Mexique
Vincente Fox limoge son ministre de la Justice
(Photo : AFP)
De notre correspondant à Mexico
Dans un message à la nation, le président Vicente Fox a annoncé la démission du ministre de la Justice (Procureur général de la République), Rafael Macedo de la Concha ainsi que celle de ses deux plus proches collaborateurs qui, depuis plusieurs mois, utilisaient toutes les ressources du pouvoir judiciaire pour tenter de mettre en prison Andres Manuel Lopez Obrador, le maire de Mexico. Une inculpation aurait permis de lui retirer ses droits civiques et aurait empêché le leader de la gauche mexicaine de se présenter à l’élection présidentielle de 2006 pour laquelle il est le favori des sondages. Depuis plusieurs semaines, l’opinion publique mexicaine et internationale reprochait à Vicente Fox et à son gouvernement d’anéantir les efforts faits par le Mexique pour se démocratiser en utilisant de manière factieuse la police et le ministère de la Justice.
La mobilisation sans précédent d’un million de personnes qui sont descendues dimanche dernier dans les rues de Mexico a donc porté ses fruits. Elle a démontré à Vicente Fox que les manifestants n’étaient pas seulement des sympathisants du maire (centre-gauche) et des militants du son parti, le PRD (Parti de la Révolution démocratique), mais des citoyens mécontents de la manière d’agir de leur président. Un président élu en juillet 2000 avec des voix de gauche pour chasser du pouvoir le PRI (Parti révolutionnaire institutionnel), et mettre en place une transition démocratique.
Changement de stratégie
Depuis plusieurs semaines, le ton montait. Les arguments du ministre de la Justice contre le maire de Mexico étaient de moins en moins juridiques et les Mexicains de plus en plus nombreux à désavouer l’action du gouvernement. Vicente Fox est donc intervenu pour rectifier le tir et chercher une solution politique au conflit. Il a demandé une révision exhaustive du dossier d’inculpation du maire de Mexico et va envoyer au Parlement un projet de loi qui permettra aux citoyens mis en examen de ne pas perdre leurs droits politiques tant qu’ils n’auront pas été condamnés.
Le président Fox, qui a déclaré qu’il est de son devoir de garantir une élection présidentielle démocratique en 2006 rencontrera prochainement son adversaire pour tenter de mettre fin à un an et demi de querelles.
Andres Manuel Lopez Obrador a réagi avec une certaine satisfaction soulignant que c’était un triomphe du mouvement pacifique des citoyens. Il a remercié longuement tous les Mexicains qui l’ont soutenu, considérant que cette victoire est la leur. Il affirme que le limogeage du ministre de la Justice devrait contribuer à détendre l’atmosphère politique et qu’il est disposé à rencontrer Vicente Fox pour ouvrir un dialogue sans conditions préalables.
Premières réactions
La gauche ne crie pas victoire même si elle en meurt d’envie. Le leader du PRD, Lionel Cota, a mis au crédit du président cette rectification mais souligne que tout ce qui s’est passé depuis un an met en évidence la précarité de la vie institutionnelle et obligera à entreprendre des réformes de fond que l’actuel gouvernement n’a pas mené à bien. La reconnaissance implicite de l’innocence de Lopez Obrador n’empêche pas de penser que des tentations anti-démocratiques peuvent encore se présenter.
A droite, au PAN (Parti d’action nationale), on serre les rangs derrière le président Fox. Le ministre de l’Intérieur, Santiago Creel, tout autant responsable dans cette affaire que le ministre de la Justice, devrait présenter sa démission prochainement mais comme il s’agit du probable candidat à la présidence de la République, son parti lui ménage une sortie honorable. Le PRI, le parti de l’ancien régime, qui a voté la levée de l’immunité du maire et sa destitution, avec le PAN, garde pour l’heure le silence.
Il semble acquis maintenant qu’Andres Manuel Lopez Obrador pourra légalement se présenter comme candidat à l’élection présidentielle mais la confrontation continue et ceux qui veulent son élimination politique ne sont probablement pas à court d’arguments.par Patrice Gouy
Article publié le 28/04/2005 Dernière mise à jour le 29/04/2005 à 15:41 TU