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Armement nucléaire

TNP, mission impossible

La France a procédé à 45 essais aériens au Sahara et dans le Pacifique.(Photo: AFP)
La France a procédé à 45 essais aériens au Sahara et dans le Pacifique.
(Photo: AFP)
Une conférence s’est ouverte ce lundi à New York sous l’égide des Nations unies pour «muscler» les objectifs du Traité de non prolifération nucléaire (TNP). Certains experts prédisent d’emblée un échec de la réunion. Car s’il y a des négociations officielles dans le cadre du traité, il se passe également beaucoup de choses hors TNP, aussi bien du côté des pays qui ont signé ce texte que des autres.

Cette conférence de révision du Traité de non prolifération nucléaire est parrainée par les Nations unies et ce fût déjà devant cette instance internationale que l’ancien président américain Dwight Eisenhower prononçait, le 8 décembre 1953, un discours qui est resté célèbre. A l’époque, le souvenir des bombes atomiques américaines larguées sur Hiroshima et Nagasaki est encore dans les esprits. Eisenhower appelle alors à la création d’une agence de l’Onu spécifique pour surveiller le nucléaire mondial. Eisenhower avertissait déjà que le savoir-faire nécessaire à la fabrication de telles armes pourrait un jour «être acquis par d’autres Etats, peut-être par tous les autres».

Quelques années plus tard, le souhait du président américain était exaucé. L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) était créée à Vienne. Son rôle : veiller à la sécurité des installations nucléaires dans le monde. Cinq pays développent alors en quelques années des armes nucléaires : les Etats-Unis (1945), l’Union Soviétique (1949), le Royaume-Uni (1952), la France (1960) et la Chine (1964). La suite logique, c’est l’élaboration du Traité de non prolifération nucléaire, voulu par les Etats-Unis et l’Union Soviétique. En pleine guerre froide, ils étaient bien placés pour évaluer la redoutable puissance de ces armes. Le traité entre en vigueur en 1970. Par la suite, il est ratifié par 187 pays. Les spécialistes s’accordent à dire qu’il a bien rempli son rôle pendant plusieurs décennies en faisant régner ce qu’on appelle souvent l’équilibre de la terreur.

Le club des cinq

Dès le départ, l’objectif du TNP est de limiter la possession de l’arme nucléaire aux cinq grandes puissances qui l’ont mise au point à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Mais d’autres pays ne veulent pas rester à l’écart de cette puissance militaire. Beaucoup cherchent à acquérir ces armes, symbolique de la dissuasion, afin de rentrer dans le club des grands de la planète. D’une certaine manière, le traité lui-même prévoit ce partage puisque le texte autorise les cinq pays nucléarisés à donner les moyens technologiques aux autres afin qu’ils développent des programmes nucléaires civils. Dans le même temps, les cinq grands s’engagent à tout faire pour réduire leurs propres armements.

Pendant plusieurs décennies, l’AIEA a joué le rôle de gendarme, un rôle très politique dans un univers réputé secret, celui de la diplomatie et de la défense, lié à une industrie très sophistiquée dans laquelle il n’y a pas de barrière technologique entre le secteur du nucléaire civil et celui du nucléaire militaire. Malgré leur engagement à réduire leur propre armement, les cinq grands continuent à afficher régulièrement leur puissance en réalisant de multiples campagnes d’essais nucléaires, aériens, puis souterrains, secrets, ou non. Ces campagnes furent finalement stoppées mais un certain nombre de pays n’accepte pas cette domination des cinq grands. C’est le cas notamment de la Corée du Nord. Signataire du TNP, elle s’en retire le 10 janvier 2003, puis annonce le 28 août de la même année disposer de l’arme atomique.

Dedans, dehors

Plusieurs autres pays n’ont jamais signé le TNP et sont réputés posséder l’arme atomique. Ainsi l’Inde, qui a procédé à un essai nucléaire en 1974, le Pakistan, qui a défrayé la chronique avec les transferts de technologie effectués par Abdul Qadeer Khan vers la Libye, l’Iran et peut-être la Corée du Nord. Le «père» du programme pakistanais a fourni à ces pays des centrifugeuses permettant de fabriquer du combustible pour les centrales nucléaires civiles. Dernier cas, Israël. On connaît bien l’histoire de Mordechai Vanunu, technicien israélien du nucléaire, qui fit savoir à la presse que son pays avait l’arme nucléaire et avait sans doute réalisé un essai nucléaire dans le Pacifique avec l’aide de l’Afrique du Sud.

