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Nucléaire iranien

Bush et Poutine ne partagent pas la même vision

Bouchehr, la centrale nucléaire irannienne.(Photo: DR)
Bouchehr, la centrale nucléaire irannienne.
(Photo: DR)
Sourd aux critiques de Washington sur le nucléaire iranien, Vladimir Poutine semble déterminé à montrer à «son ami» le président George Bush, à l’occasion de leur rencontre à Bratislava, qu’il n’a pas l’intention de céder à ses pressions sur ce dossier qui constitue l’un des sujets de désaccord les plus sérieux entre leurs deux pays. Reporté à plusieurs reprises, un accord clé pour la mise en œuvre de la centrale nucléaire de Bouchehr que la Russie construit dans le sud de l’Iran doit justement être signé vendredi, quelques heures après que les deux hommes se soient rencontrés dans la capitale slovaque.

Quelques heures avant sa rencontre avec le chef du Kremlin, le président américain, qui a toujours été très critique envers le régime iranien, a tempéré ses propos concernant le programme nucléaire de Téhéran. «J’espère que nous serons capables de trouver une solution», a notamment déclaré George Bush. Soulignant que les trois grands de l’Union européenne –l’Allemagne, la France et la Grande-Bretagne–, qui cherchent à convaincre la République islamique de s’engager à long terme à ne plus enrichir d’uranium, lui avaient tous dit «haut et fort que les Iraniens ne devaient pas avoir l’arme nucléaire», le président s’est ainsi félicité de cette convergence de point de vue. «Ce qui est important, c’est que nous sommes unis là-dessus», a-t-il insisté faisant valoir pour la première fois que l’initiative européenne pourrait se faire non seulement au nom de l’Union mais aussi de l’Otan et des Etats-Unis.

Ces déclarations sont à ce jour la plus importante marque de soutien de Washington à l’action menée par la troïka européenne auprès des autorités iraniennes. La Maison Blanche, qui a jusque-là adopté une ligne dure face au régime de Téhéran réclamant notamment que le dossier nucléaire iranien soit traité au niveau du Conseil de sécurité des Nations unies en vue d’éventuelles sanctions, semble être aujourd’hui disposée à laisser une chance aux négociations en cours. George Bush a ainsi affirmé qu’il serait «plus probable» qu’il y ait une initiative diplomatique commune si les Etats-Unis et les l’Union européenne sont «sur la même longueur d’onde». «Et je sais que nous sommes sur la même longueur d’onde lorsqu’il s’agit d’un but commun», a-t-il ajouté. 

Ce léger infléchissement de la position américaine, qui s’est déjà heurté au refus catégorique de Téhéran de voir Washington impliqué dans ses négociations avec les trois Européens, est intervenu quelques heures avant le sommet Bush-Poutine de Bratislava. Un sommet qui s’annonçait très tendu en raison notamment des rappels à l’ordre de la Maison Blanche concernant les manquements à la démocratie en Russie mais aussi des divergences profondes sur le dossier du programme nucléaire iranien.

Le patron du nucléaire civil russe à Téhéran

Et signe que le Kremlin n’est visiblement pas prêt à changer de position sur cette délicate question, le patron du nucléaire civil russe est attendu vendredi dans la capitale iranienne. Alexandre Roumiantsev doit y signer un accord clé qui doit permettre la mise en service de la centrale nucléaire de Bouchehr que la Russie construit dans le sud du pays au grand dam des Etats-Unis. La conclusion de cet accord, qui porte sur la fourniture de combustible nucléaire ainsi que sur son rapatriement –exigé par la communauté internationale– une fois usé, avait été reportée à plusieurs reprises déjà. Et ce n’est sans doute pas un hasard si elle intervient moins de vingt-quatre heures après une rencontre entre Vladimir Poutine, qui s’est encore récemment dit convaincu que la République islamique ne voulait pas fabriquer la bombe atomique, et George Bush qui est, lui, persuadé du contraire.

En apposant sa signature à un tel accord à un moment où le dossier du nucléaire iranien est au cœur de tous les débats, Moscou cherche sans doute à afficher son indépendance vis-à-vis de l’administration américaine, première puissance mondiale. Loin d’être insensible au problème de prolifération nucléaire dont elle reconnaît la gravité mais tout en niant qu’il concerne l’Iran, la Russie voudrait en effet conforter sa place sur un marché qui, s’il est estimé à 800 millions de dollars pour la seule centrale de Bouchehr, pourrait lui rapporter des milliards de dollars dans des pays comme la Chine ou l’Inde, voire également en Iran ou d’autres projets ont été préparés. Une manne à laquelle elle n’est visiblement pas prête à renoncer même si cela doit lui risque de provoquer des tensions avec grand son allié américain.


par Mounia  Daoudi

Article publié le 24/02/2005 Dernière mise à jour le 25/02/2005 à 14:09 TU