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Constitution européenne

Pays-Bas : l’autre pays du «non»

Les Français ne sont pas seuls, selon les sondages, à rejeter majoritairement le traité constitutionnel européen.(Photo : AFP)
Les Français ne sont pas seuls, selon les sondages, à rejeter majoritairement le traité constitutionnel européen.
(Photo : AFP)
Plusieurs hommes politiques, français et européens, se mobilisent cette semaine pour soutenir la campagne française en faveur du «oui». Pourtant, la France n’est plus seule à pencher vers le «non» : les derniers sondages aux Pays-Bas donnent le refus de la nouvelle Constitution européenne gagnant.

Les Hollandais seront consultés par référendum le 1er juin, ils s’exprimeront trois jours après les Français. Pour tous les Européens, mais en particulier, dans les semaines qui viennent, pour les Néerlandais et les Français, il s’agit d’adopter, ou non, la Constitution européenne. Ce nouveau traité devrait remplacer les plus anciens et changer certaines règles pour travailler plus efficacement à 25.

Jusqu’à présent, on parlait surtout du «non» français. Cette fois, ce sont les Hollandais qui envisagent de refuser le nouveau traité. Deux sondages successifs donnent le « non » en tête dans ce pays. Comme la France, les Pays-Bas font partie de ce petit groupe de pays, qui après la guerre, créait le premier embryon d’union en créant la CECA, la Communauté européenne du charbon et de l’acier (1951). Dimanche 24 avril, un sondage réalisé aux Pays-Bas, sur Internet, par un centre indépendant de recherches politiques,  donnait le «non» gagnant à 58,2%. L’institut IPP précisait que le «oui» atteignait 41,8%. L’institut avait interrogé 7 500 personnes.

La veille, un autre sondage réalisé par l’institut Maurice de Hond, toujours par le biais d’Internet mais cette fois pour la chaîne de télévision publique néerlandaise NOS, indiquait que 52%  des Hollandais avaient l’intention de voter «non», et 48% de voter «oui». C’était le premier sondage à donner le « non » vainqueur aux Pays-Bas. De précédents sondages commandés par le gouvernement avaient jusqu’à présent toujours donné la majorité au «oui».

«Ils savent ce qui est en jeu»

La particularité du système néerlandais, c’est d’avoir donné au référendum un caractère consultatif. Les députés auront le dernier mot. Cependant on imagine mal le gouvernement néerlandais aller contre le résultat qui sortira des urnes. Les deux principaux partis du pays, les chrétiens-démocrates (CDA, au pouvoir), et le parti d’opposition travailliste (PvdA), ont déjà fait savoir qu’ils suivraient le résultat du vote si la participation dépassait 30%.

Le ministre néerlandais des Affaires étrangères Ben Bot a déclaré qu’il restait confiant dans la victoire du «oui», aussi bien en France que dans son pays, malgré les sondages négatifs dans les deux pays. « Ce que nous faisons en ce moment, le gouvernement français et le gouvernement néerlandais, c’est donner les informations correctes à la population. Nous allons voir qu’en donnant plus d’information, plus de gens vont voter oui. Les gens ne sont pas stupides, ils savent ce qui est en jeu, ils vont voter oui ».

Aux Pays-Bas, une coalition inédite de partis appelle à voter «non». Elle est composée de l’extrême gauche, des populistes, et de petits partis catholiques fondamentalistes. L’élargissement, la politique d’immigration du gouvernement et le libéralisme ont donné du grain à moudre à ces opposants. « Si la France dit non, il n’y aura plus aucun frein, chez nous, pour les adversaires de l’Europe », déclarait début avril Thijs Berman, eurodéputé du Parti du travail (PVDA, socialiste).

«Un parfum négatif autour de l’Europe»

Est-ce le fait du hasard, en tout cas Frits Bolkestein, concepteur d’une directive très controversée sur la libéralisation des services, est Néerlandais. Dans ces déclarations de début avril, Thijs Berman se disait «écoeuré» par «l’instrumentalisation du projet Bolkestein», dont la France a obtenu le retrait, estimant que cette directive représentait un recul de l’Europe sociale.

De son côté Sjerp van der Vaart, directeur du bureau du Parlement européen à La Haye, la capitale hollandaise, exprime son inquiétude : «Il y a comme un parfum négatif autour de l’Europe qui s’installe». Ayant participé à de nombreux meetings, ce représentant de la classe politique néerlandaise souligne que les déçus de l’Europe, soit en raison de l’élargissement, soit à cause de la candidature de la Turquie, sont tentés par un vote sanction au référendum.

«J’ai l’impression que l’on utilise la politique européenne pour faire de la politique intérieure», affirme quant à lui le Néerlandais René van der Linden. Interrogé sur la poussée du « non » dans les sondages dans son pays, le président de l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a dit «avoir du mal à croire que la population néerlandaise désapprouve le projet».

Cet homme politique hollandais sera en France les 8 et 9 mai, afin de soutenir le «oui». En France où le «oui» a émergé depuis bien plus longtemps, d’autres hommes politiques européens prennent part au débat afin de convaincre les électeurs de voter «oui». Le chef du gouvernement socialiste espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero, viendra deux fois en France avant le scrutin du 29 mai «pour appeler à voter oui. Nous espérons que le oui l’emportera, c’est bon pour la France et l’Union européenne». Le leader espagnol, qui avait reçu le soutien de Jacques Chirac et de François Hollande lorsque l’Espagne avait consulté ses électeurs pour l’adoption de la Constitution, ne dit pas quand il viendra en France.

Le retour de Jospin

Si la France vote «non», ce sera « bien pire que le mouton noir», a déclaré Romano Prodi, ancien président de la Commission européenne et aujourd’hui chef de l’opposition italienne. Le chef de l’Etat français avait employé cette expression pour qualifier ce que la France deviendrait en Europe si le «non» l’emportait dans le pays. Pour Romano Prodi, c’est donc encore pire : «Il n’y aura plus d’Europe. Nous passerons par une grande période de crise. Le problème ne sera pas seulement la catastrophe de la France mais la chute de l’Europe. Un non serait catastrophique pour l’Europe sociale et économique, pas seulement pour l’Europe politique. C’est là toute la contradiction : tout le monde sait très bien qu’il n’y a pas d’Europe  sans la France, or la France ne réalise pas la chance qu’elle a avec l’Europe. Elle doit donc réfléchir, car, seule, elle serait très faible».

L’Europe et le référendum français sont également au menu des discussions Chirac-Schroeder. Le président français et le chef du gouvernement allemand se retrouvent mardi matin à Paris pour un Conseil des ministres franco-allemand.

De gauche comme de droite, les hommes politiques français vont participer cette semaine à des meetings publics et à un grand nombre d’émissions télévisées pour parler de la Constitution européenne. Le temps fort sera le retour de Lionel Jospin dans l’émission «Question ouverte», jeudi soir, sur France 2. Pour la première fois, depuis son retrait de la vie publique après sa défaite au premier tour de l’élection présidentielle de 2002, l’ancien Premier ministre socialiste va participer à une émission politique et militer en faveur du «oui». Le même jour, un séminaire gouvernemental se tiendra à Matignon pour faire le point sur la suppression du lundi de Pentecôte. Les heures de travail de ce jour férié doivent financer l’aide aux personnes âgées. Les Français, là encore, dans les sondages, désapprouvent. 


par Colette  Thomas

Article publié le 25/04/2005 Dernière mise à jour le 25/04/2005 à 17:30 TU