Les décennies ont passé, les pays signataires du TNP ont continué de se référer au cadre de ce traité pour protéger la paix par le biais de la dissuasion. Mais plus récemment, plusieurs pays signataires ont regretté que les puissances nucléaires n’aient pas respecté leur engagement de se désarmer, bien au contraire. Exemple, les Etats-Unis, qui financent un programme de recherches sur de nouvelles armes nucléaires, plus petites, plus ciblées, capables de détruire des bunkers souterrains où se trouveraient des centres de commandement ou des caches d’armes. La semaine dernière encore, Ronald Rumsfeld donnait publiquement son accord pour un nouveau financement concernant la mise au point de ces armes miniatures. Selon les experts, la Russie serait elle aussi en train de faire des recherches dans ce domaine.

Les nouvelles armes

La France, elle aussi, pratique le double langage. Si elle a renoncé il y a dix ans aux essais nucléaires dans le Pacifique après une ultime campagne mondialement critiquée, elle est en train de réaliser un programme de simulation d’essais dont l’élément le plus important est la construction du laser Mégajoule, dans le sud-est de la France. Ce laser et d’autres, ainsi que des calculateurs de grande puissance, permettront de fabriquer les armes nucléaires de demain ou des bombes thermonucléaires dites de faible puissance, utilisables sur les champs de bataille. Les Etats-Unis travailleraient sur le même genre de programme dont le contrôle échappe au TNP.

Face à la prolifération que le traité ne parvient pas à juguler, certains pays envisagent de sur leur décision de renoncer à l’arme nucléaire. Les cas du Brésil et du Japon, craignant pour leur sécurité, sont souvent cités.

Certainement pas de moratoire

Mohamed el-Baradei, le directeur de l’Agence internationale pour l’énergie atomique, voudrait que la conférence de New York décide d’un moratoire de cinq ans sur la construction de nouveaux centres d’enrichissement d’uranium ou de retraitement des combustibles irradiés. « Nous avons une capacité mondiale d’enrichissement et de retraitement suffisante », déclarait en janvier dernier le patron de l’AIEA. Ce moratoire aurait l’intérêt, expliquait-il encore, « d’imposer des limites au droit de chaque pays à développer un cycle nucléaire complet ». L’initiative a pour but de rétablir une égalité par l’exemple entre toutes les nations, alors que des crises internationales ont éclaté à la suite des programmes développés par l’Iran et la Corée du Nord, précisait le communiqué de l’agence de Vienne. L’Iran revendique le droit de fabriquer du combustible nucléaire à des fins civiles malgré une médiation réussie de l’Union européenne. Les Etats-Unis et l’Iran soutiennent cette proposition de moratoire. Le Canada, l’Australie, le Japon, la France, le Brésil et les Pays-Bas sont contre.

La conférence de New York devrait également aborder la question du marché noir du nucléaire, qui selon les experts, reste actif et peut potentiellement approvisionner les réseaux terroristes. Les Etats-Unis de leur côté voudraient que les pays qui ne respectent pas le TNP soient privés de technologie nucléaire. Une mesure qui viserait plus particulièrement l’Iran afin de l’empêcher de poursuivre son programme d’enrichissement d’uranium, dissimulé pendant 18 ans aux responsables de l’AIEA. Même si Téhéran et Pyongyang sont sur la sellette, c’est plus généralement le Traité de non prolifération dans son ensemble qui joue sa crédibilité à cette conférence de New York.

par Colette  Thomas

Article publié le 02/05/2005 Dernière mise à jour le 02/05/2005 à 18:11 TU

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Bruno Tertrais

Maître de recherches à la Fondation pour la recherche stratégique

«La Corée du Nord aime bien se rappeler au bon souvenir de la communauté internationale.»

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