Egypte
Vague d’arrestations après le double attentat du Caire
(Photo : AFP)
Selon le ministère égyptien de l’Intérieur, il s’agit d’attentats suicides perpétrés en famille. L’homme, tué par sa bombe à clous, serait un Egyptien. Il était déjà recherché par la police pour ses liens avec le groupe impliqué dans l’attentat du 7 avril où deux touristes français et un Américain avaient été tués dans le bazar de Khan al-Khalili du Caire, ce qui explique la cible des rafles policières en cours. Les deux femmes équipées d’un vieux pistolet et d’un revolver seraient sa sœur et sa fiancée. La première aurait suicidé la seconde avant de se donner la mort. Samedi soir, un site internet islamiste attribuait le double attentat aux «Brigades du martyr Abdallah Azzam» (un islamiste jordanien d'origine palestinienne), se félicitant d’avoir «ébranlé les remparts du Pharaon d’Egypte», le président Hosni Moubarak, auquel s’adresserait ce message sanglant qui vise le nerf touristique de l’économie égyptienne. Un peu plus tard, un «Groupe des moudjahidine d'Egypte» a lui-aussi réclamé la paternité de ces attentats, sans que rien ne permette davantage d’établir l’authenticité de ces deux revendications concurrentes.
Les Frères musulmans condamnent l'attentat
L’une des premières condamnation est venue des Frères musulmans. Ce mouvement islamiste historique est officiellement interdit. Mais son existence est plus ou moins tolérée. Dimanche, il fustigeait une «tentative pour déstabiliser l'Egypte», estiment que ce double attentat «profite en premier lieu au projet américano-sioniste». Au moment où la bataille pour des réformes politiques et économiques bat son plein dans l’opposition où il occupe une place très importante, les Frères musulmans redoutent visiblement que l’attentat de samedi soit contre-productif à leurs dépens. Ils appellent «les autorités concernées à ne pas utiliser ces attaques comme prétexte pour ralentir le processus de réformes politiques», en particulier la levée de la loi d'urgence instaurée depuis l'assassinat du président Sadate en 1981. Or justement, le pouvoir Moubarak fait régulièrement valoir cette loi comme l’un des éléments clés de sa répression du terroriste. Pour justifier son maintien, il se prévalait de la diminution de la violence terroriste depuis les attentats de 1997 qui avaient fait dix morts devant le musée du Caire en septembre et surtout 62 morts, en majorité des touristes, à Louxor en novembre suivant.
Pour sa part, le mufti de la République, cheikh Ali Gomaa a rapidement voué aux gémonies les auteurs de «cet acte criminel abject», condamnant par avance «ceux qui sèment la destruction sur terre à être tués ou amputés des pieds et des mains». L’imam d'Al-Azhar, cheikh Mohammed Sayed Tantaoui rejette lui-aussi «tout acte de terrorisme». Le secrétaire général du Conseil de coopération du Golfe (qui regroupe le Qatar, le Koweït, l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, Bahreïn et Oman) Abel Rahman Al-Attiyah estime également que ces «actes terroristes ignobles» sont contraire à l’islam. Eux mêmes frappés par le terrorisme (avec l’Arabie saoudite depuis mai 2003), le Qatar et le Koweït ont surenchéri, individuellement. Touché en janvier dernier, le Koweït promet son «soutien à toutes les mesures que prendrait l’Egypte pour faire face» au terrorisme.
Le Premier ministre libanais, Nagib Miqati, condamne ce qui constitue à ses yeux une entreprise de déstabilisation des pays arabes visant à «entacher leur image». Pour leur part, les tours opérateurs s’abstiennent de commenter ce deuxième attentat en trois semaines en attendant de comprendre comment le double attentat de samedi et celui du 7 avril s’inscrivent dans la nébuleuse terroriste. Dimanche, le ministère égyptien du Tourisme a mis sur pied une cellule de crise à leur intention. Il s’efforce de minimiser cette réapparition du spectre terroriste qui hante l’Egypte depuis le début des années quatre-vingt-dix et fait battre de l’aile son tourisme. Les mises en garde lancées début mars par les autorités israéliennes n’ont en tout cas pas empêché cette année près de 30 000 touristes israéliens de venir passer leur vacances de la Pâques juive. Et cela dans la péninsule du Sinaï où un attentat avait fait au moins 32 morts dont 13 Israéliens en octobre 2004.
En 2004, plus de 8 millions d'étrangers (Italiens, Russes, Allemands, Français et Arabes) ont dépensé en Egypte quelque 7 milliards de dollars, selon les statistiques officielles. L’Egypte ne peut pas se passer de cette manne. Elle ambitionne même d’accroître ses capacités d’accueil. Epiphénomène ou regain de terrorisme, les événements de samedi ne sont pas de bon augure. Les autorités égyptiennes s’emploient donc à rassurer leurs partenaires étrangers. La vague d’arrestations en témoigne.par Monique Mas
Article publié le 01/05/2005 Dernière mise à jour le 01/05/2005 à 15:20 TU