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Cinéma africain

Valérie Kaboré, cinéaste engagée

Valérie Kaboré.(Photo: EL/RFI)
Valérie Kaboré.
(Photo: EL/RFI)
En 2003, Valérie Kaboré, jeune cinéaste burkinabè, a suivi le programme Padiava, une formation accélérée au scénario proposée par le festival Vues d’Afrique. Deux ans plus tard, elle revient à Montréal avec INA, 15 épisodes de 28 minutes sur les aventures d’une Ouagalaise de 18 ans. Guest-stars de la sitcom: Smarty et Maoundé, deux rappeurs du groupe Yeelen.
RFI : Pouvez-vous résumer votre parcours ?

Valérie Kaboré : J’ai fait des études de cinéma à Ouagadougou, à l’Inafec, puis une licence en animation culturelle et sociale à Paris. Mon sujet de thèse était «Comment utiliser les médias pour contribuer au développement de son pays», mais je sais que je n’aurai jamais assez de temps pour la terminer ! [rires] Ensuite, j’ai créé mon entreprise de communication: conception de stratégies d’entreprise et films institutionnels. J’ai eu la chance d’arriver au moment où le pays s’ouvrait au privé. A l’époque, en 1996, j’ai réalisé Naître fille en Afrique, une série de documentaires-fictions de 26 minutes chacun sur la maltraitance des bonnes, la scolarisation des filles, la prostitution, la mariage forcé, l’excision.

Sur les bonnes, j’ai pris du temps pour enquêter, mais comme nos villes sont petites, personne ne voulait témoigner à visage découvert, de peur d’être reconnu. D’où le choix du docu-fiction, qui fait rejouer à des acteurs professionnels des scènes réelles: viols des patrons, abus des maîtresses de maison, insécurité des villes, où les bonnes se font souvent agresser. La série a été diffusée par CFI, TV5 et quelques chaînes nationales africaines.

RFI : Puis vient la série INA. Pourquoi avez-vous donné ce prénom à votre héroïne ?

V.K. : Ina signifie «ma mère», en dioula. Je ne voulais rattacher mon personnage à aucune religion, ce qui était impossible si je l’avais appelée «Caroline» ou «Ramata». Le prénom Ina permet de ne pas la rattacher à une communauté spécifique. 

RFI : Quels partenaires ? Quelle diffusion ?

V.K. : Pour l’instant, la série n’a été présentée qu’au Fespaco 2005. Je cherche encore des diffuseurs. Les partenaires sont classiquement l’Union européenne, le Fonds Sud télévision, l’Agence intergouvernementale de la francophonie et le ministère burkinabè de la Culture.

RFI : Vous partez de situations très réalistes, en revanche, les résolutions le sont beaucoup moins, ce qui donne à votre film une dimension très pédagogique… Par exemple quand Ina tient tête à son père, et l’oblige à payer ses études à l’université, pour devenir avocate. Il n’est pas sûr qu’une Burkinabè de 18 ans finisse ainsi par avoir gain de cause…

V.K. : Au départ, j’ai créé ce conflit car il fallait qu’Ina ait un objectif qui ne soit pas le mariage, donc un objectif professionnel. Mais la série peut aussi être vue comme l’analyse d’un conflit de génération. C’est un petit clin d’oeil pour dire que l’ère de la soumission classique est en train de s’achever. Aujourd’hui, au Burkina, ce que je décris est tout à fait plausible avec la jeune génération. Jusque dans ses dérives: un père voit sa fille de 15-16 ans rouler sur une moto neuve, et il ne sait pas qui l’a payée ! Peut-être sa fille est-elle un deuxième bureau… Mais il n’a pas voix au chapitre.

par Elisabeth  Lequeret

Article publié le 23/04/2005 Dernière mise à jour le 23/04/2005 à 15:32 TU