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Cinéma africain

L’Afrique moderne au miroir de son cinéma

Affiche du festival Vues d'Afrique.(Photo: EL/RFI)
Affiche du festival Vues d'Afrique.
(Photo: EL/RFI)
Petits ou grands, les écrans africains ont longtemps été vampirisés par les images venues d’ailleurs, fictions américaines, telenovelas brésiliennes, mélodrames bollywoodiens. Ils le sont toujours, mais le début des années 2000 a vu, parallèlement, l’émergence de fictions 100% africaines, petits films au tournage express ou sitcoms locales. A l’origine du phénomène, la vidéo, qui permet de tourner vite et peu cher. Faudra-t-il bientôt créer le mot «afronovelas» ?
Le festival québécois Vues d’Afrique a tenu cette année a rendre hommage à cet «autre» cinéma africain, dont la vitalité éclate désormais sur les écrans du continent.

De notre envoyée spécial à Montréal

Un mardi de novembre 2004 devant le Ciné Burkina, la plus belle salle de Ouagadougou. Plus de trois cent personnes en transe acclament Boubakar Diallo, l’auteur du film dont ils viennent de voir l’avant-première. Sofia : 90 minutes d’une fiction à l’arrache, mais dont les méandres sentimentaux ravirent ce soir-là le cœur de tous les Ouagalais. Avril 2005, à Montréal : le public québécois, non moins stupéfait, découvre, via la belle Sofia, que le cinéma africain n’est pas qu’affaire d’histoires de village, captées en de longs plans fixes à la hiératique lenteur. Sofia conte sans chichis ni afféteries les tribulations d’une jeune Ouagalaise moderne, indépendante, ne mâchant pas ses mots, et tout à fait capable de plaquer son riche prétendant pour un chanteur des rues.

Journaliste, créateur, au mitan des années 1990 du Journal du Jeudi, l’un des premiers journaux satiriques nés sur le continent, Boubakar Diallo sait croquer comme personne cette Afrique urbaine du début du millénaire où des filles en jean-Tshirt font la gueule quand leur petit ami fauché leur offre un traditionnel bissap plutôt qu’un Coca Cola. Au Burkina Faso, ses deux premiers films ont été d’énormes succès : le budget minuscule de Traque à Ouaga (un petit polar nerveux qui n’aurait pas déplu à Simenon –l’un des auteurs de chevet de Diallo) a été remboursé en une poignée de semaines. Dans un autre genre, celui de la comédie sentimentale, Sofia a connu un succès non moins foudroyant.

Une liberté inespérée

Preuve que l’Afrique a soif d’images. On célèbre cette année le cinquantenaire du cinéma noir, et voilà que sont remis à l’honneur les chefs d’oeuvre qu’il a engendrés. Ceux-là ont reçu les honneurs des plus prestigieux festivals et du public occidental, mais il n’est pas sûr que les Africains se soient toujours reconnus dans ces longues dérives poétiques, ces fables villageoises, ces contes métaphysiques. Faut-il filmer pour les festivals internationaux ou pour les Africains ? Le débat est aussi vieux que les cinématographies noires. La vidéo, la popularisation des petites caméras ont soudainement permis de le dépasser : en allégeant considérablement les tournages, le numérique a offert aux cinéastes d’Afrique une liberté financière et esthétique inespérée.

A ce phénomène, le grand Idrissa Ouedraogo (Yaaba, Tilaï) a ouvert la voie lorsque plusieurs échecs successifs l’ont contraint, vers la fin des années 1990, a abandonner –faute de financements- sa fresque historique Boukary Koutou pour se lancer, au Burkina, dans la production de Kadi Jolie, série télévisée promise à un bel avenir local. Depuis lors, en Afrique, les sitcoms se sont multipliées. Le festival Vues d’Afrique leur rend hommage avec INA, de la Burkinabè Valérie Kaboré : quinze épisodes de 26 minutes pour peindre les joies et déboires d’une jeune Ouagalaise, bachelière depuis peu, à qui son père, épicier, interdit la voie des études supérieures pour la contraindre de trouver un petit boulot.

«L’arrosage du bac», «La médiation de Gaoussou», «Lucie l’angoisseuse» ou «Tonton derrière le poulailler» : sous une forme badine, les premiers épisodes de la sitcom impressionnent par leur capacité à tracer, en peu de plans, un portrait de la petite-bourgeoisie africaine. Portrait qui, pour être badin, n’en est pas moins incisif : «deuxièmes bureaux», baisse du niveau de vie, corruption, chômage. Voici quelques années, une savante enquête sociologique montrait que les fans adolescents d’Hélène et les garçons, pas si dupes de la mièvrerie de la série française, l’utilisait plutôt comme réservoir de solutions à leurs problèmes les plus courants. INA et ses petites sœurs pourraient bien, désormais, jouer ce rôle auprès des jeunesses d’Afrique.

par Elisabeth  Lequeret

Article publié le 22/04/2005 Dernière mise à jour le 22/04/2005 à 20:28 TU

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