrétiens ne se sont pas opposés à la désignation de Mikati, Joumblatt et le bloc Hariri ne sont pas entrés au gouvernement. Mais ce compromis ne cache pas les divergences de plus en plus importantes qui commencent à apparaître au sein de l’opposition. Le rassemblement des députés et personnalités chrétiennes a été très critique à l’égard du nouveau gouvernement alors que Walid Joumblatt a exprimé sa déception, affirmant que le fait de ne pas y participer équivaut à «offrir la victoire à l’adversaire».

En analysant les développements des derniers jours, on comprend que la désignation de Mikati et la formation du gouvernement sont le fruit d’une initiative franco-saoudienne dont les détails ont sans doute été discutés lors de la visite du prince Abdallah à Paris, la semaine dernière. L’appui du bloc Hariri, sensible aux conseils saoudiens, et celui de Walid Joumblatt, qui s’identifie lui-même comme étant un ami de la France, en sont la preuve la plus frappante. D’ailleurs, le leader druze prend de plus en plus ses distances avec les Américains et multiplient les déclarations mettant en garde contre «les dangers du plan de déstabilisation du Liban et de la Syrie que les États-Unis tentent de mettre en œuvre». Joumblatt soupçonne Washington de vouloir instrumentaliser le pays du cèdre pour renverser le régime syrien «sous prétexte de vouloir instaurer la démocratie».

À ce stade de la crise libanaise, il semble que les agendas français et américain commencent à diverger. Ces différences portent sur l’avenir du régime syrien et sur le sort du Hezbollah. La France et une partie de l’opposition estiment que le désarmement du parti islamiste est une question qui doit être discutée calmement entre Libanais. Washington et une autre aile de l’opposition pensent que la démilitarisation du Hezbollah est une option qui devrait être sérieusement examinée au lendemain des élections. Deux logiques qui, si elles s’affrontent au Liban, risquent de provoquer une crise encore plus grave que celle qui sévit actuellement.

par Paul  Khalifeh

Article publié le 20/04/2005 Dernière mise à jour le 20/04/2005 à 09:04 TU

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Joseph Maila

Doyen de la Faculté des sciences sociales et économiques de l'Institut catholique de Paris et spécialiste du Liban

«La rapidité de la formation de ce cabinet frappe les esprits.»

Frédéric Domont

Correspondant de RFI à Beyrouth

«Ce gouvernement aura la très lourde charge d'organiser les législatives.»

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