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Nucléaire iranien

Téhéran méfiant face à Washington

Le négociateur iranien Cyrus Nasseri a estimé que les propositions américaines étaient «trop insignifiantes pour mériter un commentaire».(Photo: AFP)
Le négociateur iranien Cyrus Nasseri a estimé que les propositions américaines étaient «trop insignifiantes pour mériter un commentaire».
(Photo: AFP)
Les Etats-Unis ont créé la surprise en annonçant vendredi qu’ils étaient prêts à consentir à certaines mesures d’encouragement économique pour faciliter les négociations en cours entre l’Union européenne et la République islamique sur son programme nucléaire. Mais Téhéran, inflexible, a non seulement rejeté les propositions américaines mais a aussi adopté une position provocatrice en affirmant qu’il ne renoncerait jamais, comme le lui demande la communauté internationale, à la technologie nucléaire.

L’annonce américaine est intervenue alors qu’Européens et Iraniens venaient de boucler quatre jours d’intenses négociations à Genève sur le programme nucléaire de Téhéran sans qu’aucune avancée notable n’ait toutefois été enregistrée. Dans un geste de bonne volonté sans précédent envers la République islamique, les Etats-Unis se sont ainsi déclarés prêts à ne plus s’opposer à l’entrée de l’Iran au sein de l’Organisation mondiale du commerce. Washington a également annoncé être disposé à fournir «au cas par cas» des pièces rechange dont l’aviation civile iranienne a cruellement besoin, une petite brèche dans l’embargo américain imposé à Téhéran depuis plus d’un quart de siècle. Bien que limitées, ces mesures constituent un changement notable de la part de l’administration Bush qui, jusqu’à il y encore peu, réclamait le renvoi devant le Conseil de sécurité des Nations unies du dossier du nucléaire iranien dans la perspective de nouvelles sanctions. «Bush a franchi une énorme barrière psychologique car à Washington très peu de gens étaient prêts à offrir quelque chose à l’Iran», a ainsi confié à l’AFP un diplomate européen en poste à Téhéran. 

Ce changement d’attitude américain, destiné essentiellement à donner un coup de pouce aux négociations engagées par les trois grands Européens –Allemagne, France, Royaume-Uni– avec la République islamique pour qu’elle renonce à enrichir de l’uranium, a été fraîchement accueilli dans la capitale iranienne. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Hamid Reza Assefi, a ainsi fustigé samedi «le mensonge et l’hypocrisie qui constituent le noyau central de la politique étrangère des Etats-Unis». Selon lui, «au moment où la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice parlaient de la levée de certaines restrictions, Bush prolongeait les sanctions économiques contre l’Iran». Volontairement provocateur, le responsable iranien a réaffirmé que son pays restait «déterminé à utiliser la technologie civile nucléaire et aucune pression, menace ou mesure incitative ne peut amener l’Iran à renoncer à ses droits légitimes». La veille, le principal négociateur iranien, Cyrus Nasseri, avait affirmé que les mesures incitatives proposées par les Européens et acceptées par Washington étaient «trop insignifiantes pour mériter un commentaire». 

Des ambiguïtés persistent, selon Téhéran

Intervenant samedi à la télévision d’Etat iranienne, Cyrus Nasseri a estimé que les quatre jours d’intenses négociations qui se sont déroulé à Genève n’ont pas permis d’avancée notable. «Malgré tous les efforts, nous n’avons pas pu arriver à une conclusion  et des ambiguïtés persistent sur des sujets essentiels», a-t-il notamment affirmé. Selon lui la question des «garanties objectives n’est pas encore claire». Paris, Londres et Berlin s’efforcent en effet de convaincre le régime iranien de «donner des garanties objectives» qu’il ne fabrique pas l’arme atomique en échange d’une coopération nucléaire civile, technologique et commerciale et d’un dialogue politique et de sécurité. Le responsable iranien a en outre précisé avoir répéter à ses interlocuteurs que son pays allait poursuivre la production de combustible nucléaire. «C’est notre droit dans le cadre des règles internationales et tout ce que nous pouvons faire c’est donner des garanties que nous n’allons pas vers des objectifs militaire», a-t-il ajouté. Or la meilleure preuve pour les Européens que l’Iran ne cherche pas à se doter de l’arme atomique est qu’il renonce à enrichir de l’uranium. En fonction de son degré d’enrichissement, ce matériau peur en effet servir à des fins militaires.

Dans un rapport remis vendredi à leurs partenaires de l'Union, les trois grands Européens ont regretté le manque de «progrès» dans les négociations entreprises avec la République islamique, tout en se déclarant confiants dans les chances d'une issue diplomatique. «Si les progrès ne sont pas aussi rapides que nous le souhaiterions, nous croyons que nous avançons dans la bonne direction», indiquent dans ce document les ministres des Affaires étrangères des trois pays, Joschka Fischer, Michel Barnier et Jack Straw. Berlin, Londres et Paris y avertissent cependant Téhéran qu'en cas d'échec, ils n'auront «pas d'autre choix que de soutenir le renvoi du programme nucléaire iranien devant le Conseil de sécurité des Nations unies» qui pourrait alors décréter des sanctions contre l'Iran.


par Mounia  Daoudi

Article publié le 12/03/2005 Dernière mise à jour le 12/03/2005 à 18:26 TU